L'auteur du magazine "Jean-Louis Murat - Le garder près de nous" raconte ses entretiens avec le chanteur mort le 25 mai 2023. Son caractère, son attachement à sa région Auvergne, son talent d'auteur, son influence sur la musique française, dix années de fréquentation qui ont marqué Richard Beaune.
Jean-Louis Murat avait une très mauvaise réputation. Le bougre était très irascible selon beaucoup de médias et tirait volontiers à boulets rouges sur les journalistes ou même sur ses collègues de la chanson française. Une réputation qu’il entretenait sans doute pour faire parler de lui au sein d’un marché du disque de plus en plus moribond. Si la stratégie portait parfois ses fruits, c’était au détriment d’un autre aspect du personnage, celui qui m’intéressait davantage en tant que journaliste : Jean-Louis Murat était aussi l’un des plus grands musiciens de notre époque. Un faiseur de chansons comme il en existe peu dans notre patrimoine.
Lorsque j’ai commencé à l’interviewer pour France 3 Auvergne, l’auteur du « Sentiment nouveau » et d’autres succès des années 1990, comme « Te garder près de moi » ou « Si je devais manquer de toi », venait de sortir un album estampillé « made in Auvergne ». Il s’intitulait « Babel » et sur la pochette, son nom était accompagné de celui du groupe folk auvergnat The Delano Orchestra.
Une icône à part entière
J’avais interviewé quelques artistes de son envergure. Pourtant, je dois bien l’avouer, j’étais mort de peur : Jean-Louis Murat m’impressionnait et surtout, j’admirais beaucoup trop son œuvre. Bref, j’étais un fan inconditionnel et je craignais de ne plus pouvoir l’écouter après cette rencontre. C’était ne pas mesurer la force de son œuvre, m’imaginant que j’aurais un si mauvais souvenir de lui qu’il me serait impossible d’écouter à nouveau ses chansons… L’interview a été une catastrophe. Je pense lui avoir sorti tous les clichés de l’interview de chanteur. Mais il était drôle et d’une extrême bienveillance. Il aurait pu m’envoyer paître avec mes questions convenues. Il a préféré sortir quelques traits d’humour car l’humour, il en avait à revendre, c’est une des choses que j’ai découvert en le rencontrant. Jean-Louis Murat était drôlissime.
Il a accepté de nouvelles rencontres par la suite et je ne l’ai plus jamais interviewé de la même manière. Je l’ai surtout laissé parler et c’était un vrai bonheur de l’écouter.
Un chanteur attaché à " sa Bourboule "
Lors de notre dernière rencontre, l’artiste nous a raconté son Auvergne, "sa" Bourboule, ville dans laquelle il avait grandi, "son" Clermont, ses chansons, "son" Jean-Louis Murat finalement. Nous n’avons pas tout enregistré et filmé. Nous avons fini la rencontre en terrasse d’un café de La Bourboule en discutant et en riant.
Ces images, j’ai tenu à les mettre dans le magazine consacré au concert hommage de la Coopérative de Mai car je ne voulais pas seulement retranscrire un concert. J’ai souhaité profiter de cet hommage pour faire le portrait de Murat : Murat le musicien, Murat le poète, Murat le chanteur, Murat l’Auvergnat.
Il a influencé la musique française
Dans ce magazine, tous ces "Murat" sont racontés par ses amis, ses proches, les musiciens qui ont travaillé avec lui et ceux qui auraient aimé le faire. En écoutant les reprises de ses chansons par d’autres et en écoutant les personnalités interviewées, on réalise à quel point Jean-Louis Murat a, l’air de rien, influencé la musique française. L’air de rien parce que c’est quelque chose qu’on a peu dit, de son vivant comme après sa disparition. Le chanteur et auteur de romans Florent Marchet, qui reprend magistralement la chanson "Le monde intérieur", l’explique très bien dans le magazine et ajoute qu’il serait même "blessé si l’œuvre de Murat n’était pas un jour connue et reconnue". "On ne l’a pas assez dit" surenchérit la journaliste Pascale Clark, en parlant du talent de mélodiste du chanteur qu’elle a interviewé des dizaines de fois.
Un grand vide
Lors de sa dernière tournée, je ne l’ai pas interviewé, pris par d’autres projets et pensant sans doute qu’il suffirait d’attendre seulement une année de plus pour qu’il sorte un nouveau disque ou fasse une nouvelle tournée. Je l’ai regretté quand j’ai appris comme tout le monde sa subite disparition. Sa mort m’a fait l’effet d’une bombe, provoquant un grand vide car Jean-Louis Murat, je le croyais éternel.
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