Témoignage. "En arrivant, on nous nettoyait..." : des "enfants de la Creuse", ces déracinés de la Réunion se retrouvent pour partager leurs souvenirs

Publié le Mis à jour le Écrit par Catherine Lioult
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On les appelle les "enfants de la Creuse". De 1962 à 1984, plus de 2000 enfants et adolescents de l'île de la Réunion ont été transférés de force en métropole, dans la Creuse, mais aussi dans d'autres départements. Certains d'entre eux ont vécu à Cannes et ils se sont retrouvés pour mettre en commun leurs souvenirs avec encore beaucoup d'émotion.

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Elle n'a pas pu terminer une visite prévue à Cannes dans le foyer qui l'a accueillie à son arrivée de l'île de la Réunion. Plusieurs décennies plus tard, l'émotion est trop grande pour Mylène Dambreville, âgée de 13 ans lors de son arrivée sur la Côte d'Azur. 

J’étais un petit peu choquée, car quand je suis arrivée devant cette porte de foyer, j'étais comme devant une porte de prison. Je n'avais jamais vu ça à la Réunion. Et en arrivant, on nous nettoyait, il y avait comme une vapeur qui nous nettoyait...

Mylène Dambreville

On les appelle "les enfants de la Creuse". Nous sommes au début des années 60. Au moins 2 150 enfants de l'île de la Réunion, alors département français d'Outre-Mer, relèvent de l'Aide sociale à l'enfance. Ils seront transférés dans des départements métropolitains où l'exode rural est fort.

La Creuse, d'où le nom donné à ces enfants, mais aussi le Tarn, la Lozère, le Gers, les Pyrénées-Orientales et les Alpes-Maritimes à Cannes.  

C'est là que, à l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant 2024, plusieurs dizaines d'entre eux se sont retrouvés.

Pour ces petits, ce déracinement est un traumatisme, il est perçu comme une déportation, car le consentement des familles laisse planer un doute sur leur réelle volonté.

Pour beaucoup, la promesse d'une vie meilleure ne se réalisera pas. Pire, ce sera un voyage en enfer.

Jean-Charles Serdagne sera de ceux-là. 

J'ai été battu tous les jours chez ce paysan, je n'avais aucun confort, j'étais vraiment esclave. Ce paysan se permettait de me faire manger des crottes de moutons.

 Jean-Charles Serdagne, placé dans une ferme

> Le témoignage de Jean-Jacques Serdagne, né en 1953 à la Réunion et arrivé dans la Creuse en 1966 :

Plus de racines pour les enfants de la Creuse

En créant le Bumidom (Bureau pour la Migration dans les Départements d’Outre-Mer) à l'époque, le député de la Réunion, Michel Debré veut accélérer le mouvement de migration des Réunionnais vers la Métropole.

A-t-il mesuré à l'époque le choc de culturel et géographique de l'exil, la rupture des liens familiaux ? Pour beaucoup, c'est un cauchemar qui commence.

À la recherche d'une reconnaissance de l'État français

Sylvie Arcos fut une mineure réunionnaise dite de la Creuse. "Nous attendons une reconnaissance, des excuses publiques, une indemnisation" explique-t-elle. Jean-Charles Serdagne est désabusé. "Avec des milliards, ça ne compensera pas la plaie qu'on a, mais au moins qu'il nous donne de quoi payer notre tombe, qu'on puisse être enterré dignement, c'est tout ce que je demande !" 

À Cannes, la récente réunion sur les lieux de leur arrivée leur a permis de partager leurs souvenirs et peut-être un peu de les exorciser, et d'engager ce combat pour la reconnaissance, qui les aide un peu à tenir. 

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