Le numéro 3 du CHU de Clermont-Ferrand condamné à 6 mois de prison avec sursis pour harcèlement sexuel

L’ancien président de la Commission médicale d’établissement du CHU de Clermont-Ferrand a été condamné à 6 mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende pour harcèlement sexuel, lundi 30 mai. Une secrétaire avait déposé plainte après avoir reçu, pendant plusieurs semaines, des SMS explicites.

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Le tribunal correctionnel a condamné un professeur du CHU de Clermont-Ferrand à 6 mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende pour harcèlement sexuel lundi 30 mai. Le professeur Laurichesse, ancien président de la Commission médicale d’établissement et ancien chef de service des maladies infectieuses, est accusé d’avoir envoyé en 2019 de nombreux SMS explicites à une secrétaire de l’hôpital, actuellement en arrêt maladie. Cette dernière a déposé plainte en novembre 2020. Le président s’adresse d’abord au n°3 du CHU, lui rappelle sa « position éminente » de médecin « reconnu au niveau national ». Embauchée en 2014 en tant que contractuelle, la secrétaire commence à travailler avec le praticien en 2017. Les deux protagonistes racontent une relation professionnelle et une collaboration solide.

De nombreux SMS

En 2019, tout commence : « A partir du janvier 2019, le procès-verbal permet de recenser des SMS », explique le président. Le recensement, effectué le 9 septembre 2020, montre que les messages sont encore dans le téléphone du mis en cause. Le président lit certains de ces SMS, ou par exemple il est question de cadeaux. Henri Laurichesse évoque des relations professionnelles « assez étroites » avec le secrétariat et dit qu’offrir des étrennes est « une tradition hospitalière ». Quelques jours plus tard, au cours d’un autre échange de messages, l’accusé dit : « C’est pour tout cela que je vous aime ». « Je ne conteste pas l’existence de ces messages », dit Henri Laurichesse. « Nous avons toujours eu des échanges verbaux et recours aux SMS. J’ai aussi l’habitude d’écrire de manière familière, c’est mon style d’échange ». « Vous êtes dans le registre de la séduction », réplique le président.

Des allusion au poste de la plaignante 

Pour le médecin, il n’a commis aucune faute : « Je n’ai jamais employé de termes désobligeants, j’ai essayé d’être respectueux. J’ai cru bon d’exprimer ce que je ressentais. On avait une sorte de complicité, on ne parlait pas que de travail. » Il écrit plus tard à sa secrétaire qu’il souhaite la « serrer dans les bras et l’embrasser ». Le 7 février, la plaignante réussit un concours professionnel. Le président raconte qu’après l’avoir largement félicitée et lui avoir offert des fleurs, le médecin lui aurait envoyé : « J’ai toujours besoin que vous m’embrassiez […] sinon il me sera difficile de continuer avec vous aussi longtemps, comprenez s’il vous plaît, ce serait trop de souffrances pour moi ». Le président se demande s’il s’agit d’une menace voilée. Le mis en cause répond : « Si ce type de relation avait dû se développer, ça aurait été compliqué. »

Une demande d'intimité

Les messages se font de plus en plus pressants : « J’aimerais passer avec vous des moments d’intimité réciproque et de plaisir réciproque […] sinon il faudra mettre un terme à notre collaboration », lit le président. Pourtant le prévenu nie être en demande de contact physique : « C’est une souffrance intérieure. J’étais sous la pression administrative. J’ai des échanges très amicaux avec d’autres secrétaires. Les mots peuvent surreprésenter ce que l’on pense. » La jeune femme rejette ses avances. Henri Laurichesse indique qu’il n’avait pas l’intention de nuire à sa carrière. Il explique qu’il a tenu ses engagements auprès d’elle et qu’il lui a obtenu un temps-partiel, donc qu’il n’avait pas l’intention de la remercier. « Vous avez une influence décisive sur les secrétaires ? » questionne le président. « Oui », reconnaît-il, « notre avis est requis ».

« Je vous embrasse très fort et très amoureusement »

Dans une lettre, il écrit : « Je suis devenu au fil des mois amoureux de vous et cela vient perturber nos relations professionnelles. Vous êtes belle, élégante, vivante… » Il termine sa lettre en disant : « Je vous embrasse très fort et très amoureusement ». La jeune femme ne comprend pas cette insistance.  « J’ai été claire sur le fait qu’il n’y avait aucune réciprocité de ma part sur les sentiments de M. Laurichesse ». Dans un SMS quelques jours plus tard, le médecin dit qu’il n’aura pas la force de continuer son mandat si ses sentiments ne sont pas réciproques. Il se justifie : « J’ai traversé une période où j’étais fatigué professionnellement. J’avais beaucoup de pression. » Mais la jeune maman raconte que cet amour non-partagé affectait son travail : « Il me demandait de venir vers lui près de lui pour travailler. Il me disait que je sentais bon il s’approchait. Il me disait que j’étais sensuelle. Je devais toujours passer dans son bureau et je me sentais oppressée. Il tirait la chaise pour se rapprocher lorsqu’on était assis à côté ». Ce que nie le prévenu avec vigueur : « J’ai pu effleurer son épaule mais ce témoignage est faux. J’ai eu un comportement tout à fait respectueux. Il n’y a jamais eu de contact physique entre nous. J’ai été extrêmement prudent. Ce n’est pas vrai, je n’ai jamais eu de gestes déplacés ou malveillants. »

Une fin de collaboration

S’il affirme qu’il n’y avait « pas de chantage de (sa) part », pour sa secrétaire, « c’était très oppressant, pesant, je me sentais obligée de répondre poliment pour ne pas que ça se passe mal au travail. Je voulais mettre un terme à ces sms mais à chaque foi ça recommençait quelques jours après. Il avait parfois des comportements désagréables, comme un enfant qui boude le lendemain. Je voulais retrouver une harmonie professionnelle. Je ne voulais pas continuer dans ces conditions oppressantes et pesantes ». Henri Laurichesse rétorque : « Nous avons travaillé, nous avons travaillé dur. Pour moi, c’était une bonne collaboration. » Il ajoute : « Elle était très contente de les montrer aux secrétaires du service, elle en était fière. Ces SMS étaient brandis comme des trophées de guerre. » Quelques mois après les faits, la jeune femme finit par changer de service. Mutée à l’IFSI, elle explique ne pas être parvenue à se reconstruire.

Des SMS à des heures tardives

Après une plainte déposée en novembre, la commission administrative d’enquête conclut à la démission du professeur le 15 février. Le 16 février, le directeur du CHU lui adresse une lettre, l’invitant à mettre fin à ses fonctions et à démissionner. Il présente sa démission le 18 février. Le président évoque les témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête. Des « attitudes séductrices » de la jeune femme reviennent dans plusieurs témoignages. Plusieurs indiquent également qu’elle se plaignait de l’empressement du médecin à son encontre. « J’ai exprimé mes sentiments de façon décente sans volonté de chantage et sans volonté de nuire. Je n’aurais peut-être pas dû écrire certaines choses mais je ne pense pas avoir été malhonnête ou pervers. Nous ne nous sommes jamais rencontrés en dehors de l’hôpital », déclare-t-il. Elle répond : « je l’ai vécu comme du harcèlement. On reçoit des SMS à 22 heures, 23 heures, on nous demande de l’intimité… Il y avait toujours ce malaise. J’avais beau lui dire qu’il n’y avait pas de réciprocité, il continuait ». Enfin, concernant une enveloppe de 500 euros remise à la jeune femme, le prévenu affirme qu’il souhaitait l’aider financièrement et non obtenir des faveurs de sa part. A l’heure actuelle, la secrétaire est en arrêt maladie. Le praticien, lui, n’exerce plus car sous le coup d’une suspension administrative consécutive à une autre affaire de nature sexuelle (accusation de viol de la part d’une collaboratrice du CHU).            

"Tout le monde lui crache dessus"

Le plaidoyer de l’avocat de la partie civile commence. Me Duplessis précise à la cour que « cette affaire a été extrêmement compliquée à amener devant vous. Si j’ai réussi c’est grâce aux syndicats. Il y a un sentiment d’impunité des grands. » Pour l’avocat, le harcèlement est caractérisé : « Les faits sont établis à notre sens. Il y a des SMS échangés à des fréquences importantes, à des heures tardives, les week-ends et qui émanent d’une personne qui a autorité. Le mis en cause recherche une intimité et quand il voit qu’il n’y a pas de réciprocité, il met en balance le poste. Il exige d’avoir un retour sur investissement. » Il fait appel à des jurisprudences dans lesquelles on constate selon lui que « certaines victimes ont du mal à répondre à un supérieur hiérarchique. » « Il a utilisé comme subterfuges l’argent, le poste… », dénonce l’avocat. « Ses intentions sont très claires. C’était insupportable pour ma cliente. Le harcèlement moral est établi. Les propos utilisés par M. Laurichesse ne laissent pas de place au doute. Il sait ce qu’il a fait », dit-il, faisant référence à un SMS où le prévenu écrit : « Je me rends parfaitement compte que vous vivez mes sms comme des harcèlements ». La victime et les syndicats demandent 5 000 euros au titre de dommages et intérêts. Il conclut sur la difficulté de sa cliente à aller jusqu’au bout de la procédure : « C’est l’omerta. Aucun médecin du Puy-de-Dôme n’a voulu s’en mêler. Tout le monde lui crache dessus, vous verrez. On dit qu’elle s’habille mal, qu’elle n’a pas de sous… L’institution l’écrase. »  

Un homme "éconduit"

L’avocate générale s’oppose à l’exclusion de la condamnation du casier du prévenu. Elle requiert 6 mois d’emprisonnement avec sursis et privation du droit d’éligibilité pendant 5 ans La parole est à la défense. Pour Me Hussar, c’est « un échange mutuel de SMS ». Il n’y a pas de supériorité hiérarchique dans la fonction publique, indique l’avocate, le médecin ne peut pas renvoyer sa secrétaire. La défense précise que le professeur Laurichesse envisageait de quitter lui ses fonctions suite à sa déception amoureuse mais qu’il ne s’agit pas de menaces pour son poste à elle. L’avocate plaide la relaxe. « C’est quelqu’un qui avoue ses sentiments à une autre personne », plaide Me Hussar. Elle rappelle que personne n’a vu de gestes déplacés. « Elle n’était pas seule dans son bureau avec le Pr Laurichesse. » Sur l’argent, l’avocate déclare : « C’est usuel pour le professeur Laurichesse d’aider humainement et financièrement dans le besoin. Ce n’était pas pour s’attirer les faveurs. » Elle ajoute : « C’est un homme amoureux qui est éconduit. Il a juste envoyé quelques SMS pour dire qu’il était triste ».

6 mois de prison avec sursis

Après une trentaine de minutes de délibération, les faits sont requalifiés en délit de harcèlement sexuel et le professeur Laurichesse est reconnu coupable de harcèlement sexuel. Il écope de 6 mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende. Cette peine ne sera pas inscrite au casier judiciaire et au Fijais (Fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes). Il est également inéligible pendant 5 ans et devra verser à la victime 5 000 euros au titre du préjudice moral, et 500 euros à chaque syndicat. Me Duplessis se félicite de ce jugement : « Je suis très satisfait puisqu'au départ, on avait une procédure engagée pour du harcèlement moral, requalifiée en harcèlement sexuel. C'est très satisfaisant puisqu’on n'est passé un degré au-dessus dans le harcèlement. On a quand même la notion de harcèlement psychologique, mais on a quand même la caractérisation d'agissements avec des faveurs sexuelles. Je remercie la justice. Je suis très satisfait de voir que la justice a bien fait son travail, de manière indépendante, alors que c'était un dossier où on aurait pu estimer qu'il y aurait beaucoup de rebondissements, eut égard à la notoriété du mis en cause. C'est quelqu'un de protégé, qui a beaucoup de responsabilités, il avait énormément de personnes qui ont témoigné en sa faveur, des personnes qui étaient cadres des services hospitaliers. » Seul bémol pour la partie civile, cette condamnation ne sera pas inscrite au casier judiciaire du prévenu : « C'est un peu dommage. On a eu l'explication à l'audience qui était celle que sa carrière était plus derrière lui que devant. Le fait que ce soit exonéré du casier B2, c'est surtout pour pouvoir prétendre à un emploi, notamment en fonction publique. Après c'est vrai que moralement, ça aurait été mieux de montrer qu'une personne de son importance a le même type de sanction que d'autres, qui ont moins de de responsabilités. » Il se concentre désormais sur l’indemnisation de sa cliente.

Une autre plainte déposée

Pour Christophe Cibert, représentant du syndicat CGT au CHU de Clermont-Ferrand, « ce jugement est essentiel » pour libérer la parole et « montrer que les agents ont des droits. » Il ajoute : « Au CHU, il y a des incompréhensions par rapport à ce dossier. Nous sommes toujours surpris que malgré le résultat de la commission d'enquête administrative qui a reconnu le harcèlement moral contre le professeur Laurichesse, celui-ci puisse bénéficier de la protection fonctionnelle alors que c'est une faute détachable du service. Nous allons forcément demander à la direction générale de nous expliquer comment il se fait qu'un professeur de médecine, qui en plus a encore tous ses traitements et salaires soit près de 10 000€ par mois pour vivre, puisse bénéficier aussi des frais d'avocats payés par le CHU ? C'est quelque chose qui nous est incompréhensible. Il est anormal qu'une personne, quel que soit son rang, puisse bénéficier d'une protection fonctionnelle payée par l'État et qui plus est par le CHU Clermont Ferrand, alors qu'il est déjà reconnu coupable une première fois par une instance administrative. » Il rappelle qu’une autre plainte a été déposée par un agent du CHU contre le professeur Laurichesse. Celui-ci n’a pas souhaité s’exprimer. Il dispose de 10 jours à compter de ce mardi 31 mai pour faire appel.

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