Loïc, ce "sacré loustic" d'épicier qui a su conquérir le cœur des habitants de ce village d'Auvergne

Beaulieu dans le Puy-de-Dôme : 450 habitants. Qui ne connaît pas Loïc, l'épicier du village ? Avec son humour, sa gouaille de pêcheur et son accueil chaleureux, l'homme de 60 ans, est devenu un personnage incontournable de la commune.

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C’est qu’il ne manque pas d’humour, l’épicier du village !  « T’étais au bout du rouleau ? » Un jeune homme vient de déposer un gros paquet de papier toilette rose sur le comptoir. « Vous n’avez pas de saucisse ? », l’interroge une dame du village devant l’armoire réfrigérée. « A priori, j’en vois pas. Y en a qu’ont eu faim. » Un brin pince-sans-rire.

Loïc Brisard est le commandant de bord de cette épicerie de village. Beaulieu, dans le sud du Puy-de-Dôme, 450 habitants. « J’en connais bien la moitié sans problème… », affirme-t-il, casquette sur la tête, petite moustache blanche et pas du tout la langue dans sa poche.

Yolande, Alain, Jeannot, Arlette et les autres

Mais courtois devant Yolande, la doyenne du village, 96 ans. « Elle vient tous les jours à pied ! Quand j’ai repris l’épicerie il y a 9 ans, elle passait sur son motoculteur pour aller faire son jardin  plus haut. Impressionnant ! Elle montait dans l’arbre ramasser les noix. Maintenant, elle n’y va plus. Elle dit : "J’ai vieilli ". 96 ans…Impressionnant ! »

 Et puis Alain. Et puis Jeannot. Et puis Arlette. On est toujours sûr d’être bien accueilli chez Loïc. Souvent par le prénom.  « Moi, je tutoie facilement. J’ai jamais pu faire la barrière », confesse-t-il. « J’ai le contact facile, peut-être un peu trop… »

Une gentille gouaille de pêcheur qu’il a choppée en Vendée, en vendant les huîtres de son père sur les marchés le samedi matin. « Un sacré loustic », glissera Arlette.

Le cœur gros comme ça !

Loïc Brisard est arrivé en Auvergne avec Sylvie, son épouse, il y a 9 ans. Il y séjournait pour son travail, il était enseignant dans une maison familiale et rurale. Et il a eu le coup de cœur. « C’est vallonné et le temps est froid et sec. Mieux que dans l’ouest où c’est humide et venteux. Quand je rentre en Vendée, eh ben, il pleut ! »

Et il s’est attaché à ces Auvergnats qu’il sert chaque jour du mardi au dimanche : « Ils sont super sympas ! Ils sont comme les Vendéens ! Ils ont un cœur gros comme ça et les doigts comme ça ! » Derrière son comptoir, un petit air narquois, Loïc recroqueville ses doigts. Et se marre. «  Ils sont près de leurs sous ! » Avant de devenir plus sombre : « Comme nous…comme tout le monde. Va falloir être près de ses sous car il ne va plus y en avoir beaucoup. Pour certains, la vie va être plus dure. »

Humour et délicatesse

Mais l’épicier est incapable de perdre sa joie trop longtemps. Et son humour. Quoi, les bananes sont toutes vertes ? « Mais ici ils ont de bonnes dents ! », rétorque-t-il.

Délicat aussi. Il aide Alain aux doigts malhabiles à reprendre son sac et lui laisse le temps de partir tranquillement, à son rythme. Et puis, après une période de calme, ça surgit de partout. Pour une baguette, un paquet de cigarette, un jeu à gratter, une quiche faite maison (Loïc cuisine !!)

Tiens, y a le petit chien de la maman de Cathie qui s’est détaché de son harnais et qui s’est enfui dans le village. « Il a dû retourner chez ma fille », s’empresse de rassurer la maman,  en se saisissant de son portable pour prévenir la fameuse Cathie. Et Arlette qui oublie ses croissants pour sa sœur ! Loïc doit lui courir après. « Quand on a pas d’tête, on a des jambes ! » Entretemps, le livreur est passé. Des bouteilles de vin, des jus de fruit, des galettes bretonnes, du lait. Et les livreurs de colis qui lâchent leur cargaison sur le sol de l’épicerie. Loïc déballe, range, classe.

Multi-service

Une boutique qui n’a jamais dû changer. Les journaux à droite en entrant, l’armoire réfrigérée avec le beurre et le fromage râpé sur la gauche et une enfilade de rayonnages où s’entassent  le Benco, les nounours en guimauve, les gaufrettes, la lessive. Et tout au fond, dans une salle voûtée, tout juste éclairée, les fruits et légumes. Avec au milieu une petite machine pour imprimer des photos. Et sur le mur du fond, une vitrine avec des bijoux. Entre les tomates et les bouteilles de rosé. « C’est pour la fête des mères et la Saint-Valentin. »

On trouve de tout chez Loïc Brisard. Il est même devenu postier, vendant les timbres et récupérant le courrier et les lettres recommandées. « C’est plus un multi-service qu’une épicerie », précise-t-il.

Un homme de 60 ans, bien conscient de son utilité dans un village rural où survit le dernier commerce. « J’aime leur rendre service. Quand la petite mamie de 96 ans n’a plus réussi à installer elle-même sa bouteille de gaz, je me suis mis à le lui faire. » Arlette, coquette, mise en pli impeccable, confirme : «  Nous avons un épicier dévoué ! Le matin, c’est lui qui me livre mon journal avec mon pain ! »

Premières amours

Ici, ce n’est pas l’église qui est au centre du village – même si cette dernière est particulièrement jolie avec son style roman auvergnat - mais l’épicerie ! « Je suis la commère du village ! », rigole encore Loïc. « Je suis le premier au courant des nouvelles. Je reçois les doléances. Régulièrement on me dit : " Si tu vois le maire, tu lui diras que… " Jean-Paul, le maire, passe tous les jours chercher son pain. » Une façon d’être sûr de faire remonter l’information. Ici la mairie n’est ouverte que trois demi-journées par semaine.

 Mais ce que Loïc préfère, c’est d’avoir l’impression d’être le grand-père des jeunes du village. Il contribue à sa manière aux premières amours naissantes. « Avant de monter dans le bus, parfois un jeune garçon arrive accompagné d’une petite fille : " Qu’est-ce que tu veux comme bonbons ? " C’est marrant, c’est mignon. »

En vente

Mais qu’en restera-t-il ensuite ? Loïc a passé les 60 ans. La retraite l’attend à la fin de l’année. Le camping-car est prêt pour le grand départ sur les routes de France. Sylvie, son épouse, qui assure les tournées en camion dans les villages alentours, a déjà commencé à se mettre en retrait. L’épicerie est en vente. Depuis 6 mois. « Oh, y a des touches, mais juste des touches. » Arlette, plus tôt, s’en inquiétait. « J’espère qu’il va trouver un acquéreur, hein… »

Car à Beaulieu, auparavant, l’épicerie avait changé de mains au moins 6 à 7 fois en seulement 20 ans. Peu de monde pour tenir le coup dans une petite épicerie de campagne. Loïc, lui, s’est épanoui comme une fleur pendant 9 ans dans ce coin reculé d'Auvergne. Il le sait déjà, la clientèle et le contact humain vont lui manquer. Mais son tour est venu, comme il dit.

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