Il est fréquent que des particuliers, souvent sans héritiers, lèguent leur fortune à une municipalité au moment de leur décès. Ces donations atteignant parfois le million d'euros peuvent changer la vie d'une commune. Exemples en Auvergne.
Sylvain Lelièvre se doutait bien que Jean-Claude Habrial, maire de Saint-Hilaire-Lacroix avant lui, laisserait "un petit quelque chose" à sa mort. Convoqué chez le notaire il y a un an, l'édile a découvert que son prédécesseur avait choisi de léguer l'intégralité de sa fortune à cette commune du Puy-de-Dôme qui l'a vu grandir. Une rondelette somme estimée entre 700 000 et 800 000 euros. "Ce fut une énorme surprise", confie-t-il aujourd'hui, alors que le conseil municipal s'apprête à lancer des études de travaux pour utiliser ce legs.
Dans sa lettre rédigée en 2015, soit 8 ans avant son décès, Jean-Claude a posé une seule condition. L'argent devra servir à rénover l'intérieur de l'église de Saint-Hilaire-Lacroix. Passionné de patrimoine religieux, l'Auvergnat était particulièrement attaché à conserver cet édifice remarquable du XIIe siècle. Lors de son premier mandat, en 1995, il avait sorti le prieuré de son état de ruines pour que la population et les visiteurs puissent en profiter.
Près de 3 fois le budget annuel de la commune
"Ce sont des travaux que nous ne pouvions pas réaliser, faute de moyens. Il faut compter entre 600 000 et 1 million d'euros pour l'intérieur de l'église", précise Sylvain Lelièvre, rappelant que le budget annuel de sa petite commune de 380 âmes s'élève à 240 000 euros. Classé monument historique, les travaux de l'édifice devraient être partiellement couverts par des subventions. La partie non utilisée de l'héritage surprise servira à d'autres aménagements aux abords du prieuré.
Le patrimoine personnel de l'ancien maire, qui n'avait pas d'héritier, comprenait sa maison, un appartement à Chamalières, des terrains constructibles ou destinés à des activités agricoles qui devraient être mis en vente d'ici à la fin de l'année, du mobilier, une assurance-vie...
Dans le lot, il y avait aussi l'ancien atelier de son père, sabotier. Le conseil municipal a souhaité garder cet espace pour le mettre à disposition d'un artisan d'art, une fois que les nécessaires travaux de rénovation seront terminés. Pour vérifier l'utilisation du legs, un comité composé d'élus, de membres de l'association Les Amis du prieuré et de l'exécuteur testamentaire, a été créé la semaine dernière.
Lorsque l'on ouvre l'enveloppe et que l'on découvre la teneur du legs, c'est beaucoup d'émotion. On se doit de l'honorer en exécutant du mieux possible les volontés de Jean-Claude.
Sylvain LelièvreMaire de Saint-Hilaire-Lacroix
"Des bouffées d'oxygène"
Maire de Craponne-sur-Arzon en Haute-Loire, Laurent Mirmand se souvient aussi parfaitement de l'émotion qui l'a submergé en découvrant le legs d'une habitante du village, décédée en 2018. "Marguerite Vallade a passé sa jeunesse ici, était revenue s'installer dans les années 90 et souhaiter laisser une trace de sa vie... On ne s'attendait pas à une somme aussi faramineuse", raconte l'élu, avant d'annoncer le montant de l'ensemble des biens. Plus d'un million d'euros.
Ce sont des personnes qui n'ont pas ou peu de famille. À travers ce geste, elles souhaitent laisser leur nom quelque part. Elles nous demandent aussi d'entretenir leur tombe.
Laurent MirmandMaire de Craponne-sur-Arzon
Ces donations peuvent changer la vie d'une commune, celles-ci étant souvent plongées dans les difficultés financières. En 2020, par exemple, un legs de 110 000 euros a donné un beau coup de pouce à la ville de Montluçon dans la restauration de son château de la Louvière. "Ce sont des bouffées d'oxygène qui permettent de faire plus de projets. On peut financer en une année ce qui nous aurait pris un mandat à réaliser", reconnaît Laurent Mirmand.
Construction d'une maison de santé
Une partie du legs de Marguerite Vallade a servi à la construction d'une maison de santé et la rénovation tant attendue de la médiathèque et du groupe scolaire qui porte désormais le nom de cette ancienne enseignante. Dans son testament, cette dernière avait aussi émis le souhait de réhabiliter une chapelle de la commune pour que des célébrations puissent y être organisées. L'inauguration est espérée pour la messe de Noël 2024.
Une quinzaine d'années auparavant, Craponne-sur-Arzon avait déjà reçu un legs de 100 000 euros. Le maire espère que cela donne des idées à d'autres habitants. D'autant que ces héritages ne sont pas soumis à des frais de succession. "C'est un très beau cadeau, mais il faut avoir conscience que recevoir un legs est délicat, insiste Laurent Mirmand. Nous avons une énorme responsabilité en choisissant la façon dont on va le dépenser. Il ne faut surtout pas le gâcher."