Ce samedi 4 mars, journée mondiale de lutte contre l’obésité, l’heure est à la prévention. La précarité étant un facteur de risque pouvant mener à l’obésité, l’inflation pourrait causer une augmentation du nombre de personnes concernées. En Auvergne, des soins accessibles sont mis en place
Avec la hausse des prix, notamment de la nourriture, la précarité alimentaire pourrait bien augmenter. Or, la précarité est un facteur de risque pouvant mener à l’obésité. Le docteur Magalie Miolanne est médecin nutritionniste et praticien hospitalier au CHU de Clermont-Ferrand dans le service de nutrition. Elle s’occupe de la prise en charge de l’obésité adulte, une offre de soins rendue de plus en plus accessible en Auvergne, notamment aux personnes précaires.
Quel est votre rôle au sein du service de nutrition du CHU ?
Dr Magalie Miolanne : "Je m'occupe de patients en obésité adulte. On prend en charge des patients avec une obésité de grade 3 qui ont des IMC au-dessus de 40 kilos par mètre carré. Au-dessus de 25 d’IMC on parle de surpoids, au-dessus de 30 on parle d'obésité et on a 3 grades d'obésité : 30, 35 et 40. Cela permet de grader l'importance de l'excès de poids. A CHU, on prend en charge les grades 3 et plus. C’est à partir de 40, cela peut être beaucoup plus élevé. Le maximum, c'était peut-être 86. Ce sont des personnes qui ont des problématiques de poids très importantes.”
Vous êtes également coordinatrice médicale du centre spécialisé de l'obésité Caloris, quel est son rôle ?
Dr Magalie Miolanne : “En France il y a 37 centres spécialisés de l'obésité et labellisés, dans le cadre du plan obésité, par le ministère et les ARS. On a pour mission de prendre en charge les cas les plus complexes. On a une 2e mission qui est la coordination sur le territoire des filières de soins obésité adultes, enfants et chirurgie bariatrique. Notre mission consiste à faire en sorte qu'il y ait une offre de soins pour l'obésité dans les 4 départements de l'Auvergne, que ce soit pour l'enfant, l’adulte ou quelqu'un qui souhaite une chirurgie. Pour les personnes les plus précaires, il y a une difficulté d’accès aux soins car les consultations dans le domaine de la nutrition ne sont pas remboursées en France. Notre objectif est de proposer une offre de soins qui soit accessible géographiquement, parce que les gens qui n'ont pas les moyens ne peuvent pas forcément se déplacer non plus ; mais aussi des soins qui soient accessibles financièrement, c'est-à-dire gratuit pour les bénéficiaires.”
Quel lien peut-on établer entre obésité et précarité ?
Dr Magalie Miolanne : "Il y a une différence qui va du simple au double entre une personne CSP+ et une personne en situation de précarité, en termes de prévalence de l'obésité."
Comment peut-on expliquer ce lien ?
Dr Magalie Miolanne : "Il y a plusieurs hypothèses : il y a l'accès à la nourriture de bonne qualité, les fruits et légumes, mais ce n'est pas que ça. Il y a des choix qui sont faits par des personnes en situation de précarité, vers des aliments qui sont plutôt ultra transformés, des boissons sucrées ou des aliments moins intéressants sur le plan nutritionnel et plus riches en calories. Je ne suis pas sociologue, mais je pense que ces choix sont guidés en partie par l'idée de se faire un plaisir ou de faire plaisir à sa famille. Par exemple un soda, on peut se le payer, contrairement à un voyage. L'idée c'est de se faire plaisir avec des choses accessibles financièrement, mais qui du coup sont moins bonnes pour la santé. Il y a aussi le fait que ce n’est pas très cher de s'acheter des produits de type fast-food, malgré tout, par rapport à d'autres produits meilleurs pour la santé. Il y a le contexte également, avec davantage de stress, un stress qui est lié à des situations de précarité. C'est un stress centré sur l’accès à la nourriture, aux soins, au travail. Ces populations cumulent des facteurs de risque qui font qu'elles vont peut-être plus se tourner sur la nourriture à visée anxiolytique. Le sucre est un puissant anxiolytique, il permet l’envoi d’hormones apaisantes dans le cerveau. Cela a un effet antidépresseur et anxiolytique, qui remonte le moral et qui baisse le niveau d'anxiété. Le sucre va être apaisant, donc quelqu'un qui est dans une situation anxiogène va plus avoir tendance, inconsciemment, à se tourner vers des produits riches en sucre."
Y a-t-il d’autres facteurs qui conduisent les personnes précaires vers l’obésité ?
Dr Magalie Miolanne : “Bien sûr, le manque de sommeil rentre en jeu, par exemple lorsqu’on exerce un métier avec des horaires décalés. Cela peut aussi se jouer au niveau de l'éducation à la place des écrans. Je pense également à la grande précarité, quand on a des familles par exemple, qui vivent dans une seule pièce ou 2. Pour trouver une qualité du sommeil, ça peut être compliqué aussi. L'activité physique peut avoir un coût, également. Le fait de ne pas être bien psychologiquement va parfois entraîner des prises alimentaires plus importantes et peut donc provoquer de l'obésité. “
L’inflation peut-elle entraîner une hausse du nombre de personnes atteintes d’obésité ?
Dr Magalie Miolanne : "Cela peut être inquiétant. Il est difficile de l’affirmer, mais une hausse de l’obésité liée à l’inflation peut être à craindre. Une des mesures de prévention, ce serait l'accès à la cantine pour tous et notamment pour les personnes défavorisées pour qu’elles puissent au moins avoir accès à un repas équilibre par jour, pour les enfants. Il y a également l’aide alimentaire qu’il faut soutenir et probablement élargir. Ce qui coûte le moins cher au kilo, c'est de l'alimentation ultra transformée, dont on sait qu'elle est moins rassasiante, qu'elle est moins nutritive et qu'elle est plus riche en graisses et en sucres cachés. Il faut donc aussi essayer de donner accès à des variétés d'aliments moins transformés et des produits de saison, que les produits non transformés puissent être moins chers.”
Quels sont les moyens de prévention contre l’obésité en Auvergne ?
Dr Magalie Miolanne : "On a développé pour les enfants des dispositifs de prise en charge du surpoids et de l'obésité. Le premier s'appelle ProxOb pour proximité et obésité. C'est un accompagnement familial à domicile pour toute famille que le demande, dans laquelle il y a un enfant qui a un excès de poids. On a mis en place des ateliers qui se passent à la maison avec toute la famille avec une prise en charge pour ceux qui ont des problèmes de poids et de la prévention pour les autres membres de la famille. Il y a 18 séances à domicile, 18 ateliers sur un an : 6 avec une diététicienne, 6 avec un enseignant en activité physique adaptée et 6 avec un professionnel de la parentalité qui va aborder les dimensions du sommeil, des émotions, de la communication non-violente, des rythmes... Ce sont des leviers qui vont aider à manger mieux, parce que on va mieux dormir, mieux communiquer, mieux pouvoir exprimer son anxiété... Le 2ème dispositif s'appelle Repop, c'est l'acronyme de réseau de prévention et prise en charge l'obésité pédiatrique. Il s’agit de consultations avec des professionnels qui sont formés et qui sont installés dans des cabinet libéraux. Quand ils adhèrent au réseau, les consultations sont prises en charge financièrement pour les enfants en situation de surpoids ou d’obésité. Ce sont médecins diététiciens, psychologues et le programme propose aussi de l'activité physique sans surcoût. Ces deux dispositifs sont très intéressants pour les personnes en situation de précarité.”
Quels sont les risques liés à l'obésité ?
Dr Magalie Miolanne : "Il y a tous les risques métaboliques de diabète, d'hypertension, de dyslipidémie, de stéatose hépatique, une augmentation du risque des pathologies cardiovasculaires... Il y a également des risques articulaires d'arthrose par exemple. Il y a aussi des risques de discrimination, de stigmatisation qui peuvent être professionnelles, sociétales... Il a un risque très important de syndrome d'apnée du sommeil et, dans des cas plus rares, de développer certains cancers."
Pour une prise en charge de l’obésité en Auvergne, vous pouvez contacter le 04 73 75 44 87.