Prix des aliments pour animaux et inflation : et si les vers de farine étaient la solution ?

Cela n'a échappé à aucun propriétaire de chien ou de chat. Avec l'inflation, le prix des aliments pour nos compagnons à quatre pattes connaît une forte hausse. Et si la solution venait des vers de farine ? C'est le créneau choisi par une entreprise située près de Clermont-Ferrand. Un marché en plein essor.

Si vous êtes le propriétaire d’un chat ou d’un chien, vous avez sans doute ressenti les effets de l’inflation sur la nourriture pour animaux. Dans la plaine de la Limagne, près de Clermont-Ferrand, l’entreprise Invers a développé une production de vers de farine locale et durable, destinée à l’alimentation animale. Ses produits sont des croquettes pour chiens et chats, ainsi que des vers déshydratés pour les poules et les oiseaux et des granulés pour les poissons. Contrairement à ses concurrents directs, les prix de ses produits n’ont pas flambé : « Les grandes marques ont énormément augmenté leurs prix, en moyenne de 15 à 20 % sur les réseaux de distribution en animalerie et en jardinerie, là où nous avons pratiqué des augmentations entre 5 et 8 %. Pour le moment, les distributeurs n’ont pas répercuté toutes leurs hausses. On est au même prix actuellement. Nos concurrents vont être bientôt plus chers que nous » explique Sébastien Crépieux, président du groupe Invers.

Objectif compétitivité

L’entrepreneur se dit qu’il a une carte à jouer face à l’inflation : « Les prix des concurrents qui augmentent constituent une opportunité pour nous car on essaie d’être mieux placés au niveau des prix. On n’en a pas profité pour augmenter comme ils l’ont fait. On a répercuté des hausses qui nous semblaient justes. On est dans un segment plutôt premium. En supermarché le prix des croquettes a augmenté mais c’est un produit bas de gamme. On est toujours plus chers que les croquettes de supermarché, malgré les hausses. Mais c’est comme si vous achetiez de la viande industrielle plutôt que de la viande produite dans des prairies d’Auvergne ». Il souhaite même aller plus loin : « On espère rester compétitifs et avec l’augmentation de notre production on peut envisager de faire stagner nos prix, voire de les faire baisser ». Sébastien Crépieux indique comment il a réussi à rester compétitif : « On a la chance d’avoir intégré toute la chaîne de production autour d’Invers : on maîtrise tous les paramètres de la production chez les agriculteurs qui produisent la matière première. On a une chaîne très courte donc on est moins tributaires des marchés mondiaux, qui ont vu les croquettes énormément augmenter ces derniers temps. On est un peu protégés ».

Un secteur en développement

L’entreprise a vu le jour en 2018. Son marché est en plein essor : « Le marché de la croquette aux insectes est un nouveau marché. Dans la tête du consommateur, le chien ou le chat ne mange pas forcément des insectes. Mais des publications ont montré que le chien ou le chat à l’état sauvage mange facilement des insectes. On doit faire un grand travail d’explication auprès du consommateur, pour lui dire que c’est une protéine naturelle, bien tolérée et de très bonne qualité contrairement à ce qu’il y a habituellement dans les croquettes, qui sont plutôt des sous-produits animaux. Le marché est en expansion. Le consommateur commence aussi à comprendre le volet durabilité de la croquette aux insectes. On a tendance à dire que l’on produit presque de la croquette pour chiens locavores. On fait très attention à ce que la croquette soit produite en hyperlocal et commercialisée majoritairement dans la région ».

Une trentaine de tonnes de vers produits par mois

L’entrepreneur évoque la production des insectes : « Notre usine de production des insectes et de transformation est à Saint-Ignat. On a ensuite quatre agriculteurs partenaires qui sont en Limagne. C’est amené à se développer dans les mois à venir. On fabrique la croquette avec un partenaire situé à Courpière. On produit une trentaine de tonnes de vers de farine par mois, dont une grande partie est destinée à la basse-cour. En croquettes, on produit actuellement une dizaine de tonnes par mois. Les vers de farine déshydratés pour l’oisellerie constituent la majorité de nos ventes ». Sur le marché des aliments pour poules et oiseaux, l’entreprise a su se faire une place : « C’est un complément d’alimentation pour les poules par exemple. On leur donne des céréales majoritairement, comme du blé ou du maïs et on rajoute 5 % d’insectes dans la ration. Les seuls concurrents qu’on a sur ce secteur sont des vers qui viennent de Chine. On arrive à être compétitifs, en ayant privilégié des réseaux de distribution très courts et en faisant sauter les intermédiaires ».

Du bébé insecte à la larve désydratée

Le président du groupe Invers détaille le processus de production des insectes : « On produit des bébés insectes. On élève un vers appelé le tenebrio molitor, qui est un petit coléoptère. On va le faire pondre. On va récupérer le mélange de ponte et de substra de ponte, pour le faire éclore, tout comme des poussins. On va ensuite transmettre aux agriculteurs des doses de petites larves. Ils vont commencer leur rôle d’engraisseur, comme pour les autres espèces. Ils récoltent ces larves à maturité. On vient les collecter chez eux. On les emmène à l’abattoir et à partir de là on sort une larve déshydratée ». L’entreprise de la plaine de la Limagne compte aujourd’hui 26 salariés. Elle est en plein développement : « On est en phase d’expansion industrielle pour pouvoir augmenter notre puissance de production. L’objectif est d’être à 5 agriculteurs producteurs d’ici 2 ans ». En 2022, le chiffre d’affaires était de près d’un million d’euros. « On espère tripler ce chiffre d’affaires chaque année » confie le chef d’entreprise. Pour lui le marché des insectes est un secteur porteur : « Il y a beaucoup de remise en cause des modèles de production de viande industrielle. Cet usage pourrait être remplacé par des protéines qui sont produites de façon plus « naturelle ». C’est aussi une production écologique car on n’est pas en concurrence avec des produits de l’alimentation humaine. On est sur de tous petits espaces avec énormément d’insectes, avec une culture à étages ».

Vers de nouveaux marchés

Sébastien Crépieux a d’autres idées de développement : « Dans les marchés potentiels, on commence à regarder du côté de l’aspect nutrition et santé humaine. On s’intéresse à la dénutrition des personnes âgées. On se rend compte que les protéines d’insectes sont très assimilables. Mais pour ce marché, il faut des autorisations européennes ». Contrairement à la production d’insectes réalisée dans de grandes unités industrielles, les vers sont produits dans des fermes céréalières locales qui disposent de la nourriture nécessaire à l’alimentation des vers de farine. Cette production génère un véritable complément de revenu pour ces agriculteurs entomoculteurs.

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