RETRAITES. Grève du 19 janvier : à Clermont-Ferrand, comment les syndicats envisagent la "mère des batailles"

Les syndicats sont en ordre de bataille pour la première journée de mobilisation contre le projet de réforme des retraites, jeudi 19 janvier. A Clermont-Ferrand, ils prédisent une “forte mobilisation jeudi” mais aussi “une grève d’ampleur”.

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La première journée de mobilisation contre la réforme des retraites à l'appel de l'intersyndicale (FO, CGT, CFDT, Solidaires, CFE-CGC, CFTC, UNSA, FSU) le 19 janvier, s’annonce très suivie. Même Olivier Dussopt, le ministre du Travail, s'attend à voir "du monde dans la rue". A Clermont-Ferrand, la manifestation partira de la place du 1er Mai à 10 heures.

A l’Union Départementale Force Ouvrière du Puy-de-Dôme, pas question de faire mentir les prédictions, alors on prépare “très activement” la mobilisation contre la réforme pour convaincre un maximum de manifestants et de potentiels grévistes. “Il n’a échappé à personne que depuis l'élection présidentielle et les annonces du chef de l'État, FO était contre ce projet de réforme et avait indiqué que si le gouvernement allait sur le terrain de la réforme, pour FO, ce serait la mère des batailles et que le jour où le gouvernement déclenche le feu, et bien, FO ferait feu", explique Frédéric Bochard, secrétaire général de l’Union Départementale FO du Puy-de-Dôme.  

Il y a un ras-le-bol général à tout point de vue.

Valérie Guillaume, CFDT

Valérie Guillaume, secrétaire régionale en charge de l'Union territoriale des pays d'Auvergne de la CFDT, s’attend à une mobilisation importante : “Effectivement, il y aura un certain nombre de personnes mobilisées dans les rues, mais il y a aussi des entreprises où sont prévus des débrayages ou des grèves sur place. Ce qu'il y a de certain, c'est qu’elles ne sont pas favorables à travailler plus longtemps, ni à l'allongement des durées de cotisation. Ceux qu'on côtoie ont tous des difficultés : la pénibilité qui n'est pas forcément prise en compte, la précarité... La précarité, elle existe, y compris dans les fonctions publiques. Il faut qu'on puisse revoir l'ensemble du dossier, ce qu'on peut apporter et être écoutés surtout.” En effet, selon elle, l’opposition à la réforme des retraites rassemble : "On est mobilisé sur chaque territoire, chaque département et en intersyndicale unitaire. Il y a un ras-le-bol général à tout point de vue. C'est pour ça qu'on a indiqué plusieurs fois que ce n'était pas le moment, que ce n'était pas la priorité. Il y a une exacerbation de la crispation des salariés sur le fait qu'il y avait d'autres urgences : avoir un logement, avoir un emploi rémunéré dont on peut vivre dignement... Et puis plus on reste longtemps sur le marché du travail, moins les jeunes peuvent rentrer. Ce n'est ni à l'assurance maladie, ni à Pôle Emploi de pallier. Au moment des liquidation des retraites, plus de 40% des personnes ne sont déjà plus en emploi. Il y a un certain nombre de choses à réfléchir. Nous, on a tout réfléchi, on sera mobilisés le 19.”  

Des salariés "plus que déterminés"

Pour Ghislain Dugourd, secrétaire général de l’Union Départementale CGT, la mobilisation du 19 janvier prend “médiatiquement et au sein de la population” puisque “le projet de réforme est rejeté à 80% par la population. On s'attend forcément à une forte mobilisation jeudi, en espérant bien sûr le plus grand nombre de personnes en grève et dans la rue. Au-delà de ça, il y a une pétition qui a été mise à disposition par l'ensemble des organisations syndicales qui, elle aussi, commence à devenir très populaire puisque dimanche, on avait dépassé les 330 000 signatures.” Le représentant de la CGT constate un “plutôt bon état d'esprit” parmi les salariés, à quelques jours de la première manifestation : “Tout le monde prend conscience que c'est un combat qui risque de durer. La journée de jeudi ne sera qu'un point de départ. Il est d'ores et déjà mis en débat dans les entreprises et dans les services l'idée de la reconduction de la grève. Les salariés sont plus que déterminés parce qu'ils ont bien compris que c'était la double peine : travailler plus longtemps pour des pensions plus faibles. Donc forcément, le discours du gouvernement ne passe plus. Le déficit affiché d'une dizaine de milliards d'euros, face à tout l'argent public qui a été mis à disposition pour les entreprises, quand on distribue quasiment 180 milliards d'euros aux entreprises, tout le monde comprend qu’un déficit de 10 milliards peut se combler assez facilement. Dans un contexte où le régime n'est pas déficitaire, il n'y a pas d'urgence à le réformer tout de suite. Ce gouvernement ne ferait pas mal d'écouter ce que souhaite la population.” 

Des "grèves d'ampleur" espérées

Depuis plusieurs semaines, Force Ouvrière informe les salariés dans tous les secteurs sur le contenu de ce projet de réforme , selon Frédéric Bochard : “La réalité, c'est que pour beaucoup de salariés, pour ne pas dire la totalité des salariés, c'est un risque de baisse des pensions à terme, au contraire de ce que dit le gouvernement. Nous avons déclaré que pour nous, c'était la grève à compter du 19 janvier et bien sûr une manifestation à Clermont le 19 janvier à 10 heures.” La colère gronde chez les salariés, selon le syndicaliste FO : "Je les sens surtout en colère. On impose aux salariés, aux travailleurs, à la jeunesse une réforme dont ils ne veulent pas et une réforme qui ne se justifie pas. Ça ne peut que provoquer leur colère, leur rancœur, leur aigreur et l'exaspération sociale. Toutes les conditions sont réunies pour qu'ils expriment cette colère. Et pour un salarié exprimer sa colère, c'est par la grève et par la manifestation.” Il attend une forte mobilisation : "Ce que j'attends d'abord, ce sont des grèves d'ampleur. Je vois les choses par le nombre de gens que je réunis autour de moi dans des heures d'informations syndicales, dans des assemblées générales. S'il y a beaucoup de gens en grève, il y aura beaucoup de gens en manifestation.”  

Objectif : "faire reculer le gouvernement"

Selon Ghislain Dugourd, “Les gens n'ont pas envie de travailler plus longtemps parce qu'ils savent très bien qu’en fin de carrière, il y a un problème d'emploi des seniors. Arrivé à 55, 58 ans, on sait bien que les entreprises veulent se débarrasser des gens avec des plans de rupture collective ou de départs anticipés. Derrière, il est très difficile de retrouver un emploi donc forcément, ils ont bien conscience qu'ils n'arriveront pas à cotiser jusqu'à l'âge que souhaite imposer le gouvernement. De plus, même si l'espérance de vie globale augmente, l'espérance de vie en bonne santé, non. Les gens ont envie de profiter de leur retraite, forcément ils ne sont pas du tout intéressés par le projet que porte le gouvernement.” Pour la CGT, cette réforme est inutile : "Ce que l'on explique, c'est qu’il y a des solutions pour financer le système. Le financement des retraites, c'est par le biais des cotisations et ça a toujours bien fonctionné jusque-là. Il faut faire confiance aux représentants des salariés pour que ça continue. On est force de proposition pour pérenniser le système. Si on s'inscrit dans une lutte massive, on pourra faire reculer le gouvernement dans les jours à venir”, espère Ghislain Dugourd.

Je pense que la lutte peut être victorieuse encore une fois !

Ghislain Dugourd, CGT

Il précise que la mobilisation risque bien de se pérenniser : "Nos confédérations ont décidé de se retrouver le soir du 19 pour discuter des suites. Mais d'ores et déjà, dans les entreprises, certaines professions ont posé des dates dans la continuité de cette journée. Vous avez la branche pétrolière par exemple, qui a d'ores et déjà posé le jeudi 26 ainsi que 2 dates au mois de février. Vous avez les industries électriques et gazières qui, elles aussi, ont dit qu'elles allaient s'inscrire dans un mouvement de grève reconductible.” Il croit à la réussite de cette mobilisation : “Bien-sûr j'y crois, puisqu'en 2019-2020, on a déjà réussi à faire reculer le gouvernement sur son projet de système universel à points. Donc oui, je pense que la lutte peut être victorieuse encore une fois cette année.” 

"Le gouvernement, je crois qu'il nous attend de pied ferme"

Selon Valérie Guillaume, la CFDT sera vent debout contre la réforme : "Depuis le début on a dit non à 64 ans, non à 65 ans. Ce n'était ni l'urgence ni la priorité. Je crois que l'ensemble des travailleurs, travailleuses, demandeurs d'emploi, retraités actuels, a d'autres priorités qu'une réforme des retraites. Le système n’est pas en danger dans l'immédiat, donc il n’y avait aucune urgence, ce n'était pas la priorité en tout cas.” Le syndicat envisage déjà de donner une suite à la mobilisation du 19 : "Il y aura une nouvelle intersyndicale le vendredi en fin de journée pour savoir ce qu'on fait par la suite”, indique Valérie Guillaume. Elle précise : "S’il y a du monde, que ce soit dans les rues, dans les entreprises et les établissements, à un moment donné, il faudra peut-être au moins se remettre autour de la table. On ajustera nos revendications, nos stratégies en fonction de la mobilisation de jeudi. Je crois que tout le monde attend de voir, notamment le gouvernement, je crois qu'il nous attend de pied ferme. A nous de démontrer que cette réforme est injuste socialement. C'est encore les personnes les plus précaires et notamment les femmes qui vont subir. “ 

Ce projet est rejeté par tout le monde, il ne se justifie d'aucune manière

Frédéric Bochard, FO

A Force Ouvrière, on espère faire reculer le gouvernement, comme il y a quelques années : "La mobilisation avait permis de mettre en échec le projet de système unique par points. On est dans une configuration où sont concernés l'ensemble des salariés : petite, moyenne, grande entreprise, privée ou publique.” Selon Frédéric Bochard, ils sont nombreux à s’interroger sur la grève : "On reçoit des appels à l’UD Force Ouvrière, de gens qui sont dans des petites entreprises et qui nous demandent comment faire grève et s’ils ont le droit de faire grève. Il faut dire que le gouvernement, par sa communication autoritariste, explique qu'il ne faut pas qu’on gêne les Français, à croire que les salariés ne sont pas les Français. On a vu, lors de la mobilisation dans les raffineries, que le gouvernement ne reculait devant aucun moyen pour casser les grèves ou empêcher les grèves. Nous, on se donne tous les moyens pour faire respecter le droit de grève qui, avant d'être un droit constitutionnel, est l'arme des salariés contre l'exploitation capitaliste." Voici son message aux travailleurs et travailleuses : “Je leur dis : “Réunissez-vous, décidez de la grève et de la reconduction de la grève si le 19 au soir, le chef de l'État et son gouvernement n'ont pas retiré le projet”. Je leur dis également que ce projet est rejeté par tout le monde, il ne se justifie d'aucune manière. Il est donc contestable. Il doit être contesté, il doit être abandonné, retiré, rejeté. On se mobilise.”

Le projet du gouvernement vise à reporter progressivement à 64 ans l'âge de départ à la retraite, au lieu de 62 ans actuellement, tout en accélérant l'allongement de la durée de cotisation. Selon un sondage Ifop pour le JDD réalisé du 11 au 12 janvier, peu après la présentation de la réforme, 68% des Français se disent hostiles au projet, et 51% soutiennent le mouvement social. 

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