Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, veut raccourcir la durée d’indemnisation chômage des plus de 55 ans. Une proposition qui passe mal du côté des syndicats du Puy-de-Dôme.
C’est une déclaration qui n’est pas passée inaperçue. Jeudi 23 novembre, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, s’est dit favorable à une réduction de la durée d'indemnisation chômage des plus de 55 ans pour l'aligner sur celles des autres chômeurs. C’est pour lui, une des mesures à prendre pour atteindre le plein emploi : « Si on ne se secoue pas les puces, il n’y aura pas 5 % de taux de chômage » en fin de quinquennat. L'indemnisation des plus de 55 ans dure au maximum 27 mois contre 18 mois pour les demandeurs d'emploi de moins de 53 ans, a-t-il rappelé sur Franceinfo.
🔴 Assurance-chômage ➡️ "Qu’est-ce qui justifie qu’on ait encore des durées d’indemnisation différentes selon qu’on a plus de 55 ans ou moins de 55 ans ?", lance Bruno Le Maire. “C’est une hypocrisie, une façon de [les] mettre à la retraite de manière anticipée.” #8h30franceinfo pic.twitter.com/ek5i3GHTTk
— franceinfo (@franceinfo) November 23, 2023
Pierre Boussange est le porte-parole de Chôm’Actif, une association qui accompagne des demandeurs d’emploi dans le Puy-de-Dôme. Pour lui, la proposition de Bruno Le Maire ne tient pas : « Nous trouvons cela très dommageable. C’est une mesure qui va à l’encontre des chômeurs, comme d’autres mesures du gouvernement. Celle-là est particulièrement inefficace. Cela voudrait dire que les gens ne cherchent pas de travail à plus de 55 ans. Le seul problème est qu’ils n’en trouvent pas. Les seniors vont aller plus vite vers le minimum social. Pour ceux qui peuvent trouver du travail, ce n’est pas en diminuant leurs allocations dans la durée qu’ils vont trouver plus vite. A Chôm-Actif, on voit que les gens acceptent un travail, même s’il n’est pas de qualité. C’est encore une mesure pour diminuer le pouvoir d’achat des plus de 55 ans au chômage, sans leur offrir du travail ».
"Le parcours du combattant" des seniors
Pour le porte-parole de l’association, cette mesure précariserait les seniors : « Les seniors constituent une des catégories qui a le plus de difficultés pour accéder au marché du travail. Le chômage de masse existe encore, il ne faut pas se leurrer. On est dans un pays où il n’y a pas de travail pour tout le monde. Dans le Puy-de-Dôme, il y a 9 000 personnes qui sont au chômage depuis plus de 3 ans. Avec cette proposition de Bruno Le Maire, on appauvrit les seniors, sans solution. Une solution positive aurait été de dire aux entreprises de faire un effort pour les seniors et de les récompenser. Dans un marché concurrentiel, les plus de 55 ans sont forcément désavantagés. C’est le parcours du combattant pour eux ».
Laisser la durée actuelle à 27 mois est plus que nécessaire
Valérie Guillaume, secrétaire régionale CFDT Auvergne-Rhône-Alpes
La proposition du ministre fait aussi bondir Valérie Guillaume, secrétaire régionale CFDT Auvergne-Rhône-Alpes : « C’est une très mauvaise idée. Bruno Le Maire connaît mal les réalités de terrain. Les seniors en moyenne connaissent 805 jours d’indemnisation contre 370 jours, pour les autres âges. ». Pour elle, il faut d’autres mesures pour permettre aux seniors de garder leur emploi : « On voit bien que les jeunes sont en difficulté d’emploi parce qu’on ne leur trouve pas assez d’expérience. On considère souvent que les seniors en ont trop et cela se rémunère. C’est là qu’il il y un souci. C’est aux employeurs de saisir le problème et de le régler. On est le pays où le taux d’emploi des seniors est le plus bas. Un senior sur 6 n’est ni en emploi ni retraité. On est favorables au plein emploi. Il y a des mesures à mettre en place. Il faut maintenir les seniors dans l’emploi et dans un emploi de qualité. Il faut aménager les fins de carrière. Les compétences de ces seniors pourraient accompagner les plus jeunes, ce qui permettrait de garder des savoir-faire ».
Avec le gouvernement, le coupable est toujours le demandeur d’emploi
Frédéric Bochard, secrétaire général FO du Puy-de-Dôme
Frédéric Bochard, secrétaire général FO du Puy-de-Dôme, est également vent debout contre l’idée de réduire la durée d’indemnisation des seniors : « Cette proposition est purement scandaleuse. Si vous réduisez la durée d’indemnisation, c’est aussi l’idée contenue dans la réforme des retraites, c’est faire bosser les gens jusqu’à ce qu’ils en crèvent. On est dans une logique de travail forcé. S’attaquer aux seniors est horrible ». Il ne mâche pas ses mots : « On pose le problème dans les mauvais termes. Il faut qu’on essaie de réfléchir au maintien de l’emploi tous les salariés, pour qu’ils aient tous leurs droits. Mais ce n’est pas comme cela que font Bruno Le Maire et le gouvernement. Ce sont toujours des mesures coercitives, contraignantes. Celui qui a des droits est considéré comme un voleur de droits. Celui qui vole les droits, c’est le gouvernement ». Frédéric Bochard poursuit : « Il faut reprendre le problème par le début. S’il y a des seniors au chômage, ils ne l’ont pas choisi. Il faudrait se demander pourquoi ils sont mis au chômage. On sait qu’un travailleur qui a 55 ou 56 ans coûte plus cher qu’un élève de lycée professionnel qu’on va envoyer faire des stages. L’emploi est une variable dans une logique libérale ».
S’en prendre aux seniors est une aberration
Ghislain Dugourd, secrétaire général CGT du Puy-de-Dôme
Même son de cloche de la part de Ghislain Dugourd, secrétaire général CGT du Puy-de-Dôme : « Une fois de plus cela montre que Bruno Le Maire et le gouvernement sont complètement déconnectés des réalités du monde du travail. Pour les seniors, ce n’est pas un choix de ne plus avoir un emploi. Si la durée d’indemnisation des seniors est plus longue c’est parce qu’il y a une nécessité derrière. Si on la réduit sur la durée des actifs, je ne pense pas que cela résoudra le problème de l’emploi. C’est une mesure pour masquer les chiffres du chômage et pour faire payer les travailleurs et les travailleuses pour des mesures d’économie, du saupoudrage ». Selon le leader syndical, des mesures sont envisageables pour permettre le retour à l’emploi des seniors : « Il faut d’abord aller à la négociation avec les employeurs, avec le patronat. On trouve des solutions qui n’en sont pas vraiment. On pose des pansements sur des jambes de bois mais on ne s’attaque pas vraiment au problème. Le fond du problème est là : les employeurs veulent se séparer des gens de plus de 55 ans. Il faut voir comment on oblige les employeurs à maintenir dans l’emploi des seniors ». Il insiste : « C’est une honte de proposer une mesure comme celle-là. C’est en lien avec la réforme de l’assurance-chômage et en lien avec France Travail qui se profile ».
Après avoir fait front contre la réforme des retraites, les syndicats puydômois se disent prêts à se mobiliser si Bruno Le Maire maintenait ses déclarations sur l’indemnisation des seniors.