Selon un journal chinois, des chercheurs de l’empire du milieu auraient réussi à produire de l’acier en quelques secondes grâce à un procédé révolutionnaire qui permettrait de se passer complètement d’énergie fossile. Mais le procédé utilisé, déjà testé il y a une dizaine d'années, sème le doute chez les sidérurgistes européens.
La sidérurgie fait partie des industries les plus émettrices de CO2 au monde. Produire une tonne d’acier via la filière fonte qui utilise des hauts fourneaux nourris au charbon entraîne le rejet de deux tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Tous les groupes sidérurgiques se sont donc lancés dans la décarbonation de leur procédé de fabrication, y compris les conglomérats chinois qui produisent plus de la moitié de l’acier mondial.
Flash iron making method: productivity boosting 3,600 times.
— Nick AI (@AcyNick) December 9, 2024
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Selon le South China Morning Post dans un article du 8 décembre 2024, une équipe de chercheurs avec à sa tête le professeur Zhang Wenhai a réussi à produire de l’acier dans un haut-fourneau en quelques secondes, contre cinq à six heures avec la filière fonte traditionnelle. Ce record aurait été établi grâce à l’injection de minerai de fer finement pulvérisé dans un fourneau à très haute température. Le procédé aurait déclenché une réaction chimique qui aurait permis d’obtenir des gouttelettes d’acier liquide "d’une pureté exceptionnelle". Le tout, sans aucun recours au charbon, donc avec un bilan carbone proche de zéro !
Un procédé déjà connu et testé aux Etats-Unis
Interrogé sur la découverte, le centre de recherche ArcelorMittal installé dans la banlieue de Metz, leader mondial dans le domaine, se montre dubitatif : "nous avons regardé de près cette technologie quand elle est apparue il y a plusieurs années. Mais nous avons très vite constaté qu’il était difficile de passer à l’échelle supérieure au labo et avons décidé de ne pas aller plus loin (…) Si le potentiel de passer à l’échelle supérieure est confirmé comme l’annonce l’article, nous devrons alors estimer la consommation énergétique qui représente un autre handicap que cette technologie doit surmonter".
Le procédé n’est effectivement pas nouveau. Baptisé flash iron-making pour production d’acier ultrarapide, il a été testé dès 2012 aux Etats-Unis par un consortium de sidérurgistes dont ArcelorMittal, comme le prouve ce document officiel du gouvernement américain, qui prévoyait la production de 3000 tonnes par an avec un démonstrateur industriel.
Tout l’enjeu du procédé est la capacité à passer d’un démonstrateur en laboratoire, à une installation sidérurgique complète et capable de produire plusieurs millions de tonnes par an. Cette étape n’a pas été franchie par le consortium. Selon nos informations, ArcelorMittal travaille en parallèle sur plusieurs procédés permettant de réduire ses émissions de CO2. L’électrolyse du fer est notamment expérimentée depuis plusieurs années à Maizières-les-Metz.
L'acier zéro carbone est suédois
Le groupe sidérurgique suédois SSAB affirme être le premier au monde à avoir produit et commercialisé un acier zéro carbone à base de minerai de fer grâce l’utilisation d’hydrogène. SSAB Fossil-free repose sur une technologie baptisée HYBRIT© qui permet la fusion du minerai de fer grâce l’injection d’hydrogène à la place du charbon.
En Europe, les objectifs fixés par le Green Deal (le pacte vert) du Conseil de l’Union Européenne visent à la neutralité carbone en 2050. Les sidérurgistes présents sur le continent doivent donc adapter leurs installations à marche forcée.
L’hydrogène est la piste privilégiée par la majorité d’entre eux pour remplacer le charbon, comme le sarrois SHS qui a annoncé récemment plusieurs milliards d’investissements pour convertir ses installations, mais les coûts de production de cette énergie produite essentiellement à partir de l’électricité restent prohibitifs.
Le lobby sidérurgique européen se plaint également que les règles ne s’appliquent qu’à eux-mêmes, et qu’ils subissent la concurrence de pays qui n’ont pas les mêmes préoccupations et contraintes environnementales. La Chine est notamment dans le viseur.