ArcelorMittal champion de France des émissions de CO2 industriel selon le Réseau action climat, "un pollueur mondial hors-la-loi"

Selon le rapport publié en juillet 2024 par le Réseau action climat, qui regroupe une trentaine d’organisations de défense de l’environnement en France, le groupe sidérurgique place deux de ses sites de production sur le podium des plus gros émetteurs industriels de CO2 de l’hexagone. Le réseau doute de sa volonté réelle de décarboner totalement ses activités à l’horizon 2050. Le numéro 2 mondial de l’acier réaffirme ses ambitions, projets à l’appui.

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Mis en ligne quelques jours avant le début des Jeux olympiques de Paris, le rapport de 44 pages du Réseau action climat était quasiment sûr de passer à la trappe. Ironie suprême, il consacre un chapitre entier à ArcelorMittal, qui place ses sites de production d’acier de Fos et Dunkerque aux deux premières places des plus gros émetteurs de CO2 français, alors que le groupe est sponsor officiel des JO ! Il a même conçu et laminé la torche de la flamme et communiqué longuement sur l’acier vert utilisé dans sa fabrication…   

Mais le Réseau action climat persiste et signe : Fos et Dunkerque "représentent 16 % des émissions de l’industrie française". À eux deux, ils ont émis plus de dix millions de tonnes de CO2 en 2023, soit dix fois les émissions de la médaille de bronze, le site chimique Napthchimie de Lavera dans les Bouches-du-Rhône. Le site de Florange pointe lui à la 42ᵉ position sur la période 2019-2023, mais il a fermé sa cokerie, grosse émettrice de CO2, en avril 2020.

Doutes sur la capacité à décarboner ses activités

Les émissions de Fos et Dunkerque ont baissé de 30% sur la même période, mais le rapport met le chiffre en perspective avec la baisse de la production d’acier de 18% dans le même temps. Le rapport pointe du doigt les efforts mis en avant par le géant sidérurgique dans sa volonté de décarboner complètement ses activités européennes à l’horizon 2050 : "ArcelorMittal laisse planer le doute sur la stratégie de décarbonation de ses sites en Europe, ce qui souligne le besoin de conditionner l’enveloppe de 850 millions à un engagement de l’aciériste a réellement opéré la transformation du site de Dunkerque pour y établir toute la chaîne de production de l’acier vert" alors que le groupe a "déjà perçu 392 millions d’euros d’aide publique française et européenne depuis 2013 et dégagé plusieurs milliards d’euros de la spéculation de crédits carbone gratuits".

Interrogée, la direction française nous a fait parvenir par écrit les éléments suivants : "ArcelorMittal reste engagé sur les objectifs qu’il s’est fixés : -35 % d’émissions en Europe en 2030 et -25 % dans le monde et la neutralité carbone en 2050 (…) le groupe dispose de trois moyens d’action :

  • Développer le recyclage d’acier : ce levier est déjà largement déployé par ArcelorMittal et permet de réduire de 8 à 10 % les émissions de CO2 du groupe. À terme, l’acier produit par ArcelorMittal en France contiendra jusqu’à 25 % d’acier recyclé.
  • Remplacer le charbon par le gaz naturel puis, à terme, par l’hydrogène, en remplaçant le haut-fourneau par une nouvelle unité de production : le DRI. Avec le gaz naturel, les émissions de CO2 seront réduites de 65 % par rapport à un haut-fourneau traditionnel et avec l’hydrogène, jusqu’à 90 %. Toutefois, cette transformation est conditionnée par le prix et la disponibilité du gaz et surtout de l’hydrogène décarboné. À ce jour en Europe, les conditions ne sont pas réunies pour que l’hydrogène décarboné soit disponible dans les quantités suffisantes, ni à un prix qui permette de produire de l’acier de façon compétitive en Europe.
  • La 3ᵉ solution est complémentaire des deux autres et consiste à capturer le CO2 résiduel pour permettre son stockage ou sa réutilisation".

 

Épinglé pour non respect de la réglementation environnementale

 

Dans le rapport, le réseau accuse également ArcelorMittal de ne pas respecter la réglementation environnementale française, "malgré les mises en demeure répétées, et dont les agissements ont des conséquences graves sur la santé et l’environnement".

Il estime qu’ "au cours de l’année 2022, sur son site de Fos-sur-Mer, Arcelormittal a dépassé les limites légales d’émissions de particules fines dans l’air pendant 240 jours, soit 65 % de l’année". Il rappelle qu’"en juin 2023, l’inspection du travail a ordonné la fermeture administrative du site, en raison de l’exposition des salariés à des niveaux trop élevés de produits toxiques et de poussières".

À Dunkerque, "22 inspections ont été réalisées par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) entre 2021 et 2022 et sept arrêtés de mise en demeure ont été pris en raison de non-conformités. Mais les pollutions ont perduré : selon les rapports d’inspection, ArcelorMittal a rejeté 17,4 tonnes de particules fines en trop entre décembre 2022 et avril 2023".

Sur ces derniers points, l’industriel nous a fait parvenir les éléments suivants : "sur les émissions industrielles, à Fos-sur-Mer, ArcelorMittal Méditerranée est engagée pour réduire drastiquement les émissions environnementales de ses activités, avec 278 millions d’euros investis pour l’environnement en 20 ans et, en moyenne, une réduction de 70 % de l’impact environnemental du site sur l’air : - 45 % de NOX, - 64 % des SOX, - 85 % de poussières, - 93 % de dioxines. Le site a notamment mis en œuvre ces dernières années plusieurs projets majeurs : Mistral représentant un investissement de 14 millions d’euros, 0DAS (20 millions d’euros) pour réduire drastiquement les émissions de poussières, et une réfection complète des fours de cokerie (150 millions d’euros)".

À Dunkerque, le numéro 1 français de l’acier explique avoir "mis en œuvre plusieurs actions majeures pour réduire son impact sur l’air, notamment en 2022, la mise en service de Green Step, un filtre hybride sur la chaîne d’agglomération n°3 (20 millions d’euros) pour réduire les émissions de poussières. Ces actions permettent au site de Dunkerque d’être conforme aux prescriptions de son arrêté préfectoral sur les émissions de poussières".

Moins de hauts fourneaux en France, plus en Inde

En Lorraine, ArcelorMittal a été pointé du doigt plusieurs fois par la justice et les services de l’État pour des rejets anormaux dans la rivière Fensch qui borde ses usines mosellanes.

En France, le groupe annonce employer 15 000 personnes, sur les 168 000 qu’il salarie dans le monde. Si c’est en Europe que le sidérurgiste tire la majorité de ses profits, il développe son activité et installe de nouvelles usines partout sur la planète.

Le Réseau action climat pointe ainsi également la contradiction apparente entre les stratégies de rupture technologique annoncées sur le vieux continent pour décarboner ses activités, et ses projets de construction de hauts fourneaux en Inde, selon les procédés traditionnels et polluants connus : par la filière fonte, la production d’une tonne d’acier entraine le rejet de deux tonnes de CO2.

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