En Allemagne, la holding Stahl-Holding-Saar (SHS) produit cinq millions de tonnes d’acier par an à quelques kilomètres de la frontière française. Elle annonce avoir passé commande de deux fours électriques et d’une usine de réduction directe du minerai de fer. En 2030, SHS éteindra donc ses hauts-fourneaux de Dillingen pour les remplacer par des installations qui réduiront de 55% ses émissions de C0², avec un objectif de 80% en 2050.
"Pure Steel", l’acier pur. Cet anglicisme cache un projet entièrement allemand et très ambitieux qui vise, selon les mots des dirigeants de SHS, à faire de la sidérurgie sarroise "le plus grand projet européen de décarbonation". Rien que ça ! En utilisant jusqu’ici la filière fonte, avec l’utilisation des hauts-fourneaux, la production d’une tonne d’acier entraîne le rejet de deux tonnes de C0² dans l'atmosphère. Avec ses fourneaux de Dillingen, la sidérurgie sarroise est donc l’un des plus gros émetteurs industriels de C0² d’Allemagne, autour de dix millions de tonnes par an.
La holding sarroise a donc annoncé officiellement qu’elle avait passé commande des outils nécessaires à sa transformation vers une production d’acier bas-carbone. Elle a livré les noms des entreprises à qui elle va confier les travaux : Primetals Technologies, Midrex Technologies Inc. et DSD Steel Group devront sortir de terre les installations nécessaires.
Deux fours électriques permettront de produire trois millions et demi de tonnes d’acier par an à partir de 2030 en recyclant des ferrailles. Une usine de réduction directe du minerai fer (DRI) devrait avoir une capacité de deux millions et demi de tonnes annuelles. Lorsque ces outils seront opérationnels, SHS éteindra définitivement ses hauts fourneaux, et mettra fin à plusieurs siècles de production de fonte.
La sidérurgie à l'hydrogène... et au gaz naturel
Dès 2027, SHS veut expérimenter l’injection d’hydrogène dans ses hauts-fourneaux, pour remplacer progressivement le coke de charbon. A terme, le groupe veut alimenter ses installations avec un mix gaz naturel et d'hydrogène baptisé midrex-flex. Problème : aucune usine de production d’hydrogène n’est encore opérationnelle à proximité, ni du côté français ni du côté allemand.
GazelEnergie, qui exploite actuellement la centrale thermique de Carling, est en discussion commerciale avec le groupe sidérurgique allemand pour lui fournir l’hydrogène, via son projet Emil’HY qui vise à "produire à terme 56 000 tonnes d’hydrogène bas-carbone par an" selon le dossier de concertation déposé.
Gazel écrit notamment que son projet "serait donc un véritable atout pour accompagner SHS dans sa transition énergétique sans attendre la finalisation du réseau allemand. Dans ce cadre, SHS et GazelEnergie échangent depuis 2020 sur l’opportunité de fournir une importante partie des besoins de SHS en hydrogène vert décarboné grâce à l’unité de production prévue dans le cadre du projet Emil’Hy".
"Mais SHS aura besoin de beaucoup plus d’hydrogène que ça s’il mène son projet de conversion au bout, près de 150 000 tonnes par an", explique un bon connaisseur du dossier, "il prendra donc toutes les ressources disponibles aux alentours, en sachant que le prix de revient de l’hydrogène est beaucoup plus élevé en Allemagne, du fait d’un prix d’achat de la matière première, l’électricité, quatre à cinq fois supérieur".
SHS affirme que "le montant total des investissements pour la conversion en acier vert de production d'acier, y compris la conception de l'environnement, les infrastructures et les mesures logistiques, s'élèvent à environ 4,6 milliards d'euros. Pour ce projet pionnier, les entreprises recevront un financement du gouvernement fédéral et de l'État de 2,6 milliards".
En 2050, si tous ses projets aboutissent, SHS espère avoir réduit de 80% ses émissions de C0². Le groupe sidérurgique allemand aura tourné la page de 250 ans d’une technologie basée sur sa ressource historique : le charbon, dont la dernière mine sarroise a fermé en 2012.