La centrale électrique de Saint-Avold, en Moselle, se prépare à tourner la page du charbon d’ici 2027. GazelEnergie a annoncé une reconversion vers une alimentation au gaz, après avoir envisagé la biomasse. Cette transition pourrait permettre d’atteindre la neutralité carbone grâce à l’utilisation de gaz vert. Une annonce qui suscite à la fois espoir et inquiétude parmi les salariés et les syndicats.
La centrale électrique de Saint-Avold (Moselle), qui doit tourner la page du charbon d’ici à 2027, oriente finalement sa reconversion vers une alimentation au gaz, après avoir un temps imaginé une conversion à la biomasse. GazelEnergie, qui avait déjà évoqué cette piste avant l’été, l’a redit ce jeudi 26 septembre à l’AFP.
Camille Jaffrelo, porte-parole de GazelEnergie, nous indique qu’elle a ainsi réagi à l’annonce mardi par EDF d’abandonner le projet de conversion de la centrale de Cordemais (Loire-Atlantique), qui cessera donc de produire de l’électricité à l’horizon 2027. GazelEnergie, elle, n’abandonne pas la proposition de conversion à la biomasse, mais ajoute cette nouvelle proposition à la première.
"Sur l’option biogaz, on est sur une conversion intégrale qui permet de répondre à l’objectif de conversion jusqu’à 2027 et de garantir les emplois. Cette conversion au gaz pourrait même permettre d’atteindre la neutralité carbone", selon Camille Jaffrelo, avec une production à partir de gaz vert.
Une centrale d'hyper-pointe
Dans le calendrier, elle évoque aussi un rapport récemment publié par RTE, gestionnaire de réseau qui est garant de la sécurité d’approvisionnement du pays. "Le document précise les besoins en hyper-pointe pour la production d’électricité en France pour les années à venir. La Centrale Emile Huchet est une centrale de production d’hyper-pointe."
L'hyper-pointe est la capacité d'une centrale de passer d'une production électrique nulle à une production très élevée très rapidement. Elle peut aussi, à l'inverse d'une production maximale à l'arrêt en très peu de temps.
Camille Jaffrelo ajoute : "Nous avons eu de nombreuses réunions techniques avec la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), qui est en train d’instruire la conversion.
Nous aurons donc un avis de l’administration à proposer à la nouvelle ministre Agnès Pannier-Runacher. On a fait des sourcings et des calibrages d’approvisionnement en biogaz sur la centrale. Ce qui permet d’avoir une solution technique neutre en termes de carbone."
Un projet approuvé par les syndicats
Contacté, Thomas About, délégué CFDT, accueille cette annonce avec optimisme mais non sans une certaine crainte : "D’un point de vue industriel, c’est une continuité. On sort du charbon. En sourçant le biogaz avec des garanties d’origine. Cela permet de viser une neutralité carbone, tout en conservant un outil de production d’électricité sur le réseau du Grand Est, à Saint-Avold, comme le demande le transporteur d’électricité RTE.
Mais il y a un énorme risque, que l’arbitrage de l’État soit en défaveur de la centrale Émile Huchet. Notre cas met EDF et l’État dans l'embarras par rapport à la centrale thermique de Cordemais. Le sort des deux unités a toujours été lié. Ici, à Saint-Avold, les salariés sont à bout. Ils veulent des réponses. On en a marre de se faire flouer par les politiques. C’était déjà le cas en 2022. On ne lâchera rien."
Le président Emmanuel Macron avait annoncé l'an dernier que les deux dernières centrales électriques à charbon de France, à Cordemais (Loire-Atlantique) et Saint-Avold, seraient converties "complètement" à la biomasse (des granulés prioritairement issus de déchets de bois) "d'ici 2027".
Mais EDF a donc annoncé mardi son intention d'abandonner le projet de conversion de la centrale de Cordemais.
Le syndicaliste persiste et signe : cette idée de conversion au gaz est la bonne. Il faut maintenant la faire valider par l’État.
Une opportunité
Pour Thomas About, l’alimentation au gaz plutôt que la biomasse, comme initialement prévu, est une meilleure idée. "C’est dommage de brûler des résidus de bois pour en faire de l’électricité. Je faisais partie de ceux qui pensaient que c’était bien pour préserver l’outil. Je trouve que c’est plus intelligent d’utiliser du biométhane.
Cela favorisera l’émergence de méthanisation agricole avec des agriculteurs du territoire, qui ont actuellement des problèmes financiers. Le coût d’achat des biogaz par les grands opérateurs est moindre. Cela pourrait permettre à certains de traiter en direct avec GazelEnergie. On peut remettre en route un cercle vertueux."
Conversion plutôt que neuf
En termes économiques, ce projet présente aussi des avantages : "La reconversion annoncée aurait un coût de 100 à 110 millions d’euros. Cela permettrait de conserver l’outil sur le réseau électrique pour les hivers à venir. On peut effectuer les travaux sans avoir pour autant à arrêter la centrale. La mise en service peut être effective pour 2026", explique Thomas About.
"Construire une centrale neuve aurait coûté entre 600 et 800 millions d’euros. Elle n’aurait pas été disponible pour le réseau avant plusieurs années. Dans cette solution, cela coûte moins cher, et l’outil reste disponible. 2026 et 2027 sont déjà des hivers sous surveillance par le fournisseur d’énergie RTE qui se prépare à un contexte compliqué. En attendant, la centrale de Saint-Avold, même avec du charbon, reste l’assurance du réseau", poursuit le syndicaliste.
Un fonds de compensation carbone
Concernant le fonds de "compensation carbone", Thomas About explique : "pour redémarrer en 2022 au charbon, l’État a demandé un mécanisme de compensation carbone" à l’entreprise. Pour chaque tonne de carbone émise, 40€ sont versés dans un fonds dont GazelEnergie endosse la responsabilité. La somme est sur un compte garanti par la Caisse des dépôts et consignations.
On peut l’estimer à plusieurs millions d’euros. C’est actuellement de l’argent qui est fléché vers le reboisement en région Grand Est et en région PACA pour des exploitants forestiers." Si la centrale sort bien du charbon pour passer au biogaz, l’idée du syndicat, c’est que cet argent soit plutôt fléché vers les particuliers pour des travaux de rénovation énergétique des bâtiments. "En particulier dans le Grand Est, c’est une possibilité que le syndicat pose sur la table en interne."
En attendant des réponses politiques et une "feuille de route" demandée par la direction et les employés au gouvernement depuis plusieurs mois, les vérifications nécessaires au redémarrage de la centrale ont été effectuées la semaine dernière. Elle est donc prête à fonctionner à nouveau au charbon cet hiver.
La réserve de charbon est d'ailleurs bien remplie et les installations prêtes à produire de l'énergie lorsqu'il fera froid et que l'approvisionnement en électricité sera sous tension, selon Camille Jaffrelo.
Les syndicats et avec eux les salariés de la centrale Émile Huchet attendent maintenant le rendez-vous, promis, au ministère de la Transition écologique, avec la ministre, Agnès Pannier-Runacher.