Saints de glace : doit-on s'inquiéter pour son jardin ?

C’est une période qui donne des sueurs froides aux jardiniers : les Saints de Glace (11, 12 et 13 mai). Cette vieille croyance populaire désigne un épisode de gel redouté par les amoureux du jardin. Mais doit-on vraiment avoir peur des Saints de glace ?

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Ce sont trois jours qui font frémir les jardiniers : les Saints de glace. Une appellation tirée du calendrier qui correspond aux noms des trois saints célébrés le 11, 12 et 13 mai. Il s’agit de Saint Mamert (11 mai), Saint Pancrace (12 mai) et Saint Servais (13 mai), aujourd’hui remplacés par des prénoms plus actuels, à savoir Estelle, Achille et Fatima. Ces trois jours sont particulièrement redoutés par les jardiniers car des gelées tardives sont encore possibles à cette période de l’année. Au-delà de cette période, on considère que les jardiniers peuvent semer et planter sans craindre un coup de froid fatal. 

L'explication scientifique 

Cette croyance date, certes, du Moyen-Âge mais reflète tout de même une réalité scientifique et climatique. Un prévisionniste de Météo France nous explique : “Cela est dû au phénomène climatique appelé “oscillation Nord Atlantique”. C’est la différence entre l’air froid qui descend du Pôle et l’air chaud qui remonte de l’Equateur. Pendant l’hiver, des masses d’air froid parviennent à nos latitudes et provoquent des épisodes de froid parfois très rugueux. Cette circulation atmosphérique hivernale s’achève lorsque les conditions anticycloniques estivales prennent le dessus. On se rend compte que lorsque l’on est à l’intersaison, en période d’équinoxe, on se situe dans cette zone d’oscillation entre l’air froid et l’air chaud. Cette modification de la circulation atmosphérique, d’hivernale à estivale, s’effectue progressivement et il arrive que début mai des fronts froids venant du Nord atteignent nos latitudes. Il peut donc geler même si les températures journalières ont globalement tendance à augmenter pour atteindre la période estivale”. Les Saints de glace tombent ainsi chaque année au mois de mai, car c’est à ce moment précis de l’année que la circulation atmosphérique hivernale s’achève avec les dernières descentes d’air froid polaire avant l’été. Ceci ne signifie pas pour autant qu’il va nécessairement geler les nuits des 11, 12 et 13 mai prochains selon le prévisionniste : "Les jours des Saints de glace ne sont pas les jours les plus froids. D'après les données que l'on a, on remarque qu'il fait souvent plus froid avant et même parfois après ces dates-là". 

En Auvergne, pas de Saints de glace depuis ... 2003

Même si la légende des Saints de Glace a bien un fond de vérité, les observations basées sur les dernières années tendent à montrer que le mois de mai s’avère être de moins en moins une période à risque pour les plantations. Le prévisionniste précise : "Avec le réchauffement climatique, on observe de moins en moins de gelées durant cette période, voire durant le mois de mai.  Il se peut que les gelées tardives deviennent exceptionnelles au mois de mai. Au fil des ans, le réchauffement climatique nous dit que le froid peut devenir l’exception durant cette période, là où elle était la norme”. En effet, depuis le milieu du siècle dernier, en France, seule 1 année sur 3 a connu la présence de gelées matinales en plaine durant la période des Saints de Glace. Du côté de l’Auvergne, les dernières gelées enregistrées sur ces trois fameux jours datent… d’il y a 20 ans. “De 2003 à 2023, on s’aperçoit qu’il n’y a pas eu de gelées en Auvergne durant la période des Saints de glace, c’est-à-dire le 11, 12 et 13 mai”, souligne le spécialiste. Comme le montre ce graphique fait à partir des données de Météo France : 

Même constat dans d'autres villes en France avec l'exemple de Paris, Lyon et Marseille : 

Si le risque de gel devient faible au-delà de ces dates, gardons en tête que les gelées les plus tardives peuvent survenir jusqu’à la fin du mois de mai. "La gelée la plus tardive enregistrée en Auvergne par Météo France date du 30 mai 1961, rappelle l'expert. Elle a eu lieu à Vichy avec une température moyenne sous abri de -1.6 °C"

Il faut savoir que Météo France relève uniquement les températures sous abri, c'est-à-dire à 1.50 mètre du sol dans une boîte blanche en bois ventilée. Un élément à prendre en compte selon le prévisionniste. "Il y a un grand écart entre la température sous abri et la température au sol. Par exemple, certaines personnes ont observé du givre sur leur pare-brise au mois de juin, mais cela ne veut pas dire qu'il y a une gelée. Cela veut plutôt dire que sous abri il a peut-être fait 1°C. Souvent, ce que les gens constatent ne correspond pas à la réalité à laquelle on parle"

Ce qu’il faut faire et ne surtout pas faire

"En mai, fais ce qu’il te plaît” : pour les jardiniers, ce sera seulement quand le trio des saints sera passé. Alors pour Didier Flipo, jardinier dans le Cantal, ce ne sera qu’après le mois de mai. Même si cela fait bien longtemps qu'il ne croit plus en ces fameux Saints de glace. Il explique pourquoi : “Avec le dérèglement climatique, c’est de moins en moins pertinent. Dire que les périodes de gels arriveraient sans aucun doute à cette date-là n’est plus vrai aujourd’hui. Je ne me pose même plus la question”. il livre quelques conseils : “Quand je fais des semis précoces, je garde en tête les risques. Je surveille la météo régulièrement pour savoir s’ils annoncent un coup de gel pour le lendemain. Si c'est le cas, je mets quelques protections supplémentaires”. Le jardinier conseille d’opter pour un voile d’hivernage pour mettre à l’abri ses cultures du coup de froid. Mais il ne faudrait pas trop anticiper selon lui. “C'est mieux de le faire au dernier moment parce que s’il mouille, il va décupler les effets du gel”.

Même solution choisie par Christian Rougeron, président des jardiniers des Pays d'Auvergne. Avec la chute des températures, il a également d'autres astuces pour protéger ses cultures : "Au moment de la plantation de la tomate, un peu avant le 15 mai,on peut prendre deux tuiles que l'on place autour du pied de tomates. La tuile est isolante et va emmagasiner la chaleur durant la journée pour ensuite la restituer"

Le spécialiste du jardin conseille également d’éviter de semer tous les légumes d’été : tomates, poivrons, aubergines. Plus généralement, tous les légumes dits gélifs, c’est-à-dire qui craignent le gel. Il recommande de privilégier d’autres variétés qui ne craignent pas le coup de froid. “Il y a, entre autres, la salade rustique, les petits pois ou les carottes“, énumère-t-il. Le jardinier conseille également d'éviter les semis durant cette période. Il précise : "Durant les périodes froides et sèches, presque tous les semis sont voués à l’échec. Il vaut mieux garder les graines dans le sachet et attendre des jours meilleurs avec des températures plus favorables, c’est-à-dire supérieur à 10°C au niveau du sol. Par exemple, si vous faites des semis de haricots sous des températures inférieures à 10°C, vous avez des chances de voir les graines pourrirent”. Enfin, dernier conseil de Christian Rougeron : éviter l'arrosage. “Le froid associé à l’humidité, c’est la pourriture assurée des graines, prévient-il. Il vaut mieux bien préparer le sol avec de la terre fine et la conserver humide. C’est ce qui permettra d’éviter l’arrosage. Il est préférable d'attendre que les températures soient plus favorables"

Y aura-t-il des gelées cette année, les 11, 12 et 13 mai ? C'est la question qui hante de nombreux jardiniers... car quoi de plus imprévisible que la météo ? 

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