Santé : « On ne guérit pas de la sclérose en plaques, on apprend à vivre avec »

Le 30 mai est la journée mondiale de la Sclérose en Plaques (SEP). A cette occasion, malades SEP et professionnels de santé en Auvergne reviennent sur le combat qu’ils mènent chaque jour contre cette maladie jugée encore trop méconnue.
 

« Je me souviens encore de ma première crise de sclérose en plaques en 1997, mon corps brulait tellement que j’avais l’impression qu’on me poignardait dans mon sommeil. » Diagnostiquée malade SEP (sclérose en plaques) à l’âge de 37 ans après une violente poussée inflammatoire et un trouble de la vision, Annie Leschier, Clermontoise de 60 ans, se souvient encore du moment où sa vie a basculé. « Après la crise, je ne pouvais plus rester debout ou marcher trop longtemps sans subir des brulures dans tout le corps ou ressentir une extrême fatigue » ajoute la retraitée qui a dû abandonner sa carrière de cuisinière.

La sclérose en plaques est une maladie inflammatoire du système nerveux central. Le cerveau, la moelle épinière ou encore les nerfs optiques peuvent être touchés, ce qui peut conduire « à une forte faiblesse des membres, des troubles de la vision ou une fatigue extrême » détaille le neurologue Pierre Clavelou, responsable du centre référence de sclérose en plaques en Auvergne. Mais il précise que les symptômes varient selon la localisation de la pathologie et que la maladie peut se manifester par crises d’inflammation (appelées poussées) ou de manière progressive.
Encore trop méconnue selon Annie Leschier du grand public car invisible à l’œil nu, cette maladie touche pourtant plus de 100 000 personnes en France selon les chiffres de la fondation ARSEP (fondation d’Aide à la Recherche sur la Sclérose En Plaques). « Un tiers des malades sont des femmes et la maladie se développe en moyenne autour de la trentaine » précise le Pr P.  Clavelou. Un diagnostic qui demande du temps et qui est difficile à anticiper : « La première poussée est invisible et ne laisse généralement pas de séquelles au début ce qui peut induire en erreur. » explique le docteur. Pourtant, plus le malade est diagnostiqué tôt, plus les risques d’aggravation de la maladie s’amenuisent insiste le Pr P. Clavelou : « Il faut être réactif dans les dix premières années de la maladie pour prescrire un traitement adéquat. Au-delà des dix ans les risques de complication de la marche et du recours au fauteuil roulant sont plus accrus ». 

Diagnostiquer la sclérose en plaques

Entre la première poussée (inflammations musculaires) et la seconde où on lui a réalisé une ponction lombaire, Annie Leschier se souvient d’avoir cherché longtemps à mettre un nom sur sa maladie. Le Pr Pierre Clavelou explique : « Dans les années 80-90, il fallait attendre une deuxième poussée pour réaliser un examen approfondi comme la ponction lombaire et pouvoir repérer les zones d’inflammation. Or il peut s’écouler de nombreux mois entre deux crises sans apparition claire des douleurs » Aujourd’hui, il précise que le diagnostic est beaucoup plus facile à réaliser notamment grâce à la présence de 23 centres experts en France et au recours de l’IRM (Imagerie par Résonnance Magnétique) : « Après une étude du patient en fonction de ses douleurs, l’IRM permet de localiser les plaques aussi bien dans le cerveau que dans la moelle épinière. Elle permet également de visualiser l’évolution des lésions dans le temps. » La ponction lombaire « bien moins douloureuse de nos jours » confirme la SEP en révélant une production anormale de protéines de l’inflammation.
Annie Leschier ajoute avoir toujours eu  la sensation « d’avoir la maladie en elle » et de l’avoir déclenchée à la suite d’un choc émotionnel après avoir été victime d’un cambriolage. Mais si le professeur P. Clavelou atteste que le stress peut-être un facteur du développement des maladies auto-immunes, il tient à rappeler qu’on en a cependant aucune certitude à ce jour. Il précise également que s’il existe une susceptibilité génétique qui expliquerait une certaine prédisposition à la maladie, la sclérose en plaques n’est pourtant pas héréditaire. « C’est une maladie imprévisible et en constante évolution, c’est pour ça qu’il est très important pour le malade d’être suivi régulièrement tout au long de sa vie. »

Vivre avec la maladie au quotidien

« A l’annonce du diagnostic, deux solutions s’offraient à moi : déprimer et me laisser envahir par les douleurs, ou alors me battre contre cette foutue maladie pour essayer d’être une maman comme les autres » déclare Annie Leschier. Un challenge de taille, pour la malade qui chaque jour doit suivre un traitement médical draconien pour réduire la pathologie : « Je fais mes injections d’interféron (protéines naturelles du système immunitaire) par voie cutanée moi-même toutes les semaines pour calmer l’inflammation et espacer les crises. Et je me rends régulièrement chez mon kinésithérapeute pour détendre mes muscles.» explique Annie Leschier qui n’a pas eu de poussée depuis bientôt 10 ans. Pierre Clavelou précise que les médicaments sont entièrement remboursés par la sécurité sociale pour les maladies reconnues au titre « ALD» (affection de longue durée). Il ajoute qu’une « éducation médicamenteuse » est cruciale pour aider les malades à choisir leur mode de traitement et connaître les potentiels effets indésirables.

Pour optimiser la prise en charge d’un malade SEP, le CHU peut les rediriger vers le réseau SEP en Auvergne constitué de professionnels de santé et financé en grande partie par l’ARS (Agence Régionale de Santé). « Infirmiers, psychologues, ergothérapeutes ou encore assistantes sociales : notre rôle est d’assurer le suivi des patients en les orientant vers différents intervenants, en assurant leur prise en charge ou encore en optimisant la qualité des soins de proximité et de vérifier qu’ils possèdent tout le matériel médical chez eux » précise  Evelyne Jourde, directrice du réseau SEP dans le Puy-de-Dôme. Mais pour Annie Leschier, ce qui a été le plus difficile dans la maladie, c’est d’accepter et de faire comprendre à son entourage « que rien ne serait plus jamais comme avant ». Il a fallu également apprendre à vivre également avec certaines critiques : « Comme nos douleurs sont invisibles, la canne peut faire penser qu’on a simplement une entorse ou que l’on s’écoute. Mais avec le temps on s’habitue aux réflexions et aux regards des autres et on apprend surtout à leur répondre.» 

L’activité physique comme remède ?

Chaque jour Annie Leschier s’oblige à marcher un peu pour stimuler ses muscles et occupe son esprit : « Je fais partie d’un club de poterie et de dessin. Lorsque je suis là-bas, j’arrive à me concentrer et j’oublie ma maladie. Même si je ne peux pas faire tout comme les autres évidemment car je fatigue très vite ». Les troubles cognitifs comme le manque de concentration font partis des symptômes de la maladie, rappelle P. Clavelou. Pour Christine Nguyen, qui souffre de SEP depuis 10 ans, l’activité sportive a été une véritable « bouée de sauvetage ». Malgré les douleurs et la fatigue, sa maladie ne l’empêche pas de pouvoir se rendre deux fois par semaine à son club de sport à Clermont-Ferrand pour « renforcer ses capacités musculaires, son endurance et se vider la tête ». Une habitude qui lui a non seulement permis de réduire ses douleurs mais également de reprendre confiance en elle.
Depuis 2018, elle organise avec son club de sport des journées sportives autour de la SEP pour sensibiliser le public : « Le but des rencontres que nous organisons en partenariat avec la branche sportive de la fondation ARSEP (dédiée à la recherche sur la SEP), est vraiment d’encourager la pratique sportive pendant la maladie et de communiquer sur la SEP » détaille Christine Nguyen. Véritable succès, ces rendez-vous sportifs ont également permis de pouvoir récolter près de 1 464 euros pour la recherche l’année dernière.  « Parmi les différents parcours nous avons bandé les yeux des volontaires et mis des poids à leurs chevilles pour leurs montrer  ce que vivent certains malades au quotidien quand ils montent les escaliers par exemple afin de les sensibiliser. »

Sensibiliser

« Je pense qu’on ne réalise pas l’impact que peut avoir une maladie tant qu’on ne l’a pas vécue » se désole Irène Leclerc, fondatrice du comité et déléguée régionale Auvergne de la Fondation ARSEP. Atteinte de sclérose en plaques depuis ses 33 ans, pour elle l’accumulation des clichés associés à la maladie est un frein pour les malades. « Il m’arrive encore de croiser des personnes qui pensent que la sclérose en plaques provoque des plaques rouges sur le corps, ou que nous sommes tous en fauteuil roulant. » Pour elle, la sensibilisation doit d’abord se faire auprès des malades eux-mêmes. Thés dansants, activités sportives ou encore pièces de théâtre : elle organise avec son comité local de la fondation ARSEP « sourire espoir patience », des rencontres entre malades SEP et manifestations ouvertes au grand public pour qu’ils puissent partager des moments et échanger autour de la maladie. « Parler de ma maladie m’a beaucoup aidée à l’accepter, à surmonter les épreuves et à me sentir moins seule. » témoigne Irène Leclerc qui a dû réapprendre à vivre et à marcher après avoir été paralysée à la suite d’une violente poussée. Les activités organisées par l’ARSEP qui s’adressent également au grand public permettent d’obtenir une certaine visibilité, ainsi que des fonds pour contribuer à la recherche sur la SEP. Evelyne Jourde ajoute que la sensibilisation doit également se faire au niveau des professionnels de santé : « Nous organisons régulièrement des séminaires sur la SEP entre neurologues, infirmiers ou encore hématologues ».
Des activités essentielles que tous ont hâte de pouvoir remettre en place après la crise sanitaire. « La recherche avance mais il faut que les mentalités évoluent avec elle. Il faut continuer de communiquer sur la  SEP pour se sentir compris et accepter la maladie. Nous ne sommes pas que malades, nous sommes avant tout vivants ! » conclut Irène Leclerc en souriant.
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