Semaine de quatre jours : le pari gagnant de cette entreprise, "On a augmenté notre productivité de 20 %"

Dans cette entreprise de Clermont-Ferrand, les salariés vont au travail avec sourire. Il faut dire que la semaine est courte puisque depuis deux ans, ils sont passés à la semaine de quatre jours, avec un tiers de leur temps en télétravail.

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C'est une petite PME auvergnate comme il en existe beaucoup. A un détail près : depuis deux ans, sur proposition de leur directeur, les salariés ont adopté la semaine de quatre jours. "Ces quatre jours c’est tout bénéfice" s'enthousiasme Catherine Mallevre. Cette assistante de direction poursuit : "J’ai déjà connu ça en ne travaillant pas le mercredi lorsque mes enfants étaient petits. J’étais salariée à temps partiel. Ce que je trouve valorisant c’est que tout le monde peut y accéder sans rogner sur son salaire. C’est bien d’avoir une journée de repos en plus dans une semaine chargée". Elle est employée chez De Bussac Multimédia, une agence web de Clermont-Ferrand. Spécialisée dans le développement et la création de solutions digitales, l’entreprise compte une soixantaine de salariés, dont 36 à Clermont-Ferrand et le reste dans une filiale au Portugal. Catherine poursuit : « Au début c’était une proposition avant-gardiste. J’ai tout de suite été séduite. Après le COVID, on avait besoin de rentrer dans un autre rythme et cela correspondait bien à ce qu’on attendait ».
Elle détaille son emploi du temps : « Je travaille sur quatre jours, avec des amplitudes un peu plus longues. Je réduis ma pause déjeuner et j’allonge un peu en soirée : je démarre à 9 heures, je finis entre 18h15 et 18h30. Pour la charge de travail, on s’organise autrement. Je n’ai pas de charge mentale avec des enfants qui sont grands, donc si la journée finit un peu plus tard le soir, je ne cours pas après le temps ». Désormais l’assistante de direction profite pleinement de ses vendredis libres : « Mon troisième jour de repos est le vendredi. J’en profite pour prendre tous les rendez-vous pour lesquels je posais des journées de RTT, comme les rendez-vous médicaux ou esthétiques. Maintenant, c’est beaucoup plus simple. Je ne me pose pas de questions et je pose mes rendez-vous le vendredi. J’essaie aussi d’avoir des activités ce jour-là ».

Des salariés plus sereins

Elle ne regrette en rien d’avoir opté pour la semaine de quatre jours : « Les conséquences sur l’équilibre travail/vie privée sont positives. Même au niveau de l’ambiance des collaborateurs, tout le monde est beaucoup plus serein. Je ne suis pas sûre que cela se fasse dans tous les corps de métier. Nos emplois dans le secteur tertiaire sont plus avantageux. Peut-être que cela peut se généraliser à l’industrie. Pour les managers, je ne suis pas sûre que ce soit très simple de partager le temps de travail ». Catherine apprécie son nouvel emploi du temps : « Je suis à dix ans de la retraite donc si je peux travailler moins, cela me va bien. Cela va dans l’esprit du moment ».
Etre dans l’esprit du moment, c’est justement ce qui a poussé Alexandre Santos, dirigeant de l’agence, à adopter la semaine de quatre jours. Il raconte comment il a voulu insuffler ce nouveau rythme à son entreprise : « Nous sommes passés à la semaine de quatre jours juste à la reprise post COVID, il y a deux ans. On parle souvent d’innovation technique. J’ai toujours été très à cheval sur la notion de bien-être au travail. Je voulais rendre le rapport au travail un peu plus libre. J’ai proposé à mes salariés de passer à quatre jours. Lors de l’annonce, j’ai eu devant moi des réactions que je n’attendais pas : des yeux écarquillés, des gens qui demandaient ce qu’il leur arrivait. Je n’ai eu aucune réaction positive. Il a fallu réexpliquer. Je voulais que les gens puissent bénéficier d’un week-end de trois jours. Dans nos métiers, on fait beaucoup d’heures supplémentaires. Avec les quatre jours, on a régulé par le haut et tout le monde s’est retrouvé au même niveau. On a d’abord testé et cela a fonctionné ».

Une hausse de la productivité

Très vite, il a noté des premiers effets positifs : « On a constaté que les gens s’adaptaient très facilement et que notre productivité a augmenté de près de 20 %. On s’est demandé si c’était un effet lié à la nouveauté mais au fil des mois, on s’est rendu compte qu’il y avait ceux qui s’adaptaient très bien et ceux qui préféraient revenir à cinq jours. Je pense qu’entre la semaine de quatre ou cinq jours, la vérité est plutôt d’adapter le temps de travail aux contraintes organisationnelles, familiales de chacun, pour que l’équilibre vie personnelle et travail soit une réalité. Le passage aux quatre jours s’est accompagné d’une augmentation de salaire de 10% pour tout le monde ». Alexandre indique le fonctionnement de l’agence : « Tout le monde travaille 35 heures. Tous les postes sont doublés, avec deux équipes. On a des personnes qui travaillent du lundi au jeudi soir, d’autres qui travaillent du mardi au vendredi soir. Tout le monde a un week-end de trois jours. Les salariés font un peu plus de huit heures chaque jour, avec du télétravail sur un tiers de leur temps ». L’entrepreneur constate : « Je pense que cela crée un engagement supplémentaire. Les gens sont fiers de leur entreprise et de leur prise en compte en tant qu’humain ». Seule une poignée de salariés ont préféré garder l’ancien dispositif : « Trois personnes sont revenues au rythme des cinq jours. C’était parce que ce sont des personnes qui habitent loin ou parce que l’une d’elles devait récupérer son enfant à la crèche à 17 heures ».

Des clients d'abord surpris

Les clients de l’agence ont, eux aussi, dû s’adapter à ce nouveau rythme : « Au début, les clients étaient un peu étonnés et ont eu des craintes. Mais nos postes sont doublés. Les clients n’ont pas de coupure dans leur semaine au niveau interlocuteur. Après, ils se sont dit qu’ils allaient pouvoir nous appeler plus tard le soir mais on y a vite coupé court car à 18 heures, on coupe le téléphone, pour avoir un sas de décompression en fin de journée. Maintenant, j’ai des clients qui viennent me sonder en en me demandant si je peux les accompagner pour un passage à la semaine de quatre jours ». Selon Alexandre, son agence web a gagné en attractivité : « Nous sommes des métiers avec beaucoup de turnover. Aujourd’hui, on a moins de salariés qui partent. De plus, en entretien de recrutements, les candidats me parlent beaucoup de la semaine de quatre jours. Au début, c’était un peu compliqué car je me demandais s’ils ne venaient pas seulement pour cela. On a multiplié par trois le volume de CV reçus ».

Vers la semaine de 32 heures

Mais le chef d’entreprise ne compte pas s’arrêter là : « On continuera à réduire le temps de travail parce qu’on continue à s’améliorer. On garde des séniors qui deviennent meilleurs. Cet été, en juillet et en août, on va tester quatre jours à 32 heures, pour l’ensemble des salariés. On demande aussi aux salariés d’être performants. On mesurera les effets grâce à des indicateurs. L’objectif est, à horizon 2025, de travailler toute l’année 32 heures, payées 35 ».

Je reste persuadé que l’être humain est bien dans son travail mais qu’il est mieux dehors, à profiter de la vie et de sa famille

Alexandre Santos, dirigeant de De Bussac Multimédia

Fort de son expérience, Alexandre conseille même des entreprises sur le sujet de la semaine des quatre jours : « Je leur recommande souvent de ne pas le faire. En effet, beaucoup ne sont pas prêtes, ne serait-ce que philosophiquement parlant. Il ne faut pas passer à la semaine de quatre jours pour être à la mode. Il faut être structuré, mature, avoir les gens pour le faire. Dans mon domaine, une entreprise qui se met à faire cela avec des juniors va échouer à l’avance. Il y a aussi certains métiers où c’est plus difficile à appliquer ». Pour lui, ce dispositif n’a que des avantages : « Je vois plus d’inconvénients au télétravail qu’à la semaine de quatre jours. Le télétravail est difficile à gérer dans la préservation de l’esprit d’équipe et cela demande des efforts. Sur la semaine de quatre jours, je ne vois pas d’inconvénients. Il ne faut pas avoir peur de faire des tests. La semaine de quatre jours est un aménagement du temps de travail ».

Un salarié satisfait

Au sein de l’agence, Imdat Ozkale est directeur de projet technique. Lui aussi apprécie le passage à la semaine de quatre jours : « Quand notre patron nous a proposé de passer à quatre jours, c’était une surprise car ce n’était pas quelque chose de commun. C’est quelque chose de positif. D’un point de vue professionnel, cela permet d’être un peu plus focus sur les journées. Quand on est sur un projet, on n’est pas du genre à tout stopper à 18 heures. J’avais aussi tendance à finir un peu tard et maintenant cela rentre dans le cadre des heures de travail. Personnellement, cela me permet d’avoir une journée pour aller chercher mes enfants à l’école. Mon patron sait que je suis musulman donc je suis content d’avoir mes vendredis pour aller au culte ». Il commence à travailler entre 8h30 et 9 heures. Il finit vers 19h30, avec une pause à midi d’1h30. Imdat pense que la semaine de quatre jours peut se répandre dans de nombreux métiers : « Mes proches sont un peu jaloux de ce système car ce n’est pas quelque chose de commun. Je pense que ce système peut devenir la norme ». Mais pour lui, ce dispositif nécessite une bonne organisation : « Je pense qu’il faut bien anticiper, savoir si on a besoin d’une personne tel jour mais ici, on est doublonnés sur chaque projet. Il faut bien communiquer. Je ne vois pas d’inconvénients. C’est juste une question d’organisation. Mes clients savent que je ne suis pas là le vendredi ». A l’idée de tenter l’expérience des 32 heures cet été, le directeur de projet technique lance en riant : « Notre patron est un peu fou mais on l’apprécie pour cela. Il a vraiment envie d’assurer le bien-être de ses employés. En mettant cela en place, il sait qu’on va essayer de lui rendre la pareille. On a vu que la productivité avait augmenté avec la semaine de quatre jours, on espère que cela va continuer avec les 32 heures. Pourquoi pas 28 heures un jour ? ».

Plus de productivité

A quelques bureaux de là, Matthieu Gras, développeur back, est lui aussi conquis par la semaine de quatre jours : « J’ai adopté les quatre jours après un an de contrat dans l’entreprise. Je trouve que c’est une très bonne opportunité. Comme j’ai des enfants en bas âge, cela me permet de profiter plus d’eux. C’est que du bonus côté personnel. Côté professionnel, je suis quelqu’un qui aime bien rester concentré sur ses tâches, donc les journées sont un peu plus longues mais ma productivité s’en ressent ». Matthieu travaille du lundi au jeudi. Il arrive à 9 heures et finit à 19 heures, avec une pause d’une heure à midi. Désormais, ses vendredis sont libérés : « Le vendredi je fais tout ce que je ne peux pas faire le reste de la semaine. Actuellement, je suis dans un projet de construction de maison donc cela me permet d’aller sur le chantier. Je peux aussi emmener ma fille à l’école et la récupérer ». Il évalue ce changement d’emploi du temps : « La semaine de quatre jours a beaucoup amélioré mon quotidien. Je vois un seul point négatif. En fonction des collègues avec qui on est en binôme, il faut savoir s’adapter. Il faut partager les informations pour que l’un puisse reprendre le flambeau de l’autre quand il n’est pas là ». Dans cette entreprise clermontoise, la semaine de quatre jours semble faire le bonheur de la majorité des salariés. « On ne fera pas marche arrière » prévient Alexandre Santos.

En Picardie, 200 fonctionnaires de l’Urssaf ont la possibilité depuis début mars 2023 de tester cette organisation. Sur la base du volontariat, les agents peuvent désormais concentrer leur temps de travail, soit 36 heures hebdomadaires, sur quatre jours au lieu de cinq habituellement. Annoncée par Gabriel Attal, cette expérimentation prendra place durant un an."La semaine de 35 heures en quatre jours, que 10 000 Français expérimentent déjà dans des secteurs économiques très variés comme le recyclage industriel ou l'informatique, cela peut être moins de temps passé dans les transports, moins de stress, et au final, plus de bien-être au travail", admet le ministre délégué aux Comptes publics dans un article de L’Opinion. Selon une enquête menée en mars 2023 par le cabinet de recrutement Walters People auprès de 1 000 professionnels issus de fonctions support et financière en France, 95% souhaiteraient sa mise en place dans leur entreprise. Tandis que 76% des salariés interrogés seraient prêts à concentrer leurs heures de travail sur quatre jours, 20% préfèreraient les réduire, "quitte à ce que leur rémunération soit légèrement impactée" note le cabinet. Le débat est désormais lancé. Un peu comme les 35 heures à leur époque, une petite révolution au travail est peut-être en marche.

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