Sommet de l’élevage 2023 : comment réduire les émissions de gaz à effet de serre des ruminants

C’est un enjeu qui sera débattu au Sommet de l’élevage de Clermont-Ferrand. Comment produire de la viande en réduisant les émissions de méthane des ruminants ? Afin de lutter contre le réchauffement climatique, certaines solutions existent mais ne sont pas forcément utilisées. Un spécialiste de la question nous éclaire sur ces émissions naturelles de gaz à effet de serre.

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A travers la production de gaz à effet de serre, dont le méthane, les ruminants contribuent fortement au réchauffement climatique. Au niveau mondial, Selon un rapport de la FAO, Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, 14,5 % des gaz à effet de serre (GES) produits par les activités humaines sont attribués à l’élevage. Le méthane est un gaz à effet de serre 28 fois plus puissant que le C02. Mais sa durée de vie est beaucoup plus courte que le C02 dans l’atmosphère : 12 ans contre 100 ans. Diminuer sa production est donc un levier intéressant, afin d’obtenir un impact à court terme sur le réchauffement climatique. Les ruminants sont identifiés comme étant de forts producteurs de méthane, un gaz principalement produit dans le rumen, puis éliminé par éructation depuis ce compartiment digestif dans l’atmosphère. Le méthane représente 60 % des émissions de GES au niveau de l’exploitation. C’est aussi une perte énergétique importante pour le ruminant : 6 % de l’énergie brute ingérée.

La vidéo ci-dessous explique comment l'INRAE "comprend, quantifie et prédit" les émissions de méthane des bovins.

14,5 % des émissions de gaz à effet de serre liés à l'élevage

L’objectif des recherches menées à l’INRAE de Theix (Puy-de-Dôme), Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement, est de diminuer le méthane des ruminants tout en optimisant leur efficacité digestive et productive. Diego Morgavi, chercheur à l’INRAE est un spécialiste des émissions de méthane. Il explique : « Les ruminants ne produisent pas eux-mêmes de méthane. Ce sont les microbes qui sont logés dans leur estomac. Il y a d’autres gaz à effet de serre qui sont produits, mais ils sont secondaires. En général, on calcule que 50% des gaz à effet de serre émis par la production des ruminants proviennent du méthane. Par exemple, pour produire 1 kg de viande ou 1 kg de lait, on obtient un équivalent carbone dont 50 % provient du méthane issu du rumen ». La FAO détaille la composition des émissions de GES isssus de l'élevage: « L’élevage est à l’origine d’environ 14,5 % des émissions anthropiques mondiales de GES , sous la forme de méthane (44 %), de protoxyde d’azote (29 %) et de dioxyde de carbone (27 %). Ces émissions découlent de la production de viande de bœuf et de lait de vache (61 % ). Les porcins et les poulets représentent 17 % des émissions, tandis que les petits ruminants et les buffles contribuent à hauteur de 4 % ».

Des solutions pour faire baisser la production de méthane

Le scientifique indique : « Les microbes qui produisent le méthane sont dans un milieu dit d’anaérobie, privé d’oxygène.  Dans l’ensemble des microbes ruminales,  Il y a une petite communauté de microbes méthanogènes qui sont très spécifiques. Ils produisent du méthane à partir des produits des déchets de la production par d’autres microbes de C02 ». Grâce à des recherches, des scientifiques sont parvenus à faire baisser les émissions de méthane chez les ruminants : « On peut modifier la production de méthane de deux manières différentes. On peut la modifier en réduisant la disponibilité des substrats que les méthanogènes utilisent. On sait aussi que si on produit des acides gras volatiles d’une certaine composition, il y aura moins de méthane. L’autre manière de réduire les émissions est d’agir directement sur ces microbes spécifiques. Dans ces cas-là, on peut appliquer des additifs. Ils peuvent être mis dans l’alimentation. Dans des conditions expérimentales, on réduit entre 20 et 40 % les émissions de méthane. Mais on n’arrive pas à diminuer de manière complète ».

Des additifs commercialisés mais pas forcément utilisés

Dans le laboratoire de Theix, par le passé, des chercheurs ont étudié des solutions nutritionnelles pour faire diminuer la production de méthane, comme la proportion de lipides dans la ration. Diego Morgavil travaille sur le microbiote ruminal pour essayer de mieux comprendre comment cela fonctionne. Il poursuit : « La découverte des additifs remonte à quelques années déjà. Il y en a certains qui sont commercialisés, avec une mise sur le marché approuvée par l’Union européenne et d’autres pays. Je ne sais pas s’il y a des éleveurs qui en achètent en France ».
En mai dernier, un rapport de la Cour des comptes sur les aides aux élevages bovins a mis le feu aux poudres. Il indiquait que, si la France veut atteindre la neutralité carbone en 2050, elle doit planifier la baisse de ses cheptels bovins, qui représentent environ 12 % de ses émissions de GES. Diego Morgavi précise : «  Le rapport de la Cour des comptes a le mérite de situer le problème et d’initier une discussion. Les agriculteurs ont pu prendre ces recommandations comme une menace mais les solutions qui existent pour diminuer la production de méthane représentent une dépense, d’un point de vue économique, qui n’est pas récupérée par d’autres effets, comme une augmentation de la production. Si l’éleveur doit acheter des additifs, cela représente un coût ».

 

Pour réaliser l’objectif de neutralité carbone en 2050, je pense que la réduction des émissions de méthane constitue un enjeu majeur, au niveau mondial

Diego Morgavi, chercheur à l'INRAE

Pour le scientifique, une véritable prise de conscience est nécessaire : « On se demande si ces idées sont adoptées par ceux qui nourrissent les animaux, par les consommateurs : c’est là que réside le progrès. Ce sont des choses complexes mais il y a des solutions et je pense que dans le futur, il y en aura d’autres. Après, tout dépend de la situation de chaque pays. Il y a aussi d’autres secteurs qui doivent collaborer. Cette émission est de la biologie : ce n’est pas quelque chose qui est facile à réduire, comme un puits de pétrole qu’on ferme du jour au lendemain. On va arriver à réduire les émissions mais cela va se faire par des mesures technologiques, qui devront être acceptées ». Il rappelle : « Les agriculteurs sont conscients des enjeux. Le cheptel a déjà beaucoup baissé ces dernières 50 années. Du coup, les émissions ont aussi baissé. L’élevage est aussi plus productif. Il faut aussi considérer la préservation des paysages grâce aux ruminants ». Diego Mogravi insiste : « Avec des chiffres et des comparaisons on peut dire tout et son contraire ». On compare parfois des chiffres non comparables. C’est le cas quand on affirme que l’élevage rejette plus de GES (14,5 %) que le secteur des transports (14 %) alors que ces deux chiffres sont obtenus par des méthodes différentes. Le calcul pour l’élevage émane de la FAO, sur le modèle des analyses de cycle de vie, qui inclut diverses dimensions de l’élevage. Alors que le calcul pour les transports, qui émane du GIEC ne prend en compte que les émissions de GES des véhicules en circulation. Par la méthode d’analyse de cycle de vie, cette valeur serait beaucoup plus élevée.

Objectif neutralité carbone en 2050

Tous les scénarios de neutralité carbone en 2050 pour la France prévoient une réduction de la consommation de viande.  Réduire la consommation de viande répond également aux objectifs de santé publique : la viande, tout particulièrement la viande rouge ou transformée, entraînant des effets négatifs sur la santé, lorsqu'elle est consommée en grande quantité. Selon les données de FranceAgriMer, l’administration publique chargée du suivi des marchés agricoles, la consommation totale de viande en France a augmenté sur le long terme, passant de 3,8 millions à 5,8 millions de tonnes équivalent carcasse entre 1970 et 2022. Pourtant, quand les Français sont interrogés sur leurs pratiques alimentaires, près de la moitié disent avoir réduit leur consommation de viande, et environ un quart d’entre eux se disent même « flexitariens », c’est-à-dire qu’ils diminuent leur consommation de viande. Depuis 2013, la consommation individuelle de viande a même augmenté de 3 %.
Grâce au graphique ci-dessous, on peut voir que les Français consomment plus de porcs et de volailles mais moins de bovins.


Si un tel écart de perception apparaît, cela serait dû à la consommation cachée de viande en France : les habitants achètent moins de pièces de boucherie et davantage de produits transformés et de plats préparés. On peut alors se demander si l’évolution de la consommation de viande suffira à atteindre les objectifs de neutralité carbone. Un enjeu qui sera abordé dès le 3 octobre, lors du Sommet de l’élevage de Clermont-Ferrand.

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