A partir du 4 octobre, le Sommet de l’élevage va se tenir, près de Clermont-Ferrand. Pour l’association de défense des animaux L214, l’évènement occulte les réalités de l’élevage intensif. Le dialogue entre cette association et les organisateurs de l’événement est-il possible ?
C’est un événement attendu par de nombreux professionnels. Du 4 au 7 octobre, la Grande Halle d’Auvergne de Cournon-d’Auvergne, près de Clermont-Ferrand accueille le Sommet de l’élevage. Durant 3 jours, 1 550 exposants et 2 000 animaux sont réunis. Mais pour l’association de protection animale L214, l’heure n’est pas à la fête. Dès samedi 1er octobre, place de Jaude à Clermont-Ferrand, des membres de l’association organisent une action pour mettre en garde le public des réalités de l’élevage intensif. Samantha Ruat, coréférente de l’antenne locale L214 Auvergne, explique cette action : « Notre happening va avoir pour objectif de dénoncer les souffrances qui sont infligées aux animaux dans les élevages intensifs. Puisque ce sommet se présente comme une vitrine de l’agriculture du futur, nous voulons montrer que loin de cette image idyllique, il y a de la souffrance pour la majorité des animaux : 80 % des animaux élevés en France sont enfermés dans des élevages intensifs ».
Le problème des importations
Jacques Chazalet, président du Sommet de l’élevage, conteste ces accusations : « Ils ont leur point de vue. On a le nôtre. On est en démocratie. C’est bien qu’ils manifestent à Clermont-Ferrand : on préfère qu’ils le fassent le samedi qu’au Sommet de l’élevage car c’est toujours très conflictuel. On leur avait proposé de discuter, mais ils ne sont pas dans la discussion, ils sont dans l’agression permanente en disant que les éleveurs sont des assassins. Le problème est qu’ils ne font pas la différence entre différentes formes d’élevage. Nous sommes un salon qui incarne la vitrine de l’élevage à l’herbe, le pastoralisme. L214 réfute toute forme d’élevage. Pour eux, s’il y a de l’élevage qu’on appelle de manière plus intensive, c’est aussi parce que ça correspond à une catégorie de population et à son pouvoir d’achat. Je suis aussi éleveur. Sur mon exploitation, j’élève du poulet. En France, on importe 50 % de ce qu’on consomme comme poulet. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’efforts à faire sur le bien-être animal mais à force de mettre un certain nombres de diktats, on ne produit plus en France ce dont on a besoin ».
La question de la souffrance animale
Samantha Ruat dénonce les conditions d’élevage et la souffrance animale : « Toutes nos enquêtes à L214 ne cessent de dévoiler les souffrances que subissent les animaux. Il est difficile de parler de bien-être quand on voit des animaux qui sont victimes de mutilations, comme c’est le cas chez les cochons, où l’on castre les porcelets à vif, où on leur coupe la queue et les dents. Il est difficile aussi de parler de bien-être animal quand on se rend compte de tous ces animaux qui sont fermés en cage, en bâtiment. Notre enquête parue en août montre des images de lapins qui sont élevés dans des conditions terribles. Il est difficile de parler de bien-être animal lorsqu’on élève des animaux en élevage intensif ». Le président du Sommet de l’élevage réfute ces accusations : « Ce qu’ils appellent élevage intensif n’est pas forcément le fait de souffrance animale. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu des excès dans l’élevage intensif. Mais il y a aussi un problème de compétitivité. On ne produit pas les poulets que l’on consomme en France. C’est bien d’avoir des concepts et de ne vouloir produire que du haut de gamme, mais la réalité fait que la consommation est là. Je pense que L214 devrait discuter avec nous pour voir ce que les éleveurs ont fait comme améliorations de pratiques. Le problème est qu’ils refusent la discussion ».
Lors du Sommet de l'élevage, une conférence sur le bien-être animal est programmée le 5 octobre.
L'urgence climatique
Pour la représentante de L214, le changement climatique doit impulser une profonde mutation : « Lorsque l’on prend conscience de l’urgence climatique, de l’urgence éthique, de l’urgence environnementale, il semble nécessaire d’envisager une transition agricole et alimentaire. Il y a une lutte contre le changement climatique qui devient une priorité dans notre pays et de manière internationale. Elle va nécessairement passer par une réduction de la production et de la consommation de viande. C’est le GIEC lui-même qui le préconise dans son dernier rapport du mois d’avril ». Jacques Chazalet complète ce point de vue : « Cette réduction va se faire toute seule. Ce qui se passe actuellement pour l’énergie est déjà le cas pour l’autonomie alimentaire. Compte tenu de la situation des éleveurs, il y a une décapitalisation et un abandon de l’élevage de manière conséquente ».
"Nous souhaitons la fin de l’élevage intensif"
Samantha Ruat, L214
Pour Samantha Ruat, il y a urgence à informer : « Il y a eu un sondage YouGov en 2018 qui montrait que 90 % des Français sont contre l’élevage intensif. On voit qu’il y a une véritable prise de conscience. Malheureusement, peu de Français savent que les produits animaux qu’ils consomment sont majoritairement issus de l’élevage intensif. Notre objectif est d’informer la population ». Elle poursuit : « Nous souhaitons la fin de l’élevage intensif. Samedi, nous proposerons aux passants de signer une pétition qui demande un moratoire sur ce type d’élevage. On voit que cela devient une question sérieuse puisqu’il y a une initiative populaire suisse qui demande la fin de l’élevage intensif dans ce pays. La Suisse et les Pays-Bas envisagent très clairement de sortir de l’élevage industriel car ce n’est plus tenable, si on veut préserver notre planète et si on veut avoir un rapport plus éthique aux animaux ».
"C’est de la manipulation"
Selon le président du Sommet de l’élevage, les méthodes de L214 sont peu louables : « Leurs images ne sont pas de la communication. C’est de la manipulation. On sait que ça existe. On ne montre pas quand L214 vient saccager les élevages, violer la propriété privée. Oui, il y a eu des dérapages, des choses à améliorer, dans tous les secteurs d’activité. L’agriculture a évolué. C’est une caricature de continuer à montrer des poulets déchiquetés et des cadavres. On nous fait croire que c’est tout l’élevage qui est comme ça. Je veux bien discuter mais avec des gens avec qui on peut discuter ». Chacun semble donc camper sur ses positions. La coréférente de L214 insiste : « Le dialogue est évidemment possible puisque c’est en essayant de dialoguer que l’on pourra avancer. Nous sommes ouverts à la discussion. Il est nécessaire d’entamer des dialogues afin de voir émerger une meilleure agriculture, plus saine et plus respectueuse de l’environnement. Le monde agricole a bien conscience de tous ces problèmes. On sait que les agriculteurs sont sujets au suicide, c’est une profession très difficile. On voit que des agriculteurs, des salariés d’abattoirs ne supportent plus les conditions dans lesquelles ils vivent ». Jacques Chazalet rétorque : « Je veux bien dialoguer. Le dialogue n’est pas de faire des invectives le jour du Sommet de l’élevage. Cela se fait en amont. Notre porte est ouverte. Le traité de tolérance de Voltaire s’applique ».
Selon un site gouvernemental, produit par le Commissariat général au développement durable, l’agriculture est le deuxième poste d’émissions de gaz à effet de serre de la France (19 % du total national et 85 millions de tonnes équivalent CO2 émis en 2019), derrière les transports qui représentent 31 % du total.