Touchés par la crise et la chute des prix, les éleveurs français accueillent volontiers le ministre truc de l'Agriculture et sa délégation au Sommet de l'élevage, jeudi 4 octobre 2018. Le pays est un bon client : chaque année, il achète pour un milliard d'euros de bétail dans l'Hexagone.
Ce jeudi 4 octobre, un visiteur peu commun en costume-cravatte a parcouru une exploitation de Romagnat (Puy-de-Dôme). En visite en Auvergne à l'occasion du Sommet de l'élevage qui se tient dans la grande halle de Cournon du 3 au 5 octobre, le ministre de l'Agriculture s'est permis un détour dans la campagne dans l'après-midi.
Le matin même, Bekir Pakdemirli a visité les allées du salon et s'est intéressé à la préservation d'une grande variété de races rustiques françaises et aux innovations technologiques. Il s'est félicité de l'autorisation donnée par la France de réimporter les cerises turques.
La Turquie, invitée d'honneur et bon client de l'élevage français
Peinant à croire que la loi alimentation votée mardi 2 octobre va leur permettre de gagner leur vie correctement en vendant leurs animaux à la grande distribution en France, les éleveurs de races à viande, largement représentés au Sommet de l'élevage, misent plutôt sur l'exportation.Après l'Iran l'an passé, ils ont mis la Turquie à l'honneur cette année. "Le potentiel d'achat est très élevé, au total entre 500.000 et 700.000 animaux sont achetés par la Turquie chaque année", dit à l'AFP Kerim Subasi de Business France, conseiller spécialisé dans le marché turc.
En premier lieu, les Turcs font leurs achats en Uruguay et au Brésil, ainsi qu'en Hongrie et en République Tchèque dans l'ex-Europe de l'Est. Le pays achète trois quarts de bovins d'engraissement ou d'abattage et un quart de reproducteurs, pour assurer la postérité de ses troupeaux.
Formellement, la Turquie a rouvert en novembre dernier son marché aux exportations de bovins vifs français, après avoir mis en place un embargo en septembre 2015 à la suite de la découverte du sérotype 8 du virus de la fièvre catarrhale ovine (FCO) ou maladie de la langue bleue.
Cependant, les conditions sanitaires demandées par les autorités turques pour exporter sont restées très strictes.
60 jours de quarantaine
Entre autres exigences, la Turquie demandait notamment des moustiquaires dans les étables pour protéger les animaux des insectes vecteurs de la maladie, une condition impossible à mettre en oeuvre dans les grandes prairies d'élevage du Massif Central, où les bêtes vivent à l'air libre.Les importateurs turcs préféreraient aussi une quarantaine sanitaire qui soit "étendue à soixante jours" avant d'accueillir les animaux, afin de lutter contre la propagation des épidémies, indique une source proche du dossier.
La FCO est une maladie virale, transmise par des moucherons (culicoïdes) aux ruminants domestiques (ovins, bovins, caprins) et sauvages. Deux sérotypes du virus (le numéro 8 et, tout récemment, le numéro 4) sévissent en France continentale.
Cette maladie est strictement animale et n'a aucune incidence sur la sécurité sanitaire des denrées (viande, lait, etc.) Difficile d'accès pendant de longues années, le marché turc des bovins s'était fermé après la reconnaissance par la France du génocide arménien en décembre 2011. Il avait brièvement rouvert en 2015.
Et de janvier à septembre 2015, la France avait expédié 70.000 animaux en Turquie et les éleveurs français espéraient alors pouvoir exporter dans ce pays jusqu'à 200.000 bovins (vifs) annuellement. Mais entre l'épidémie et les restrictions sanitaires, la part de marché de la France l'an passé n'a pas excédé les 3% du total des bovins importés par la Turquie, estime le spécialiste du marché. Et ce malgré le bon rendement et la croissance rapide des races à viande françaises.
"Nous apprécions la qualité des produits, la santé des animaux et leur performance", explique un responsable de Saray Hali, importateur de bovins à la tête de deux ateliers d'engraissement de 10.000 bovins chacun en Turquie, interrogé par le journal du Sommet de l'élevage.
La délégation turque au Sommet comporte entre 120 et 150 personnes, éleveurs, abatteurs, présidents de coopératives. Mais au pays des maquignons et de la diplomatie de la viande, rien n'est jamais gagné. "Les éleveurs turcs aimeraient que les prix qu'on leur propose ne soient pas trois fois supérieurs à ceux payés par les importateurs italiens", souffle une source proche du dossier qui requiert l'anonymat.