C'est un drôle d’été qu’a passé Anthony, un habitant du Puy-de-Dôme. Mordu au mollet par un insecte, il a vu sa peau se nécroser, a eu des vertiges et a ressenti une grande fatigue. Il pense alors avoir été piqué par une araignée violoniste.
Anthony Limet a passé de drôles de vacances cet été. Âgé de 37 ans, il vit à Chanonat dans le Puy-de-Dôme. Ce gestionnaire de contrats de travail au service RH d’Enedis à Clermont-Ferrand raconte sa mésaventure : “Fin juillet, je me suis rendu compte au travail que j’avais été mordu au mollet. Cela a commencé par un petit bouton, qui a ensuite fait une auréole toute rouge autour. Puis, ça s’est diffusé jusqu’à la cheville. Je n’arrivais presque plus à marcher. J’avais très mal. J’avais des vertiges et je ressentais une grosse fatigue”.
"Aucun médecin ne savait ce que j’avais"
Dès le lendemain, Anthony est d’abord allé à la pharmacie où on lui a donné une crème à base de cortisone. Puis il est allé consulter son médecin aux Martres-de-Veyre : sa remplaçante lui a prescrit une crème antibiotique. Sans effet. “Cela continuait à noircir et mes collègues de travail m’ont dit que ce n’était vraiment pas beau à voir et qu’il fallait que je fasse quelque chose” explique-t-il. Le trentenaire est allé aux urgences du Pôle santé République de Clermont-Ferrand. On lui a prescrit de l’amoxicilline, un antibiotique, pendant une semaine. Anthony est alors retourné chez son médecin, qui a incisé la plaie et qui lui a enlevé de la peau nécrosée. Il l’a remis sous antibiotiques. Les douleurs ont fini par passer mais Anthony a fait une réaction à l’antibiotique. “Aucun médecin ne savait ce que j’avais”, insiste-t-il.
Des internes qui évoquent entre eux l'hypothèse de l'araignée violoniste
Le patient est alors pris en charge le 27 août aux urgences du CHU Gabriel-Montpied de Clermont-Ferrand. Il subit un curetage sans anesthésie, après un mois d’errance médicale. Anthony poursuit : “J’ai eu des prises de sang. Personne n’arrivait à me dire ce que j’avais. C’est une collègue de travail qui m’a parlé de l’araignée violoniste. Je présentais les mêmes symptômes et j’avais ce type de morsure avec la nécrose. J’ai entendu les internes qui s’interrogeaient au sujet de ce type d’araignée”. Le patient se trouve démuni : “J’ai vraiment eu peur des séquelles quand la peau nécrosait. Cela s’étendait jusqu’à la cheville. Pendant quelques jours, j’avais des vertiges. Personne ne trouvait. Je me sentais seul”.
Aujourd’hui, Anthony n’a plus de vertiges mais il est très fatigué. Il n’a pas pu se baigner ni s’exposer au soleil cet été. Ce sportif aguerri a beaucoup dormi : “Mes amis ne me reconnaissaient pas. J’avais une grande fatigue. J’ai eu peur quand j’ai vu qu’il y avait eu deux morts en Italie à cause de cette araignée violoniste”.
"En général, l’araignée violoniste ne peut pas mordre"
Contactés, les médecins du CHU de Clermont-Ferrand se montrent très prudents et “ne peuvent pas confirmer l’hypothèse de la morsure par une araignée violoniste. Il pourrait s’agir d’une morsure d’insecte qui s’est infectée”.
Christine Rollard est enseignante-chercheuse et biologiste aranéologue au Muséum national d’histoire naturelle. C’est une spécialiste des araignées. On dénombre une centaine d’espèces d’araignées violonistes dans le monde. Elles ont sur la partie avant du corps, le céphalothorax, une sorte de dessin qui ressemble à un violon. La spécialiste indique : “C’est une très petite araignée avec de petits crochets qui ne peuvent mordre que dans des endroits où la peau est assez fine. En général, l’araignée violoniste ne peut pas mordre”.
Du venin qui peut faire de petites nécroses
La nécrose est souvent associée à ce type d’araignée car quand elle peut avoir mordu et quand elle injecte du venin, elle peut assez régulièrement faire de petites nécroses qui en général ne s’infectent pas. Il peut y avoir des effets sous cutanés mais c’est très rare, selon l’experte. Elle est formelle : “On n’a jamais vu l’araignée mordre. Je suis très sceptique face à ces cas qui sont sortis cette année. En général, je dis que cela ne peut pas être possible”. Christine Rollard insiste : “Je pense qu’il y a une nécrose mais on n’en connaît pas la cause. On impute cela aux araignées mais ce sont des animaux mal connus. Souvent les nécroses sont provoquées par des streptocoques et des staphylocoques : ce sont des bactéries et en aucun cas il n’y a du venin”. Pour expliquer la blessure d’Anthony, l’experte se veut très prudente et émet plusieurs hypothèses : “une égratignure ou une piqûre par une épine de plante, une morsure de tique, une piqûre d'insecte qui s'est infectée avec des bactéries comme staphylocoque, streptocoque”.
Une psychose née cet été
Il y a bien une espèce d’araignée violoniste présente en France, dans le pourtour méditerranéen. C’est la Loxosceles rufescens. On la trouve aussi en Afrique et en Amérique. Cet été, la presse a rapporté le cas de deux Italiens qui auraient trouvé la mort suite à une morsure d’araignée violoniste. Mais Christine Rollard est très prudente : “Il y a une psychose par rapport à cette araignée. Les deux cas évoqués en Italie avec deux morts à la clé, ne sont pas vrais. On ne meurt pas d’une morsure d’araignée violoniste. On peut éventuellement mourir d’une nécrose surinfectée qui a été mal soignée”.
L'araignée est minuscule, fait des toiles irrégulières en réseau, plutôt proches du sol. Elle vit là-dedans et chasse depuis cette toile. On ne la rencontre pratiquement jamais si on ne met pas la main dessus. L’araignée est discrète et vit cachée. “Les mâles sont un peu plus errants. Ces araignées peuvent vivre dans des caves. Il leur faut des endroits abrités. Si on ne les dérange pas, elles ne nous attaquent pas” souligne l’aranéologue. Ces araignées sont plutôt actives la nuit. Elles peuvent se cacher dans les vêtements.
Des morsures de défense
Christine Rollard conclut : “L’araignée mord ses proies avec ses crochets et peut injecter du venin. Elle peut mordre un humain s’il a agressé l’araignée. Ce n’est jamais elle qui vient attaquer l’humain. Elle ne sait même pas ce que nous sommes. Si elle mord, ce sont uniquement des morsures de défense. La majorité des morsures sont sèches, c’est-à-dire sans injecter de venin. On ne se fait pratiquement jamais mordre par des araignées”.
L’araignée a donc bien mauvaise réputation. Afin d’en savoir plus, vous pouvez lire “50 idées fausses sur les araignées”, un livre de Christine Rollard, paru aux éditions Quae.