Pour Nelly et sa fille de 9 ans Norah, le quotidien est réglé comme du papier à musique : la petite fille souffre d’épilepsie. Depuis presque 7 ans, la vie de la famille tourne autour de la maladie, entre encéphalogrammes et protocoles de soins, en attendant avec espoir la rémission.
« Quand j’ai mon orage dans la tête, je ne sens rien ». Avec ses mots de petite fille de 9 ans, Norah, épileptique, décrit sa maladie parfois méconnue. Pourtant, dans le monde, environ 50 millions de personnes en sont atteintes, ce qui en fait l’une des affections neurologiques les plus fréquentes selon l’OMS. A Besse, dans le Puy-de-Dôme, Norah aura 10 ans au mois de mars. Elle vit avec cette maladie depuis bientôt 7 ans. Pour sa maman Nelly, la nouvelle a été dure à encaisser : « Son épilepsie s’est déclarée en 2015. Je l’ai appris de but en blanc à l’hôpital, aux urgences. On m’a dit « C’est de l’épilepsie ». J’ai mis deux ou trois jours à encaisser ». La maman avait alors remarqué que sa petite fille de 3 ans manifestait d’étranges absences depuis quelques jours : « Chez elle, c’était un tremblement de la lèvre. Elle ne perdait pas connaissance, elle était simplement à l’arrêt pendant quelques secondes et elle revenait à elle. Il y avait également une hyper salivation. Au bout de deux ou trois jours, je suis allée consulter mon médecin généraliste qui m’a dit qu’il faudrait faire des examens supplémentaires. Je suis allée à l’hôpital à Clermont-Ferrand. »
"J’avais du mal à l’accepter"
De février jusqu’à fin mai 2015, mère et fille attendent le diagnostic puis le traitement. Nelly raconte : « On a été dans l’attente, dans le flou total. J’avais du mal à l’accepter, du mal à mettre tout ça en place. Puis, on apprend à vivre avec. » Les crises de Norah ont ensuite continué de se manifester pendant plusieurs années : « Les crises surviennent s’il y a une grosse contrariété. Quelque chose qu’il la perturbe beaucoup peut être une occasion à faire des crises. Il faut qu’elle ait un rythme de vie assez stable, qu’elle soit couchée à la même heure… Un quotidien assez répétitif. Il faut limiter les écrans, tout ce qui est ordinateur, téléphone, télévision ». Ce qui n’est pas au goût de Norah, s’amuse Nelly : « Elle hoche la tête à côté de moi parce qu’elle n’est pas d’accord ! » La petite fille confie : « Ca m’embête, et j’en ai un peu marre aussi de me coucher tôt. J’aimerais bien pouvoir avoir des soirées plus longues. »
"Il y a toujours cette image un peu mystique de la personne possédée qui se roule par terre et qui perd connaissance. "
Nelly, maman d'une enfant épileptique
Norah est atteinte d’épilepsie infantile, une forme d’épilepsie focale simple, qui touche une partie du cerveau. « Elle n’a pas de souci particulier à l’école. On est en milieu rural, c’est une petite classe à trois niveaux. La maîtresse est très disponible, elle est au fait de tout ça, elle est très à l’écoute. On a des conditions d’accueil et de prise en charge qui sont vraiment fabuleuses. » Norah bénéficie d’un PAI (Protocole d’Accueil Individualisé) qui exige une grande attention, explique Nelly : « Il y a un protocole en cas de crise. Les enseignants sont informés. Il y a toujours cette image un peu mystique de la personne possédée qui se roule par terre et qui perd connaissance. En réalité, il y a tellement de forme d’épilepsie, de gestes, de mimiques selon la personne et selon l’épilepsie. Chez Norah, ça peut passer inaperçue si on n’a pas les yeux dessus. »
"Je suis très vigilante pour tout, tout le temps"
Le quotidien de la famille est régi par la maladie : « Il y a un traitement deux fois par jour avec un dosage taille-poids. Si on est de sortie et qu’on a le malheur de se coucher à minuit au lieu de 21h30, le lendemain, on peut être sûres qu’il y aura une crise ». En cas de crise, Nelly doit agir vite : « Il y a un traitement. S’il y a quinze minutes d’absence totale, ce qu’ils appellent une « crise grand-mal », il faut agir, appeler le Samu pour savoir si on donne le traitement ou pas. Je touche du bois, ça ne nous est jamais arrivé. Sinon, on attend que ça passe ». Pour éviter ces situations extrêmes, Nelly doit tout prévoir et organiser : « Pour moi, c’est très stressant, je dois faire en sorte que tout se passe bien tout le temps. Je ne vis que pour ça, j’ai envie de penser à autre chose. Je n’ai pas mis ma vie entre parenthèses mais presque. Je suis très vigilante pour tout, tout le temps. Les sorties, il n’y en a plus ou alors il faut être couché à 21h30 maximum. » Norah corrige : « Quand il y a un anniversaire, je me couche à 22 heures ! » Les vacances aussi doivent être réglées comme du papier à musique : « Il faut limiter les activités à sensation, le stress… » Mais Norah supporte bien son traitement et ces contraintes. « Je souhaite à tout le monde d’avoir une enfant comme Norah ! Elle s’adapte à tout. Le traitement, l’encéphalogramme tous les 6 mois… C’est vrai qu’elle est cool. Depuis qu’elle est petite, elle a toujours été très disponible, très coopérante », se félicite Nelly.
Surveiller au quotidien
Norah raconte les encéphalogrammes qu’elle subit deux fois par an, son examen « de la pieuvre » : « Il y a des fils et ils mettent une pâte sur les fils et ensuite ils les mettent sur ma tête. Il y en a beaucoup et je ressemble à une pieuvre. Ce n’est pas trop long, ça dure une heure ». Et Norah a un objectif précis qui fait beaucoup rire la mère et la fille : « On appelle ça les montagnes de Super-Besse. Il ne faut pas que ça fasse les montagnes de Super-Besse, pour que ce soit bien il faut que ça fasse la plaine de Plauzat. S’il y a des montagnes, des pics, ça veut dire que l’activité électrique est intense et il ne faut pas, pour que le foyer épileptique soit stable. Il faut que les lignes soient assez plates. Au début, c’était les montagnes de Super-Besse mais maintenant ça va mieux. » Norah se félicite : « Je suis plutôt Plauzat maintenant ! »
Un protocole de rémission
Même si les crises de Norah ne sont pas aussi visibles que pour d’autres formes d’épilepsie, elles ne doivent pas être prises à la légère : « C’est important qu’il y ait un suivi, c’est important d’être à l’écoute, d’être attentif, de surveiller… C’est une prise en charge au quotidien. Il y a un protocole de rémission avec un sevrage du traitement. S’il n’y a pas de crises pendant tant de temps, on peut s’estimer en rémission. On vit avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête si on s’écarte du droit chemin. » Pourtant, Norah et Nelly ont des raisons d’avoir de l’espoir : « On est sur la bonne voie. Le protocole pour Norah, mis en place par la neuropédiatre selon les crises, c’est 5 ans sans crise et 2 ans de sevrage du traitement pour s’estimer en rémission. Là, ça fait 4 ans fin janvier qu’on n’a pas eu de crise et 2 ans au mois d’avril qu’on a sevré le traitement. J’ai envie d’y croire », indique Nelly. Un suivi annuel pourrait alors être mis en place, mais la maladie plane toujours : « Je ne veux pas trop en parler à Norah mais j’espère que quand elle aura 18 ans ça ne va pas se développer et s’agrandir ou évoluer vers le négatif, ce qui est possible. On vit un peu au jour le jour. »
Faire évoluer les mentalités
Le tabou qui peut parfois entourer cette maladie pèse également sur la maman : « L’épilepsie, on n’en parle pas. On a peur du jugement, on a peur d’être stigmatisé comme fou ou folle. C’est encore hyper tabou. J’ai pu me rendre compte que les gens ont peur de venir, peur d’échanger, de poser des questions. Entre les premières crises et le diagnostic ou le traitement, il peut se passer un an. C’est très compliqué. » Pour trouver écoute et conseils, Nelly s’investit dans la vie associative à Epilepsie France, qui lui a permis de rencontrer d’autres parents comme elle et de se sentir moins seule et démunie : « Je me suis rendue compte que je n’étais pas toute seule dans la galère. Il y a pire, il y a mieux que moi. C’est important d’oser en parler et que les mentalités évoluent. Il faut avoir des adhérents pour être reconnus, avoir un plan santé et avoir des investissements conséquents pour la recherche et la prise en charge. »
Dès que le son dépasse le bruit d’un aspirateur, c’est panique à bord.
Nelly
Si Norah va mieux, certaines activités lui sont toujours proscrites, au grand dam de la petite fille : « Je peux aller au cinéma mais un jour je suis allée au Zénith et c’était vraiment trop fort, ça me faisait trembler. On a dû partir. » Nelly doit restreindre certaines activités pour le bien être de sa fille : « Elle adorerait aller voir des films en 3D ou faire des manèges à sensation, ce n’est pas possible. » L’épilepsie de Norah a provoqué chez elle une hypersensibilité au bruit : « Dès que le son dépasse le bruit d’un aspirateur, c’est panique à bord. On passe l’aspirateur avec un casque. C’est son cadeau de Noël, elle a eu un joli casque antibruit. On essaye de faire en sorte qu’elle ait une vie normale. Après, j’en parle ouvertement. Quand elle est invitée à dormir chez des copains, j’explique que ce sera possible plus tard », raconte Nelly. « Quand j’aurais 12 ans », ajoute Norah. Prochain défi pour la petite fille : partir 3 jours à Toulouse en voyage scolaire, une grande première.