Témoignages. "Ça me fout le cafard" : à l'approche des fêtes de Noël, la frustration des bénéficiaires des Restos du Cœur

Publié le Écrit par manale makhchoun

À Noël, l’esprit de fête semble bien loin pour de nombreuses familles en difficulté. Aux Restos du Cœur de Clermont-Ferrand, des bénéficiaires ont accepté de témoigner sur cette période, marquée par la frustration, l'isolement et la lutte pour maintenir un semblant de fête malgré les difficultés.

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“Ça me fout le cafard”, lâche Claire, en parlant de Noël. Cette fête, censée être un moment de joie, se transforme pour cette bénéficiaire des Restos du Cœur en une période de grande frustration. Dans l’un des centres de distribution de Clermont-Ferrand, les guirlandes brillent, un sapin trône à l’entrée mais la magie de Noël semble bien lointaine. Malgré la chaleur humaine des bénévoles, l'atmosphère est froide, lourde, loin de l’effervescence des fêtes.

"Noël n'est pas pour nous"

Les yeux brillants de nostalgie, la retraitée se livre sur les raisons de son aversion envers cette période de fête : "Quand mes enfants étaient petits, on était tous réunis, on fêtait ça ensemble. Ce n’étaient pas les cadeaux qui comptaient, mais l’ambiance, les rires. Mais aujourd’hui, quand on n’a pas d’argent, on nous fait comprendre que Noël n’est pas pour nous. On ne peut plus offrir de cadeaux, on ne peut plus faire un repas de fête. C’est comme si Noël était réservé à ceux qui ont de l’argent, aux riches”. Claire n’est pas la seule à souffrir de l’isolement durant la période des fêtes. Selon l'association, un bénéficiaire des Restos du Cœur sur deux vit seul. Beaucoup sont isolées, sans famille proche pour les soutenir pendant les fêtes.

C’est le cas d’Alfred. Bonnet, floqué du logo de l’équipe de France, sur la tête, le quadragénaire fait une pause, en regardant autour de lui. Il se confie, en touillant son café : “Je suis séparé de ma femme. Elle vit avec mes enfants à Grenoble. Noël, c’est encore plus dur cette année. Je ne peux pas les voir”, confie-t-il, le regard perdu dans le vide. La séparation d’avec ses enfants, combinée à la précarité, rend cette période de Noël encore plus difficile à vivre pour lui. Il avoue partager le même sentiment d'inégalité que Claire : “Si j’avais les moyens, j’aurais pris un billet de train, mais là, je suis condamné à survivre”.

"Je vais me contenter d'un petit repas de fête"

Les bénéficiaires arrivent doucement, un à un, chacun emmitouflé dans des manteaux épais, tentant de se réchauffer dans l’attente de leur distribution. Dans la longue queue, Paul, un autre bénéficiaire, s’avance lentement pour récupérer sa boîte de haricots. “Cette année, je vais me contenter d’un petit repas de fête, dit-il en souriant. Pas de foie gras, ni d’huîtres, c’est trop cher. Mais je vais essayer de passer un bon moment, malgré tout. Noël, ce n’est pas les festins, c’est d’être ensemble”. 

Autour de lui, l’ambiance reste lourde. Le bruit des sacs plastiques et des papiers froissés se mêle aux murmures des bénévoles qui s'affairent. Léonide secoue son sac pour faire de la place aux quelques denrées qui rempliront son frigo. Cette fervente chrétienne, pour qui Noël compte plus que tout, s’inquiète pour ses trois garçons : “Ils ont 5, 6 et 7 ans. Noël approche, mais je ne peux pas leur offrir de cadeaux. Heureusement que les Restos du Coeur sont là, ils vont avoir quelque chose, mais je crains que ça ne suffise pas pour éviter les moqueries à l’école. Quand les autres enfants ont des baskets de marque, est-ce qu’un jouet suffira pour qu’ils ne se sentent pas exclus ?”

Opération "paquets cadeaux" 

Chaque année, les Restos du Coeur distribuent des jouets pour les enfants de bénéficiaires. Anna, mère célibataire de trois enfants, se souvient du Noël précédent dans les locaux de l’association : “L’année dernière, les Restos du Coeur m’avaient donné des jouets pour mes enfants. Il y avait un jeu de société et des peluches. Ce n’était pas grand-chose, mais ça leur a fait plaisir. Ça m’avait tellement touchée. C’est un petit geste, mais quand on n’a rien, ça fait une énorme différence. Même si je n’avais pas d’argent pour un grand repas, au moins, il y avait des cadeaux sous le sapin”

Et l'opération continue cette année. L'association organise,, en ce moment, une collecte de jouets, appelée “Paquets cadeaux”. Les bénévoles collectent des jouets donnés par les clients dans divers magasins partenaires. Puis, ils s’affairent à les emballer soigneusement, pour que chaque cadeau ait l’air aussi beau que possible. Les gens peuvent aussi choisir de faire emballer leurs propres cadeaux et de participer en offrant une petite somme en échange de l’emballage. Pour Bruno Riche, président départemental des Restos du Coeur, cette opération est essentielle, non seulement pour offrir un cadeau de Noël aux enfants, mais aussi pour permettre à l'association, créée par Coluche en 1985, de continuer à fonctionner. “L’accent est particulièrement mis sur la petite enfance cette année. Pourquoi ? Car on sait qu’il faut parfois plusieurs générations pour sortir de la précarité. L’objectif est que ces enfants grandissent et, un jour, reviennent aux Restos du Coeur, mais cette fois, en tant que bénévoles, non plus bénéficiaires. C’est ainsi qu’on espère rompre le cercle de la pauvreté, en offrant à ces familles un peu d’espoir et un lien avec la communauté”.

À l'étage, les bénévoles s’activent pour préparer la distribution de jouets qui aura lieu dans quelques jours. Au milieu d’une centaine de jouets, Maryse est absorbée par son travail. “On est en pleine préparation des cadeaux. J’emballe pour qu’ils soient présentables, pour que les enfants reçoivent quelque chose de joli”, dit-elle tout en coupant un bout de scotch. La pièce est un joyeux désordre, avec des poupées, des voitures, des peluches et des jeux de société qui occupent chaque coin, comme si tout avait été déposé là, à la hâte. “Les gens ont été généreux cette année, mais on donne toujours du standard. On aimerait offrir plus”, confie-t-elle. 

Cette année, ce sont 1500 enfants du Puy-de-Dôme qui verront un cadeau au pied du sapin grâce aux Restos du Coeur. 

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