Au CHU de Clermont-Ferrand, c’est un cas exceptionnel qui a été pris en charge en 2023. Non seulement la future maman présentait une double grossesse intra et extra utérine, mais les deux embryons avaient près de 3 semaines d’écart.
Ses deux premières grossesses s’étaient déroulées de manière parfaitement normale, et pourtant cette maman a eu une double surprise lors de sa troisième grossesse. L’échographie réalisée durant sa première consultation montre qu’elle est enceinte de deux embryons, dont un qui se développe en dehors de l’utérus. De plus, ils ont environ 3 semaines d’écart. Sandrine Campagne-Loiseau, gynécologue au sein du service de gynécologie au CHU de Clermont-Ferrand, a pris en charge ce cas atypique : "C'est une grossesse exceptionnelle. Cette jeune femme de 34 ans en est à sa troisième grossesse physiologique, obtenue de façon complètement spontanée. Quand elle a eu son échographie pour dater cette grossesse, il a été diagnostiqué qu'il y avait en fait deux grossesses. Pour simplifier, l’une au bon endroit et qui se déroule bien, et une autre qui n’est pas au bon endroit. Il s’agit d’une grossesse hétérotopique, c'est-à-dire que les deux embryons ne sont pas au même endroit. ” La patiente n'avait pas eu recours à la procréation médicalement assistée, qui induit davantage de grossesses hétérotopiques qu'une grossesse spontanée.
Deux grossesses, de site et d’âge différents
Le docteur Campagne-Loiseau explique : “La première raison pour laquelle cette grossesse est exceptionnelle est qu’une d’entre elles se situe dans le cul de sac de Douglas. Il s’agit de la cavité péritonéale qui est en arrière de l'utérus, dans le pelvis. Le deuxième fait extraordinaire, c'est que ces deux grossesses n’ont pas le même âge : l’une est à peu près à 5,5 semaines et l'autre à environ 8 semaines. Il y a donc environ 2,5 semaines d'écart entre les deux, la plus avancée étant celle qui est dans le douglas. Les grossesses extra utérines, pour à peu près 90% d’entre elles, se trouvent dans les trompes. De temps en temps, il y a des localisations beaucoup plus atypiques que ce soit dans l'ovaire ou dans le péritoine. Au niveau du cul de sac de Douglas, c'est rarissime".
Une grossesse potentiellement dangereuse
Pourtant, la future maman ne ressent aucune douleur et n’a repéré aucun signe avant-coureur de cette anomalie. Pour protéger la mère, la grossesse extra-utérine ne peut être poursuivie : “Une grossesse hétérotopique est dangereuse pour la maman, on ne peut pas la laisser se développer. La grossesse extra-utérine a donc été arrêtée. Le but était aussi que la grossesse intra-utérine puisse évoluer et se développer normalement. Afin d’être le moins agressif possible pour la maman et l’embryon en situation intra-utérine, on a procédé à un arrêt de la grossesse extra-utérine par voie vaginale, par injection de chlorure de potassium lors d’une procédure échoguidée. Ce geste chirurgical s'est très bien passé, il a été complété par une aspiration du liquide amniotique afin de “momifier” cette grossesse du Douglas. Cette procédure n'est ni très longue ni très invasive. Pour l’embryon dans l’utérus, il n'y a pas de passage de produit, il n’y a donc aucune conséquence pour lui”, rassure le docteur Campagne-Loiseau.
Une "superfétation"
Ce qui rend cette grossesse encore plus atypique, c’est le temps écoulé entre leurs débuts respectifs : "En théorie, quand vous êtes enceinte, hormonalement, le corps stoppe l'ovulation. C’est l’une des choses qui est assez extraordinaire chez cette patiente, c'est qu'il y a malgré tout eu une deuxième ovulation. Ça s'appelle une superfétation. C'est rarissime. Dans le cas de cette jeune femme, il est possible que la première grossesse, la plus ancienne, celle située dans le Douglas, se soit moins “exprimée”, ce qui expliquerait qu’une seconde ovulation ait eu lieu et qu’elle ait été fécondée”, explique la gynécologue.
La grossesse menée à terme
Malheureusement, le parcours médical de la patiente ne s’est pas arrêté là, explique le docteur Campagne-Loiseau : “Je l'ai réopérée 15 jours après l'arrêt de la grossesse extra-utérine. Elle a présenté une complication atypique qui s'appelle un syndrome de masse pelvien, correspondant à un syndrome inflammatoire responsable de douleurs abdominales. J’ai été amenée à réaliser une coelioscopie pour “nettoyer” la grossesse qui avait été arrêtée auparavant. Ce geste a été facilité du fait que cette grossesse n’était plus active. Ce même geste aurait été nettement plus dangereux s’il avait été réalisé d’emblée avec un risque de saignement difficilement contrôlable." La grossesse s’est ensuite poursuivie sans encombre et, en décembre, cette maman à l’histoire extraordinaire a donné naissance à une petite fille en pleine santé.