Témoignage. Endométriose : « Ce n’est plus un combat, c’est une guerre », pour Marine qui se bat pour avoir un 2e enfant

Publié le Écrit par Catherine Lopes

Depuis son adolescence, Marine, 32 ans, qui vit dans le Puy-de-Dôme, souffre d’endométriose. Une maladie qui toucherait 1 femme sur 10 en âge de procréer. Avoir un enfant est souvent un parcours du combattant, comme nous le raconte cette jeune femme.

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Marine, une infirmière de 32 ans, vit près d’Issoire dans le Puy-de-Dôme. Elle fait partie des 1,5 à 2,5 millions de femmes victimes d’endométriose en France. Une maladie extrêmement douloureuse. Le Pr Charles Chapron écrit dans "Les idées reçues sur l’endométriose": « L’endométriose, maladie longtemps ignorée, parfois très difficile à vivre au quotidien, se définit comme la présence en dehors de la cavité utérine de tissu semblable à l’endomètre qui subira, lors de chacun des cycles menstruels ultérieurs, l’influence des modifications hormonales. L’endométriose est ainsi responsable de douleurs pelviennes invalidantes et aussi d’infertilité ».

Des douleurs à l'adolescence

Pour Marine, les premières douleurs ont commencé quand elle était adolescente. Elle se souvient : « J’avais une quinzaine d’années quand sont apparus les premiers symptômes. C’était peu de temps après le début de mes règles. J’ai commencé à avoir mal au ventre. J’avais des règles douloureuses. A 16-17 ans, j’ai eu très mal et mon père m’a placée dans la voiture, en peignoir, pour aller chez le docteur. Le médecin traitant a alors parlé de grossesse extra-utérine et je lui ai dit que c’était impossible car j’avais mes règles. J’en ai parlé avec ma gynécologue et je lui ai dit que j’avais un mauvais pressentiment. Je lui ai demandé s’il ne serait pas difficile d’avoir des enfants, vu que j’avais tout le temps mal au ventre, et elle m’a répondu qu’on ne ferait rien avant que je veuille avoir des enfants et que les mauvais pressentiments ne voulaient rien dire ».

Le médecin me dit que c’est dans ma tête

Pour Marine, ses mauvais pressentiments pour avoir un enfant s’avèrent justes. Elle va alors vivre un calvaire : « J’ai rencontré mon mari jeune, j’avais 18 ans. Un médecin m’a alors mis sous pilule. N’ayant plus de règles, je n’avais plus de douleurs car les lésions internes ne saignaient plus. Se pose un peu plus tard la question d’avoir un enfant. En 2011, à l’âge de 23 ans, je suis examinée mais on ne me trouve rien. Le médecin me dit que c’est dans ma tête. Mais les douleurs sont toujours là. En 2013, je me marie. J’arrête alors la pilule en décembre. Les douleurs sont présentes mais le bébé ne vient pas. Au bout d’un an on consulte. On me demande si j’ai des problèmes particuliers et je dis qu’on n’a rien vu à l’examen. On part alors du principe que c'est plus mon mari qui a un problème. On débute la FIV  (Fécondation in vitro. NDLR) très sereinement. On vous vend du rêve un peu comme dans Grey's anatomy. Ayant entendu par bruits de couloir, que les ponctions d'ovocytes se font sous anesthesie locale au CHU, on s'oriente vers une clinique privée pour ne plus avoir à souffrir à cette endroit-là. Malheureusement, je fais une réaction d'hyperstimulation, on doit tout arrêter en catastrophe ».

Un enfant à tout prix

Malgré tout, la jeune femme veut à tout prix avoir un enfant. Bientôt, le diagnostic va enfin tomber. Marine raconte : « « Deux mois après, on décide de retenter une stimulation mais il y a beaucoup de kystes sur mes ovaires : on commence à parler d'endométriose. On me renvoie alors vers le CHU Estaing. J’ai alors 26 ans. Mi -septembre, je dis au médecin que je ressens des douleurs au niveau de l’épaule droite en plus des douleurs pelviennes à chaque période de règles. Depuis avril 2014, mes douleurs durent à peu près 3 semaines sur 4. J’ai un ventre de femme enceinte tellement il est gonflé. Au travail, je suis obligée de m’asseoir régulièrement car j'ai mal Je ne vous parle même pas de ma libido et des relations intimes. J’ai tout le temps mal quelque part. Je suis épuisée et irritable pour un rien. J’ai même fait un malaise dû aux douleurs. Le médecin me parle d’endométriose sur le diaphragme mais il pense que c’est très rare. On fait une IRM et on voit que j’ai de l’endométriose partout : sur la vessie, le rectum, le diaphragme, l’intestin, les ovaires, l’utérus. Pour les médecins, je suis à un stade 4. On programme alors une intervention. Je suis opérée en novembre 2015. La chirurgie dure 6 heures et elle est très lourde. Je mets pas mal de mois à m’en remettre  ».

On attaque par une mise en ménopause. Là c’est l’enfer

Le parcours du combattant continue. Comme 30 à 40% des malades d’endométriose, la jeune femme doit faire face à un problème d’infertilité : « On fait une FIV parce que malgré l’opération, je n’ai pas une assez bonne mobilité pour tomber enceinte naturellement. Début mars 2016, on attaque par une mise en ménopause. Là c’est l’enfer. Je suis irritable, j’ai des bouffées de chaleur, j’ai mal dans les os. C’est très compliqué à vivre. On me fait ensuite une ponction d’ovocytes début mai 2016, L’implantation connaît un premier échec. Ca tombe le week-end de la fête des mères. On ne se rend pas compte, mais la fête des mères quand vous n’arrivez pas à faire de bébé, c’est l’enfer. Je me fais réimplanter une deuxième fois le 14 juillet. Je donne naissance à Louise, grande prématurée, le 16 février 2017 ».

On entend souvent que la grossesse guérit l’endométriose. C’est faux, on l'endort

Deux ans après la naissance de sa fille, Marine songe à une deuxième grossesse : « Après j’ai continué à être suivie. Les douleurs étaient encore là mais plus faibles grâce à la chirurgie. En février 2019, on réessaie une nouvelle implantation. Ca marche du premier coup. Mais j’ai perdu le bébé à un peu moins de 2 mois de grossesse. On ne s'attend pas à ce qu'en FIV, il y ait aussi des fausses couches. On n’était pas préparé à ça. C’est une grosse douche froide. On essaie les autres embryons mais aucun ne tient. Le COVID passe par là et décale la 3ème FIV à août 2020. Un embryon s'accroche mais une complication rarissime se produit à 3 mois de grossesse : une adhérence entre l'ovaire gauche et l'utérus se rompt et entraîne une hémorragie interne massive. Le bébé ne survit pas. Cette complication est lié à l'endométriose : quand vous car quand vous êtes opéré, vous créez une sorte de toile d’araignée qui fait que vos organes se collent entre eux. Cette maladie a plein d’effets secondaires auxquels on ne pense pas. On entend souvent que la grossesse guérit l’endométriose. C’est faux, on l'endort ».

On appelle l’endométriose le cancer bénin

Marine, infirmière en cancérologie, établit un parallèle entre sa souffrance et celles de victimes de cancers : « On appelle l’endométriose le cancer bénin. Je vois des patientes en cancérologie qui ont des effets secondaires de la radiothérapie sur le long terme, alors qu'elles sont en rémission. Elles ont été brûlées et vont garder des traces de brûlure. Certaines gardent des douleurs neuropathiques très invalidantes. Elles garderont toujours cette image d’elles qui ont eu un cancer. Elles ne sont plus malades mais la maladie se rappelle à elles. L’endométriose c’est pareil ».

Soigner les douleurs neuropathiques

Aujourd’hui, Marine a l’espoir de donner un petit frère ou une petite sœur à Louise. Elle confie : « C’est un vrai combat. J’ai l’espoir d’avoir un deuxième enfant. Je me battrai pour avoir mes enfants. C’est une lutte de tout le temps. Je suis entourée d’un mari exceptionnel qui ne lâche pas non plus. Mais c’est compliqué ». La jeune femme est prise en charge pour sa maladie et multiplie les méthodes pour soulager ses douleurs : « Actuellement, je n’ai pas de signes de la maladie. Lors de ma deuxième fausse couche, j’ai été prise en charge à l’hôpital d’Issoire et j’ai rencontré des spécialistes de la douleur. Ils m’ont expliqué que toute douleur chronique engendre une mémoire qui fait qu’à chaque douleur, mon cerveau pense que c’est l’endométriose mais en fait ce sont des douleurs neuropathiques. Car mes nerfs ont été abîmés. Il y a tout un travail à faire avec des médecines douces, de l’électrostimulation pour réparer les nerfs et faire en sorte de ne plus bouffer de cachets, pour avoir une vie presque normale. Il y a aussi l’ostéopathie ». Elle ajoute : « Je ne sais pas pourquoi on a mis autant de temps à diagnostiquer ma maladie. Je ne suis pas en colère Je pense que c’est assez tabou. La maladie est récente et il y a un manque de formation. Quand j’ai été opérée en 2015, le médecin m’a avoué être passé à côté en 2011. J'ai trouvé cela très humble de sa part et appaisant. C'est un excellent chirurgien, il m'a sauvé la vie, mon couple et m'a permis de devenir mère ».

La peur de transmettre la maladie à sa fille

Quand elle a appris sa grossesse, l’infirmière s'est posé la question de l’hérédité de la maladie : « Quand je suis tombée enceinte et qu’on m’a dit que j’allais avoir une fille, une de mes craintes a été de savoir si je lui laisserai cette maladie. A l’heure actuelle, les médecins pensent que non. Ca reste une maladie polyfactorielle, avec l’environnement, des notions de traumatisme dans l’enfance, des notions peut-être de génétique. Il y a encore pas mal d’inconnues qui font qu’il faut être très humble face à la maladie et aux médecins ».

Vous arrivez à vous vous détester vous-même

Ses problèmes d’infertilité la hantent. Marine confie : « On entend beaucoup dans les médias que c’est un parcours du combattant pour avoir un enfant. Mais on se dit qu’on n’est pas pareil, qu’on est fort. Mais on fait comme tout le monde. On sombre. Ce n’est plus un combat, c’est une guerre. Les gens ne se rendent pas compte quand ils nous disent qu’il faut arrêter de penser à avoir un bébé. Ca reste toujours dans un coin de notre tête, c’est le projet de notre vie. C'est une maladie de couple. La prise en charge psychologique est importante car on se sent coupablede ne pas y arriver. On se met à détester les femmes enceintes autour de nous. On n’arrive plus à être heureux pour une amie qui vous annonce qu’elle est enceinte car ça nous rappelle qu’on n’y arrive pas. Vous arrivez à vous détester vous-même ». Actuellement l’endométriose de la jeune femme est stabilisée. Mais son hémorragie massive a laissé des traces. Marine conclut : "Je souhaite qu'un jour, tout ce combat soit derrière nous, et qu'avoir de l'endométriose se soignera aussi bien qu'un rhume. Pour que plus aucun couple ne vive un tel parcours". 

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