A l’occasion de l’opération "Préserve ta Montagne", France 3 Auvergne-Rhône-Alpes s’interroge sur l’avenir des massifs. Dans le Sancy, qui domine le département du Puy-de-Dôme, on scrute chaque année les hauteurs de neige et l’évolution du climat. Face au réchauffement climatique, la gestion des paysages et du matériel en stations est en pleine mutation.
Du 22 au 29 novembre, dans le cadre de l’opération Préserve ta montagne, France 3 Auvergne-Rhône-Alpes met en avant tous les acteurs qui agissent au quotidien pour sauvegarder l’environnement de nos massifs (Alpes, Jura et Massif central).
Dans le Puy-de-Dôme, les stations de sports d’hiver du Mont Dore, de Superbesse et de Chastreix ont appris à composer avec une neige plus rare d’année en année. Mais au lieu de laisser filer le temps, on a décidé de réagir. Commençons avec le constat : si l’on écoute les récits des anciens, il y avait plus de neige dans les années 60 et 70 qu’aujourd’hui. Effectivement en scrutant les données climatologiques de Météo France dans le Puy-de-Dôme, on a perdu 10 jours de neige au sol en 40 ans. Et cette tendance se vérifie sur l’ensemble du massif en Auvergne. "Entre 1970 et 1990, on a vu une légère chute du nombre de jours de gel" précise David Marchal de Météo France à Aulnat. "En 1970, on était aux environ de 70 jours de gel par an et aujourd’hui, on est en dessous de 60. Et si on continue sur le scénario le plus pessimiste, on descendrait jusqu’à 20 en 2100".
Pour Jean-Michel Falgoux, le directeur de l’Ecole du Ski Français de Superbesse, qui a toujours vécu dans le Sancy, enneigement et réchauffement ne sont pas forcément liés : "Le réchauffement oui il existe" dit-il "mais l’an dernier quand on voit l’hiver qu’on a eu avec la neige qu’il y a eu, ça veut dire que ça peut toujours neiger. Donc je pense que peut-être cet hiver il y aura peut-être moins mais peut-être autant. Mais il y aura de la neige l’an prochain".
Un propos nuancé par Pierre Chauvet, qui a créé le musée du ski dans la station, il est une des mémoires locales de la montagne : "On voudrait la neige et le soleil le jour des vacances scolaires, ça arrangerait bien tout le monde au niveau de l’économie mais on a vu une année neiger tous les mois de l’année dans la même année, et ce n’est pas très vieux".
Le déclin et le renouveau du Chambon-des-Neiges
A une quinzaine de kilomètres plus au nord, au Chambon-des-Neiges, il y avait entre 1970 et les années 2000, 9 remontées mécaniques et 16 pistes de ski. Mais faute de neige, la station a renoncé aux sports d’hiver : "L’usine à neige a été transformée en écolodge, l’ancien bar a été transformé en auberge, le village-vacances a été rénové et transformé en résidences de tourisme de haut standing. Et maintenant Chambon-des-Neiges va devenir une station nature" explique Sylvain Crégut, Délégué au SIVOM de Chambon-des-Neiges. "C’est-à-dire naturellement prise en main par des pratiquants de toutes sortes : des skieurs de randonnée, des pratiquants d’escalade, de raquettes à neige, des randonneurs. Tout cela se fait naturellement sur un terrain qui s’y prête".
Un environnement à préserver
Sur les pistes de ski, une dameuse consomme 20 litres de gasoil à l’heure, c’est la principale source de pollution en station de ski. Pour remplacer le moteur thermique, on a bien pensé à l’électrique, mais ce n’est pas assez puissant. La solution pourrait venir de l’hydrogène. Le premier prototype a été présenté en 2021 et sera testé cet hiver.
Les enneigeurs artificiels aussi évoluent, leur technologie s’améliore sans cesse. A Superbesse on a investi dans 6 enneigeurs équipés de pompes à chaleur, ils aident à chauffer les bâtiments de la station. Ces enneigeurs sont aussi moins gourmands en électricité : il y a 10 ans, il fallait un compresseur pour alimenter 7 canons à neige, un seul suffit désormais pour 60 canons.
Redonner sa place à la nature
On part à présent 30 kilomètres plus au sud dans les monts du Cézallier, à Anzat-le-Luguet, toujours dans le Puy-de-Dôme mais à la frontière avec la Haute-Loire. Sur les pentes de cet ancien volcan coule beaucoup d’eau. Avant l’été 2021, ce qui n’était pas pompé pour fournir de l’eau potable dévalait plus bas en suivant les fossés ou des canalisations en béton pour rejoindre au plus vite un affluent de la rivière Alagnon. Mais ce que l'homme a fait, l'homme a su le défaire pour rendre la vie à des petits ruisseaux qui irriguent cette quinzaine d'hectares d'estives, comme avant.
"Ça va permettre aux zones humides de retrouver leurs fonctionnalités" raconte Emilie Dupuy du Conservatoire d'espaces naturels d'Auvergne. "C’est-à-dire qu’elles vont être en capacité de mieux stocker naturellement l’eau dans le sol. Et comme l’eau va prendre son temps pour parcourir le sol, ça va avoir des impacts sur sa qualité. L’ensemble des végétations associées vont pouvoir jouer un rôle épuratoire, le système racinaire va pouvoir capter un ensemble de nutriments, phosphore, azote, et ça va contribuer à améliorer la qualité de l’eau".
L’agriculteur qui exploite le terrain occupé en été par ses vaches laitières ne semble pas inquiet, quand la végétation aura repoussé l’an prochain, il ne devrait pas perdre de surface utilisable.
Plus à l’est, de l’autre côté de la faille de Limagne, sur les contreforts du Massif du Forez une nouvelle gestion forestière respectueuse des équilibres naturels et forestiers est appliquée depuis 2 ans par le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez. Ces forêts exploitées par l'homme, entre 1 200 et 1 300 mètres d'altitude, sont là depuis au moins 4 000 ans. Une estimation du PNR qui ausculte régulièrement les arbres anciens, essentiellement des sapins blancs. "La naturalité est importante parce qu’elle va permettre de conserver certains organismes végétaux, animaux ou des bactéries nécessaires à la bonne santé du sol" explique Jean-Claude Corbel, chargé de mission "Espèces et activités de pleine nature" au PNR Livradois-Forez. "L’intérêt du bois mort par rapport à la fertilité du sol, par rapport à la rétention d’eau dans le sol, c’est des choses qui sont de plus en plus connues" complète Morgane Malard, chargée de mission "Forêt-Filière Bois" au Parc. "Ce que l’on connait un petit peu moins c’est le rôle de ces gros bois qui vont permettre l’installation de prédateurs à des insectes pathogènes comme le scolyte ou qui vont permettre d’avoir des semenciers qui vont aussi participer à la régénération de la forêt".
Dans ces bois, peu de coupes rases. Le massif ancien est géré en futaie irrégulière. "Tous les 7 à 10 ans, on vient récolter à peu près 15 à 20 % du volume ou du couvert forestier. En récoltant ces arbres-là, à chaque fois on fait des petites places qui vont être occupées par la régénération".
Préserver la forêt, dans cette zone de moyenne montagne, c'est agir pour protéger plus de 900 emplois directs, une quarantaine de scieries et une centaine d'entreprises de travaux forestiers.