Puy-de-Dôme : comment le pâté en croûte a retrouvé ses lettres de noblesse

Depuis quelques années, le pâté en croûte semble avoir conquis de nombreux Français. Certains chefs auvergnats en ont fabriqué pendant le confinement. Pour le plus grand bonheur des gastronomes. Une idée pour composer votre menu de fêtes.

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Trop lourd, trop riche, ringard, le pâté en croûte n’a pas toujours eu bonne réputation. Depuis quelques années, cette spécialité du patrimoine culinaire français revient à la mode. Pendant le confinement, de nombreux chefs se sont amusés à créer des pâtés originaux, de véritables pièces d’orfèvrerie. Adrien Descouls, chef étoilé du restaurant Origines au Broc, près d’Issoire dans le Puy-de-Dôme, a succombé à la mode : « C’est un plat que j’ai fait quand j’étais apprenti et que je maîtrisais. On l’a refait parce qu’on fait des boîtes de Noël pour la mairie pour les anciens. On nous a demandé des charcuteries transportables et on a pensé au pâté en croûte qui est une belle charcuterie. Elle est idéale pour les fêtes : on y a mis des ris de veau, du canard sauvage, de la pintade et du foie gras ». Ce produit est reconnu dans le monde entier, comme le prouve cette photo d'un Australien.
 

L'impact des championnats du monde

Pascal Pillon est charcutier depuis 20 ans à la boucherie Gauthier de Clermont-Ferrand. Il explique : « Il est à la mode parce que maintenant il y a les championnats du monde de pâté en croûte. Il y a des photos. Il y a 10-20 ans le pâté en croûte était un peu désuet, et là ça revient en force». En effet, les championnats du monde créés en 2009 ont contribué au retour en grâce de cette spécialité. Adrien Descouls souligne : « J’ai un de mes gars qui est champion de France de pâté en croûte junior. Pourquoi ne pas tenter un jour les championnats du monde ? Le pâté en croûte semble facile à faire, c’est juste une pâte, des abats, du foie gras mais en fait c’est beaucoup plus complexe que cela. Cela prend énormément de temps à faire et finalement c’est un retour au patrimoine culinaire français. Il s’agit d’un savoir-faire unique. Les gens ont envie de retrouver des valeurs réconfortantes. Le pâté en croûte date du Moyen-Age et c’est vraiment une richesse de notre savoir-faire ».

4 jours de préparation

Un savoir-faire qui n’est pas à la portée de tout le monde : « On met 4 jours pour faire un pâté en croûte. Il faut réaliser la pâte : chacun a son tour de main, certains vont la faire pure beurre ou à la graisse de canard ou au saindoux. Dans tous les cas, il faudra la laisser reposer. Il faudra beurrer les moules, les façonner. Après, il faut s’occuper des farces à l’intérieur. Dans la plupart des cas, il y a une marinade avec de l’alcool, Cognac, Armagnac, Porto, qui va durer en moyenne 24 heures. Le hachage, le désossage des viandes et des volailles prennent facilement une dizaine d’heures. Avant même de le cuire on se retrouve avec un gros travail préliminaire, d’au moins deux jours » raconte Adrien Descouls.

Une préparation longue

Emmanuel Noguera, chef du restaurant Mouffu à Clermont-Ferrand qui a ouvert en juillet dernier, s’y est mis lui aussi :  « Je viens d’une famille de boulangers et je me suis mis à en proposer. J’ai commencé à essayer, je me suis amélioré et maintenant je propose un pâté en croûte un peu plus technique. Cela se fait sur plusieurs jours. La première étape est d’organiser la mêlée, la farce qu’on va mettre dans le pâté en croûte. On va prendre des morceaux de viande qu’on va mettre au sel, les faire mariner 24 heures, dans du sel, du poivre et de l’alcool. Une fois que c’est fait, on va hacher la viande et monter le pâté. On va le cuire. On va le laisser refroidir une nuit. On va couler la gelée et relaisser une nuit au frais. A la découpe, le pâté en croûte se tient ».

Un produit festif

« J’y mets du perdreau, du faisan, des ris de veau ou du foie gras. On peut aussi y mettre des morilles. On ne fait plus une farce fine comme avant et on la fait plutôt comme une chair à saucisse, avec des beaux morceaux. Si on a le temps, on peut y mettre des rouleaux de foie gras, des filets de canard. C’est vraiment un produit de fête. On en vend presque toute l’année, sauf l’été. J’aime bien en faire car il y a différentes farces, différents montages » confie Pascal Pillon, charcutier. Le pâté en croûte permet aux cuisiniers d’exprimer leur créativité, comme le souligne Adrien Descouls : « On peut faire le décor qu’on veut dessus, certains mettent un chapeau. On peut aussi le faire en gouttière, c’est-à-dire sans chapeau. C’est aussi là que le côté artistique du chef ressort, on est libre de le décorer comme on le souhaite, avec les motifs du restaurant, des fleurs de lys, des tressages, des pâtes de couleur ».
 

Avec des légumes ou en dessert

Le jeune chef poursuit : « On peut en faire aux légumes et en dessert si l’on veut. On pourrait faire une tarte tatin à l’intérieur, cuire des pommes avec du caramel et monter un pâté en croûte façon tatin ! ». Emmanuel Noguera est beaucoup plus sceptique sur le pâté en dessert. Il précise : « On a déjà testé le pâté en croûte végétarien. On cuit les légumes au thermoplongeur. On le monte comme un pâté en croûte classique. Comme il n’y a pas de gras, on ne rajoute que très peu de gelée, voire pas du tout. C’est très sympa ». Le restaurant En/Vie à Clermont-Ferrand a récemment relevé le défi du pâté en croûte végétarien.
 

Plus de farce fine

« On aime bien faire un mélange de morceaux et de mêlée avec du cochon et du foie de volailles. On met de la gorge et de l’épaule de cochon. Pour les morceaux, ça dépend. On utilise souvent des magrets de canard du Domaine de Limagne. On en fait des plus chics avec des cœurs de foie gras, et de temps en temps, j’aime bien mettre des morceaux de noix de veau » indique le chef de Mouffu. Le charcutier clermontois affirme quant à lui : « J’y mets du perdreau, du faisan, des ris de veau ou du foie gras. On peut aussi y mettre des morilles. On ne fait plus une farce fine comme avant et on la fait plutôt comme une chair à saucisse, avec des beaux morceaux. Si on a le temps, on peut y mettre des rouleaux de foie gras, des filets de canard. C’est vraiment un produit de fête. On en vend presque toute l’année, sauf l’été. J’aime bien en faire car il y a différentes farces, différents montages ».

Un produit réhabilité

Ainsi, le pâté croûte semble réhabilité. Adrien Descouls enchaîne : « Je ne sais pas s’il retrouve ses lettres de noblesse, mais je pense qu’il est redécouvert par la population française. Les gens en ont marre de manger du pâté en croûte de mauvaise qualité, sous vide. Quand ils regoûtent un vrai pâté, le bouche à oreille se fait tout de suite. Ils reviennent vers des artisans qui font des produits de grande qualité ». Emmanuel Noguera confirme : « On commence à connaître des charcutiers comme on connaît les chefs cuisiniers. Je pense à Fabien Pairon, qui est un chef charcutier qui exerce en Suisse. Il est très actif sur Instagram et pendant le confinement il a partagé des recettes simples et accessibles. Quand on était petit, on allait chez la grand-mère ou chez la grand-tante, qui nous proposaient des produits tripiers. Là ça revient. Ce sont les saveurs de l’enfance et ça intéresse la nouvelle génération de consommateurs ».
 

Quelques conseils

Et si vous voulez vous lancer dans la confection de votre propre pâté, nos chefs vous livrent quelques conseils. Pour le cuisinier de Mouffu : « Il faut avoir un bon moule à pâté en croûte. Au début au restaurant on faisait ça dans des moules à terrine et ce n’est pas droit, ça ne se démoule pas bien et ça se casse facilement. C’est aussi un travail minutieux. Il faut prendre son temps pour se faire plaisir ». Selon le chef d’Origines, « Avoir un peu de temps et incorporer que des produits de qualité à l’intérieur seraient mes deux conseils ». Le temps semble donc constituer la clef d’un pâté en croûte réussi. Vous pourrez ainsi épater vos convives et lancer le débat éternel « pâté-croûte » ou « pâté en croûte »…

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