Et si le fonctionnement des stations de ski était perturbé mardi 31 janvier ? Les deux principaux syndicats de salariés des remontées mécaniques appellent à la mobilisation, en partie contre la réforme des retraites. On vous explique les raisons de leur colère.
C’est une mobilisation plutôt rare. Les deux principaux syndicats de salariés des remontées mécaniques, FO et la CGT, ont déposé des préavis de grève pour le mardi 31 janvier, afin de protester notamment contre le projet de réforme des retraites. Pierre Scholl, est saisonnier à Courchevel (Savoie) et représentant national de la CGT pour les remontées mécaniques.
Mardi 31 janvier, il y aura des mouvements de grève dans les stations
Pierre Scholl, représentant national de la CGT pour les remontées mécaniques
Il explique que le mouvement a déjà commencé il y a quelques jours : « Notre préavis de grève est déposé depuis le 19 janvier. On a déposé des préavis locaux dans toutes les grosses stations : ce sont des préavis reconductibles. Dans nos branches, s’il n’y a pas un préavis local qui couvre les salariés, déposé 5 jours avant la grève, nous ne sommes pas couverts par le droit de grève. D’une certaine manière, le préavis de grève est illimité. Mardi 31 janvier, il y aura des mouvements de grève dans les stations ». Il indique que le fonctionnement des stations de ski pourrait être perturbé le mardi 31 janvier : « Il y a eu beaucoup de monde en grève le 19 janvier : des centaines de salariés. On appelle à ce qu’il y en ait plus, notamment pour le mardi 31 janvier. Si dans une station, il y a suffisamment de monde pour dire qu’ils ne reprennent pas le travail le lendemain, ils pourront le faire, grâce à nos préavis. Jeudi 19 janvier, il y a eu des secteurs qui ont dû fermer car ils ne pouvaient pas tourner. A Courchevel, une cinquantaine de salariés ont fait grève. C’était la même chose aux Arcs. On appelle à ce qu’il y ait un maximum de grévistes. A partir d’un seuil critique, la station ne peut plus fonctionner ».
Une grève pour l'ensemble des saisonniers
Il se félicite de la mobilisation du jeudi 19 janvier : « Cela fait très longtemps qu’on n’avait pas vu des centaines de saisonniers dans la rue, à Albertville, jeudi 19 janvier. D’habitude, sur des mouvements interprofessionnels, on a difficilement une dizaine de grévistes. Là, il y avait entre 200 et 300 saisonniers des remontées mécaniques. On sait aussi que l’on représente l’ensemble des saisonniers parce qu’il n’y a que nous qui pouvons faire grève. Dans la restauration, les saisonniers sont virés à partir du moment où ils font une journée de grève. On fait aussi grève pour être leur voix ». Pierre Scholl précise les raisons de la grève : « On s’est joints au mouvement car on refuse ce projet de réforme des retraites. On se bat aussi depuis des années contre la réforme de l’assurance-chômage, qui a touché très durement les saisonniers. Il y a des dizaines de milliers de saisonniers qui ont été tout bonnement exclus du chômage et de nombreux autres se sont retrouvés avec une baisse de 300 ou 400 euros d’indemnités par mois. En effet, les saisonniers travaillent comme leur nom l’indique lors des saisons, et avant, entre leurs saisons, ils touchaient un chômage qui représentait une partie relativement importante de leur salaire. Là, avec la réforme, c’est une catastrophe, surtout pour les couples de saisonniers et les femmes isolées. De plus, avant il fallait 4 mois de travail pour s’inscrire à Pôle Emploi et maintenant, il en faut 6. En général les saisons ne font pas 6 mois ». Selon une étude d'impact de l'Unédic, ce passage à six mois devait conduire, au cours de la première année d'application, à retarder l'ouverture de droits à 475 000 personnes, notamment des jeunes ou des saisonniers qui multiplient les contrats courts.
Des carrières hachées
Pierre Scholl est opposé au projet de réforme des retraites : « Quand on parle de minimum retraite, on parle de carrières complètes. Ce n’est pas le cas pour des carrières hachées. Les saisonniers connaissent souvent des moments où ils n’ont pas d’emploi. La plupart des saisonniers devront travailler jusqu’à 67 ans ».
Cyrille Traccard est délégué syndical FO des salariés des remontées mécaniques du Mont-Dore : il est aussi saisonnier. Il rappelle : « Pour le mardi 31 janvier, le préavis est illimité. On va manifester ce jour-là et s’il y a d’autres manifestations on sera là. Le mouvement est reconductible ». Cyrille Traccard explique les raisons de sa colère : « En tant que saisonniers, on se sent très concernés par la réforme des retraites. Nous avons des emplois précaires. On n’est jamais à l’abri de la météo. De plus, à cause du changement climatique, on a de moins en moins de travail. Enfin la réforme de l’assurance-chômage nous pénalise vraiment ». Il insiste : « Travailler au minimum jusqu’à 64 ans c’est très difficile. On est tout le temps confrontés au froid, tous les jours. Nous aimerions que la pénibilité de notre travail soit reconnue ».
On ne sera pas en grève tous les jours car on ne veut pas pénaliser l’entreprise pendant les vacances de février
Cyrille Traccard, délégué syndical FO des salariés des remontées mécaniques du Mont-Dore
Cyrille Traccard a 50 ans. Il est saisonnier depuis 23 ans. Il met en avant la pénibilité de son travail : « Je me sens déjà usé. Ici, dans le Sancy, on a un phénomène particulier. On a du givre dans les remontées mécaniques. On l’enlève avec un marteau, dans des conditions difficiles, parfois quand le vent souffle à plus de 100 km/h ». Le délégué syndical FO souhaite que la mobilisation de la profession soit forte : « J’espère que le mouvement sera très suivi dans le Sancy. S’il l’est, cela perturberait pas mal le fonctionnement des remontées mécaniques. On ne sera pas en grève tous les jours car on ne veut pas pénaliser l’entreprise pendant les vacances de février. On suivra le mouvement national ».
Selon l'AFP, à eux deux, les syndicats FO et la CGT ont obtenu près de 98% des voix aux dernières élections sur le secteur des remontées mécaniques qui fait travailler quelque 17 000 saisonniers en France.