Condamné à un an de prison, le plus ancien assigné à résidence de France devant la cour d'appel du Puy-de-Dôme

Ce mercredi 27 janvier, la cour d’appel du Puy-de-Dôme s’est penchée sur le dossier Kamel Daoudi, le plus ancien assigné à résidence de France. Il comparaissait détenu à Riom, pour ne pas avoir respecté les conditions de son assignation à résidence.

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Un an d’emprisonnement pour avoir dépassé, à plusieurs reprises, l’horaire de son couvre-feu : jugeant cette sanction disproportionnée, Kamel Daoudi, le plus ancien assigné à résidence de France, a fait appel de cette décision. L’audience avait lieu mercredi 27 janvier à la cour d’appel du Puy-de-Dôme, à Riom. Pourtant, Kamel Daoudi reconnait avoir dépassé plusieurs fois, entre le 29 juin et le 14 septembre, l’horaire de son couvre-feu de plusieurs minutes. Placé en détention provisoire le 21 septembre, le tribunal correctionnel d'Aurillac le condamne ensuite à un an de prison ferme.

Ce procès en appel, auquel ont assisté des représentants d’Amnesty International, était, pour sa défense, l’occasion de retracer son parcours judiciaire et ses 13 ans d’assignation à résidence depuis son emprisonnement pour « association de malfaiteurs en vue de commettre un attentat terroriste », et son interdiction de séjour sur le territoire français. Bien qu’ayant la double nationalité, il n’a pas été transféré vers l’Algérie en raison du risque de torture encouru. Condamné à 6 ans de prison, il sera ensuite remis en liberté au bout de 3 ans, en raison de son comportement en détention. Il est, depuis, assigné à résidence.

Une condamnation "dispropotionnée"

« J’ai fait appel parce que j’ai estimé que la condamnation était disproportionnée par rapport aux faits reprochés », commence Kamel Daoudi. S’ensuit le plaidoyer de son avocat Me Daoud. « Je ne sais plus comment je dois plaider pour Monsieur Daoudi. Il a été condamné pour avoir dépassé de quelques minutes ses horaires de pointage et de couvre-feu. Un an ferme. Devant cette hystérie sécuritaire qui s’empare de chacun d’entre nous lorsqu’il s’agit de terrorisme, on ne sait plus si on doit plaider la clémence avec virulence ou avec une forme de résignation », plaide la défense. Me Daoud affirme être convaincu que les 3 arrêtés qui servent de support aux poursuites sont illégaux et plaide l’exception d’illégalité. « On reproche à Mr Daoudi de ne pas justifier de ses démarches pour trouver un pays d’accueil sauf que non seulement c’est faux mais ce n’est pas sanctionné pénalement », ajoute Me Daoud, précisant que, depuis son interdiction de séjour sur le territoire, Kamel Daoudi a fait des demandes d’accueil dans 41 pays et s’est vu opposer 40 refus.

"On ne peut pas être assigné à résidence à perpétuité"

Me Daoud revient ensuite sur les conditions de détention de son client : « Il a été placé à l’isolement compte tenu de ses précédentes condamnations. Je ne sais même pas comment cet homme n’est pas devenu dingue, je ne sais pas comment il est encore debout. Cela a des conséquences dramatiques sur son état psychologique. Il a déjà fait une grève de la faim. Treize ans de cette situation, sans perspectives et aujourd’hui il comparait détenu devant votre cour. » Pour la défense, c’est au ministère public de rapporter la preuve que les 3 arrêtés sont licites : « Ces arrêtés sont une peine privative de liberté et font partie des cas de figure prévus par l’article 5-1. De plus, il n’y a aucun élément de nature à prouver que M. Daoudi représente un danger pour la société. On ne peut pas être assigné à résidence à perpétuité », alerte Me Daoud.

Une décision motivée "en droit et en faits"

Débute ensuite la plaidoirie de l’avocat général, qui se dit « profondément choqué par le terme d’hystérie sécuritaire, car les victimes d’attentats sont touchées dans leur chair, touchées par la mort d’un proche quand, malheureusement, une poignée d’individus viennent ébranler la démocratie et le droit de vivre dans la paix. C’est bafouer ce droit de chacun d’entre nous à vivre dans la paix. » Jean-Luc Mercier dénonce une « victimisation » de la situation de M.Daoudi. « On le présente comme une victime de notre société alors que c’est l’interdiction définitive du territoire français qui à ce jour n’est toujours pas exécutée. C’est dans ce cadre que le ministre de l’Intérieur a pris des arrêtés pour l’assignation à résidence. La décision est parfaitement motivée en droit et en faits. Les arrêtés sont parfaitement licites. »

"La décision est circonstanciée au regard de la dangerosité de Kamel Daoudi"

Il s’insurge ensuite de l’idée selon laquelle Kamel Daoudi ne représenterait plus un danger pour la société : « Le parcours de Kamel Daoudi n’est pas celui de quelqu’un qui aurait changé de vie. La décision est circonstanciée au regard de la dangerosité de Kamel Daoudi. Il a manifesté à plusieurs reprises son comportement violent ». Jean-Luc Mercier développe alors des faits dont se serait rendu coupable Kamel Daoudi : en 2007 alors qu’il était en détention, on aurait retrouvé dans l’historique de son ordinateur des recherches sur la fabrication d’explosifs. Le 24 mars 2012, il se serait rendu à la mairie de son lieu de résidence et aurait menacé le personnel de la mairie, en faisant référence à l’attentat perpétré par Mohamed Merah. Le 30 septembre 2016, des consultations de son téléphone et ordinateur auraient confirmé des liens avec les mouvements salafistes. L’avocat général insiste aussi sur le fait que Kamel Daoudi a été autorisé à séjourner au Brésil. « Il y avait une possibilité, il y avait un pays prêt à le recevoir. Il ne veut pas quitter le territoire national. Il s’inscrit en faute avec une décision de justice », martèle Jean-Luc Mercier.

"J’ai l’impression que je dois payer des royalties chaque fois qu’il y a un attentat en France"

C’est ensuite au tour du prévenu de s’exprimer : « Ca fait 13 ans que je suis assigné à résidence et 3 ans que j’ai été éloigné ma femme à cause du harcèlement subi par 2 voisins encartés au Front National. J’ai été assigné dans un hôtel, dans une chambre de 10m², ce n’est pas facile de recevoir ma famille. Ce qui m’a poussé à ne pas respecter les conditions de l’assignation à résidence, c’est que je contestais à Paris la décision d’interdiction du territoire. J’étais dans un état de détresse psychique très important quand j’ai appris que l’interdiction était maintenue, avec en plus mon isolement social, professionnel et familial », plaide Kamel Daoudi, avant de dénoncer ses conditions de détention : « J’ai été placé à l’isolement. Ça fait 4 mois que je suis dans le quartier disciplinaire, enfermé 23 heures sur 24 en cellule avec pour seule activité la promenade. » Pour lui, cette avalanche de sanctions est injuste : « J’ai l’impression que je dois payer des royalties chaque fois qu’il y a un attentat en France et que le ministère de l’Intérieur se sert de moi pour montrer qu’il fait ce qu’il faut. »

Amnesty International demande la levée de l'assignation à résidence

L’avocat général demande confirmation sur la peine : « Quand il y a des obligations, elles sont faites pour être respectées ». La défense demande la relaxe : « Est-ce que 3 ou 4 couvre-feux non respectés méritent 1 an de prison ? J’en appelle à votre humanité pour tenir compte du contexte. » Le jugement a été mis en délibéré le 3 février à 13h30. Dans la salle étaient présents des représentants d’Amnesty International qui dénoncent 13 000 pointages au commissariat ou en gendarmerie, 4 000 couvre-feux et 10 changements de lieu d’assignation à résidence, rendant presque impossible la création d’un lien social, professionnel et familial. « Depuis 13 ans, le ministère public pointe une dangerosité qui n’est prouvée, étayée par aucun fait. C’est pour cela qu’Amnesty International demande à ce que l’assignation à résidence à perpétuité, qui s’apparente vraiment à des traitements cruels et inhumains qui lui sont faits, s’arrête », dénonce Nicolas Kramayer, responsable Libertés à Amnesty Internationale France. Il estime que les privations de liberté se répètent à l’infini et demande la levée immédiate de l’assignation à résidence.

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