"Les gens ont intérêt à se réveiller" : sur ce marché du Puy-de-Dôme, les élections départementales ne font pas recette

Ce lundi 7 juin, comme tous les débuts de semaine, c'est jour de marché à Maringues, un petit village du Puy-de-Dôme. En arpantant les allées de ce lieu de vie, d'étal en étal, on prend la mesure du peu d'intérêt que suscitent, ici, les élections départementales.

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C’est un rendez-vous incontournable dans le département : tous les lundis se tient le marché du Maringues, l’un des plus anciens du Puy-de-Dôme. Certains ont même retrouvé sa trace dans des écrits du XVIe siècle. En ce lundi 7 juin, c’est la météo qui est sur toutes les lèvres. « Tu as vu ce temps pourri pour un mois de juin ? » lance un fromager à un de ses voisins. Son comparse lui répond « Oh oui. A Riom samedi, on a eu froid ».
 

Je n’ai pas du tout écho des élections

Parmi les 80 commerçants présents sur le marché, on trouve André, qui vend des salaisons. Lui aussi parle de la météo avec ses clients. Pour André, les élections départementales qui se tiendront les 20 et 27 juin prochains ne préoccupent pas les clients. Derrière son étal de saucissons et autres pâtés, il explique : « Je n’ai pas du tout écho des élections. Mais c’est important. Le département c’est l’entretien des routes, les écoles, le social. Les gens ont intérêt à se réveiller, sinon après, ils ne peuvent que pleurer et critiquer. C’est à eux de faire bouger les lignes ».

 Il y a un certain tabou. Ils en parlent, mais entre eux

Un peu plus loin, casquette vissée sur la tête, moustache travaillée, Pascal est l’une des figures du marché. Ce vendeur de chapeaux et de casquettes vient à Maringues depuis 30 ans. Basé à Vichy, il sillonne les routes du Puy-de-Dôme et de l’Allier pour être présent sur les marchés et les foires. Il apprécie ce rendez-vous du lundi : « C’est un bon marché. On ne va pas se plaindre. Je fais de belles recettes ». Avec ses clients, il n’aborde pas de sujets politiques : « Il y a un certain tabou. Ils en parlent, mais entre eux. Il est nécessaire que les gens s’expriment par le vote. Certains se sont battus pour ce droit. C’est un manque de respect de ne pas voter ». Pour le premier tour, il n’a pas encore fait son choix mais il affirme qu’il y a « beaucoup de mensonges ».

 Je trouve qu’on parle plus des élections régionales que des départementales

Il ne connaît pas tous les candidats en lice dans son canton et attend pour finaliser le choix de son bulletin. Lui non plus n’a pas arrêté sa décision : Jean-Pierre est horticulteur, basé à Cournon-d’Auvergne. Ce marché de Maringues, il le connaît par cœur car il y vient depuis 20 ans. Couvert par sa casquette ASM et par son masque, son visage ne laisse apparaître que de grands yeux bleus expressifs et quelques cheveux blancs. Il indique : « Je trouve qu’on parle plus des élections régionales que des départementales. C’est dommage car il y une certaine confusion dans l’esprit des gens ». Sur son stand, Françoise, une cliente originaire de Surat, acquiesce. Après avoir essuyé plusieurs refus de clients, cette retraitée accepte, elle, de parler de politique, même si, elle l'avoue, ce n’est pas "son truc". Elle lâche : « De toutes les façons, ce sont tous des menteurs. Même au niveau local. Je ne les crois pas. Mais j’irai voter. Je réfléchis encore pour qui ».
 

La halle aux volailles

En déambulant au milieu des étals, on arrive jusqu’à la halle aux volailles. Ce lieu centenaire, unique en Auvergne, abrite des poules, des canards, des cailles, des pigeons, des lapins. Une légère cacophonie résonne dans les lieux. Les conversations entre les producteurs et les clients sont interrompues par les cocoricos des coqs. La halle a été fermée tout l’hiver en raison de la grippe aviaire. Elle n’a pu rouvrir il y a à peine un mois.


Brigitte, productrice de poules et de lapins nains à Saint-Sylvestre-Pragoulin, est heureuse de venir à nouveau sous la halle. Cigarette électronique allumée, elle confie : « Les clients ne parlent pas du tout des élections. Ils ont autre chose à penser, avec le virus, le vaccin et tout le tralala. Personnellement, je ne vote plus depuis 10 ans. Tout est programmé à l’avance, ça ne sert à rien de se déplacer. Pour moi, la politique c’est une vraie déception. Cela fait longtemps que j’ai tiré un trait dessus ».


Autre productrice de volailles, Isabelle, dont la ferme est à Riom, à quelques kilomètres d'ici, confirme : « Les conversations ne parlent pas des élections, mais encore et toujours du COVID ».

J’ai beau être jeune, je m’intéresse à la politique

Installé à la sortie de la halle aux volailles, Florian, 25 ans est l’un des benjamins du marché. Il tient le stand de charcuterie, le commerce de ses beaux-parents, installés à Laurençon. Il explique : « J’ai beau être jeune, je m’intéresse à la politique. Je vais voter bien sûr ! Même si mon choix n’est pas fait, j’ai bien ma petite idée. Avec mes clients, on discute de tout, surtout du COVID mais j’espère que ça va changer. J’aime échanger avec eux, je n’ai pas besoin de forcer ma nature, je laisse parler le client de ce qu’il veut ».


A quelques mètres de là, David, apiculteur à Vensat, près d’Aigueperse, a pris ses habitudes au marché depuis 2 ans : « Ce marché est un peu en dents-de-scie. L’été, ça marche bien car il y a beaucoup de touristes et de gens de passage pour les vacances. Mais en début d’année, on ressent un vrai creux ». Au milieu des pots de miel, des pains d’épices et autres nougats, il explique : « Les élections, ici, ça n’a pas d’écho. Mais moi, j’irai voter. Même si je ne suis pas toujours d’accord avec eux, les hommes politiques font ce qu’ils peuvent. La place n’est pas facile à tenir. J’ai des idées bien arrêtées sur ceux que je ne voudrais pas voir diriger le pays ».
 

Je suis dégoûté par tout ce qui se passe. Je n’ai pas confiance

En écoutant les propos de l’apiculteur, Gérard, un retraité de Luzillat, marque son désaccord : « Je suis dégoûté par tout ce qui se passe. Je n’ai pas confiance. Les hommes politiques ne racontent que des c.... Je suis déçu depuis une dizaine d’années. Je ne me forcerai pas pour voter ». Un avis que partage Saverio, qui lui aussi a la dent dure. Ce producteur de fromages est originaire de l’Aveyron : « Les politiques, ce sont tous des voleurs et des menteurs. Je n’ai jamais voté et ce n’est pas maintenant  que je changerai d’avis ».

Il y a une vraie désaffection pour la politique

A quelques pas de là, Tania propose un stand de cuisine de spécialités de Roumanie, le pays qu’elle a quitté il y a maintenant 15 ans. « Je ne suis pas naturalisée mais j’aimerais bien voter. La politique, ça m’intéresse. Mais je suis neutre, ce n’est pas voter à droite ou à gauche » avoue-t-elle en riant.


Dans les allées, Christine, habitante de Maringues, regarde les étals avec son mari. Son petit tour hebdomadaire au marché est sacré pour elle. Elle précise : « Le vote est capital car il permet aux gens de s’exprimer. Mais je trouve que beaucoup de gens sont blasés. Il y a une vraie désaffection pour la politique ». Cette désaffection envers la politique, Patrick, en est le témoin. Il vend des vêtements à Maringues et sur les autres marchés du département depuis 35 ans. Derrière son stand bien fourni, il lance sèchement : « Les hommes politiques sont tous les mêmes. Je ne les écoute pas. Je change de chaîne dès qu’il y a en a un qui passe à la télévision. Je ne vote pas ».

Aucune trace de candidat en campagne

Marie, retraitée de Mezel, assiste à l’échange et semble d’accord avec le vendeur de vêtements : « Les élections départementales, je m’en fiche un peu. Il y a de l’intérêt quand il s’agit de l’élection présidentielle. Là, ce n’est que du bla-bla ». Hélène, elle aussi retraitée, venue de Vichy, s’immisce dans la conversation : « Vous avez raison. Je n’ai jamais cru en la politique ». Non loin de la fontaine, qui est le coeur du marché, avec la halle, Diamantino est une autre figure d’un marché où il vend des vêtements depuis 27 ans. Il indique : « Normalement, il y a plein de prospectus et des gens qui tractent tout le temps sur le marché. Cette année, je ne vois rien. Les gens s’en fichent. D’habitude, j’engueule les bénévoles pour qu’ils laissent de la place devant mon stand ».


Lunettes, petit bouc travaillé, mais masque sur le menton, Diamantino continue : « Je trouve qu’il est important de voter. J’ai 2 autres magasins à Thiers et à Courpière. Pendant la crise, le gouvernement m’a aidé. Il faut le dire. Mais les gens ne pensent qu’au COVID et à quelle sauce ils vont être mangés ».
En se promenant dans les allées de ce marché, diffcile de rencontrer des personnes qui se sentent concernées par les élections départementales. A l'approche du 1er tour, les marchands et les clients semblent bien plus préoccupés par la crise sanitaire et par le prix des fruits et légumes.
 

 

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