Expatrié aux USA depuis 28 ans, il fait carrière chez Microsoft et garde l’Auvergne au fond de son coeur

Depuis 1993, Jean Philippe Bagel est expatrié sur la côte ouest des USA. Le frenchie a fait une grande partie de sa carrière au siège de Microsoft. Il n’en oublie pas pour autant ses racines auvergnates.

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Les journées de Jean Philippe Bagel commencent bien tôt. Il est 5 heures à Sammamish, banlieue de Seattle situé dans l’état de Washington, quand il débute son travail. Cet Auvergnat de 52 ans est maintenant expatrié sur la côte ouest des Etats-Unis depuis 1993. Né à Clermont-Ferrand, il a vécu dans le Rhône, puis de 1978 à 1987 il s'est installé à Courpière, près de Thiers, où ses parents étaient instituteurs. Il raconte son parcours assez remarquable : « Après un bac B, je suis parti à Lyon faire un IUT de techniques de commercialisation. Un peu comme Obélix, j’étais tombé dans l’informatique tout petit. A l’université, j’ai retouché à cela. J’ai fait un break d’un an dans mes études. Je suis retourné à Clermont-Ferrand comme maître auxiliaire et j’ai enseigné l’informatique. Puis j’ai repris des études à Lyon dans une école de communication et de marketing. Je faisais de l’informatique jour et nuit. J’ai postulé à un stage à Paris chez Microsoft. J’ai commencé mon stage en mars 1991. J’ai pu le prolonger. La deuxième année de mon école, je travaillais pour Microsoft la journée et je regardais mes cours la nuit. J’ai dû arrêter à cause de mon service militaire. Je suis devenu volontaire formateur informatique dans une Chambre des métiers à Lyon et dans un lycée professionnel à Bourgoin-Jallieu. C’était formidable, j’étais civil, je nourrissais ma passion, je faisais de l’informatique. Pendant cette période militaire, j’ai été contactée par une ancienne collègue partie au siège de Microsoft. Elle m’a présenté une opportunité dans l’équipe Excel. J’ai passé les entretiens et j’ai eu le poste. J’ai eu un coup de chance fabuleux car notre capitaine, à la fin de la formation militaire, nous a dit de nous voir si on avait des offres d’emploi. Je suis allé le voir alors qu’il me restait encore quatre mois à faire. Je lui dois énormément et j’aimerais tellement lui dire merci. Je n’avais pas idée que ça allait changer ma vie. Je suis arrivé en juin 1993 pour deux ans et là, ça fait vingt-huit ans que je suis là ».

Une carrière au siège de Microsoft

L’Auvergnat a fait carrière au siège de Microsoft à Redmond, dans l’état de Washington : « Mon premier job était un post de localisation : on prend le manuel de l’utilisateur dans sa version anglaise et on le transforme en français. Ce n’est pas que de la traduction. Quand je suis arrivé, c’était le paradis. C’est inimaginable. A l’époque en France, la situation économique n’était pas extraordinaire.  Chez Microsoft on était remarquablement mal payé mais c’était fabuleux. Je n’ai aucun regret. Avec mon ex-femme, on a beaucoup voyagé. L’Ouest américain est vraiment unique. Seattle s’est développée de manière incroyablement rapide. Le plus gros changement était culturel, avec la nourriture, les films français. Dans les années 90, on n’avait pas Netflix et le vide était sidéral. C’était une période incroyablement fournie pour nous. Quand je suis arrivé chez Microsoft, il y avait 30 000 salariés et maintenant rien que sur la région, il y a plus de 100 000 personnes. Les années 90 ont été incroyables, jusqu’en mars 2000, avec une décision de justice qui disait que l’entreprise était en position de monopole. Après 2010, la croissance est redevenue explosive ».

Différents postes au sein de la firme

Au sein de la compagnie de Bill Gates, il a su évoluer : « Aux USA les opportunités sont naturelles. On fait quelque chose bien donc on change d’équipe. J’ai fait de la localisation pendant peu de temps. J’avais automatisé mon job, je l’ai fait pour d’autres langues. J’ai bougé sur une équipe qui faisait du développement d’outils pendant six ans. Puis j’étais dans l’équipe d’Office, pour une aide en ligne pour les développeurs. J’ai fait plein de choses à l’intérieur de l’entreprise. Mon dernier poste était celui de directeur de l’ingénierie de l’expérience des contenus, dans l’équipe Windows. Je suis toujours resté au siège ».
 

Un nouveau job et une remise en question

Après vingt-cinq ans de carrière chez Microsoft, il a depuis 2019 intégré une nouvelle entreprise : « Aujourd’hui je suis dans une société de services, Tellus international. Elle fournit des services aux géants de l’informatique, en expérience digitale. On fait de l’intelligence artificielle. On a beaucoup de projets à travers le monde ». Aujourd’hui père de deux enfants nés en 1999 et en 2004, Jean Philippe Bagel est divorcé. Agé de 52 ans, il réfléchit beaucoup à la suite : « Ici on se crève au boulot. Il y a une vraie différence avec la vie en Europe, où on travaille pour vivre, pour faire plein de choses. Ici on vit pour travailler. C’est une machine à laver qui essore. J’aspire à des choses plus lentes, je fais du pain, de la menuiserie, qui m’apportent beaucoup de plaisir. Mes racines sont pleinement auvergnates. Mais ma vie est ici. Mes enfants vivent ici. Les prochaines années seront difficiles car il y aura beaucoup de décisions à prendre. Je ne crois pas avoir envie de rentrer en France. J’aimerais bien passer trois à quatre mois par an en France. Mais je ne me vois pas être loin de mes amis. Ma carrière est derrière moi. Il faut s’inventer une nouvelle vie ».
 

 J’ai eu une chance fabuleuse de pouvoir m’expatrier

Il est conscient d’avoir eu une chance insolente : « J’ai eu une chance fabuleuse de pouvoir m’expatrier, de pouvoir vivre une expérience aussi riche et intense. Je le souhaite à tout le monde. Je ne suis pas parti pour quitter mon pays mais parce que j’avais une opportunité, une passion que j’ai toujours. Ca s’est fait naturellement. Je ne pensais pas que ça pourrait être aussi long et positif ». Il poursuit : « Je ne suis pas rentré depuis octobre 2019 à cause du COVID. Avant je rentrais tous les dix-huit mois. On a reçu beaucoup de famille. On a visité des coins extraordinaires avec ma famille. Ce sont des souvenirs à vie ». L’Auvergnat n’a jamais oublié son pays : « L’accès à la culture me manque le plus. Les années Trump ont été difficiles pour moi. La nourriture et les racines me manquent aussi. Je suis sur YouTube, un Auvergnat, Olivier Verdier. Je suis l’actualité auvergnate. J’ai toujours consommé un tas de contenus depuis qu’Internet existe. Je suis abonné à La Montagne depuis la nuit des temps. J’écoute France Info dans ma voiture. Cet attachement à ce qui se passe en France est viscéral. On a un bouquet de programmes de chaînes françaises : pendant des années, on a regardé « Des racines et des ailes ». Mes meilleurs souvenirs sont en France, avec mon grand-père. J’ai été naturalisé en 2009. On a envoyé nos papiers le jour de l’élection d’Obama car on ne voulait pas être naturalisé sous Bush. Il était important pour nous de voter ».

Une vision humble

Jean Philippe Bagel porte plutôt un regard humble sur son parcours, malgré tous les changements historiques que Microsoft a permis de réaliser : « Au début des années 90, le bateau allait très vite et je trouvais ça formidable d’être là. Il y a d’autres Français qui ont contribué au développement de l’informatique, chez Ebay, ou pour Siri. Eux ont créé quelque chose. J’ai vécu des grands changements mais j’ai du mal à dire que j’y ai participé. J’ai une vision plus modeste ». Aujourd’hui, il s’attache à des plaisirs plus simples : « La cuisine et la menuiserie m’apportent du bonheur. La pandémie nous a beaucoup atteints. J’ai beaucoup d’amis expatriés depuis longtemps et ils sont devenus ma famille. On n’a pas pu les voir pendant des mois. Là on se retrouve. En menuiserie, je crée du mobilier d’extérieur, des boites à bijoux et des boites en kumiko, des motifs japonais. J’ai pris des cours. J’apprends aussi sur YouTube. Je suis aussi allé au Canada, à Vancouver, pour du matériel ».
 

Supporter de l'ASM Clermont Auvergne

Depuis sa maison sur la côte Ouest, il n’en oublie pas de suivre l’actualité sportive auvergnate. Emu, il souligne : « Je suis le parcours de l’ASM Clermont Auvergne de loin. J’ai un très beau souvenir pour le premier titre en 2010. On était dans un parc d’attractions à San Diego. On a suivi la fin de la deuxième mi-temps avec un téléphone connecté. Je regarde aussi le Clermont Foot. Je me suis renseigné pour obtenir des autocollants pour mettre sur mon ordinateur portable. Je suis aussi beaucoup le Tour de France. J’ai eu des larmes en voyant la Grande Boucle passer à Clermont-Ferrand, à Courpière : c’était formidable. Quand le Tour passe au puy Mary, à Lyon, je suis très ému. L’année dernière je me suis passé plusieurs fois les images du Tour de France ». Ainsi, même à des milliers de kilomètres, Jean-Philippe Bagel est encore très attaché à ses racines auvergnates.

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