Une bataille pour l'honneur : quand une commune du Puy-de-Dôme attaque pour diffamation un maire de Picardie

Saint-Eloy-les-Mines, ancienne cité minière du Puy-de-Dôme, a décidé de laver son honneur devant les tribunaux. Elle porte plainte pour diffamation contre le maire de Courmelles dans l'Aisne. Ce dernier a dépeint la ville auvergnate dans des termes peu flatteurs dans son livre qui relate son combat contre l'entreprise Rockwool. Un livre qui rencontre un certain succès.

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Oui, il est blessé. Parce qu’il y tient à sa commune. Anthony Palermo est le tout jeune maire de Saint-Eloy-les-Mines dans le Puy-de-Dôme. 27 ans. Mais bien décidé à défendre l’honneur de sa ville. Au conseil municipal du 27 janvier, la petite ville de 3700 habitants dans les Combrailles, a choisi de porter plainte avec constitution de partie civile pour diffamation publique contre le maire de Courmelles dans l’Aisne en Picardie. «  Quand on invite quelqu’un chez soi, ce n’est pas très poli que l’invité dénigre la maison derrière ! »

Une façon de dire qu’il se sent trahi par cet élu qu’il a reçu à la mairie et qui critique publiquement Saint-Eloy-les-Mines aujourd’hui. « Nous lui avons fait un accueil républicain dans le cadre d’une visite de l’usine [Rockwool NDLR]. L’échange s’est très bien passé. Le maire de Courmelles avait quelques questionnements et nous avons essayé de répondre au maximum à ses interrogations. A son départ, je lui ai remis la médaille de la Ville et un livre sur Saint-Eloy. Ensuite nous avons eu la superbe surprise de voir comme il dépeignait notre ville dans son livre quelques mois plus tard ! »

Saint-Eloy et Tchernobyl

Saint-Eloy-Les-Mines comparée à Pipriat, une ville ukrainienne abandonnée suite à l’accident de Tchernobyl. « Attention, il ne faut pas sortir les choses de leur contexte. » Arnaud Svreck, le maire picard en question, se défend. «  Mes propos ont été émis dans le cadre d’un livre qui a été relu par mon avocat et ceux de mon éditeur pour se mettre à l’abri de ce genre de procédure. »

Cet élu est en guerre contre le projet de l’entreprise Rockwool qui veut ouvrir une usine de fabrication de laine de roche sur son territoire, situé dans l’agglomération de Soissons. Il a sorti un livre en novembre dernier Le Village contre la multinationale. Un succès médiatique, un succès de librairie. Il y témoigne de son passage dans la petite cité auvergnate où Rockwool est installée depuis 1984. Et les termes ne sont pas flatteurs. « Reconnaissez que lorsque vous arrivez à Saint-Eloy, hormis la rue principale et le marché couvert qui vient d’être refait, il y a un nombre important de maisons à vendre et de commerces fermés ! C’était le sens de mes propos que j’ai repris dans les médias nationaux. »

Et lorsque qu’il parle de Saint-Eloy-les-Ruines, c’était « un trait d’humour », reprenant une expression de jeunes de la commune cités dans un article du journal local. « On me parle d’implanter sur ma commune une usine pour laquelle il y a eu une enquête publique et dont le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable. Et de mon côté je refuse de délivrer le permis de construire. Je me suis rendu à Saint-Eloy-les-Mines parce que l’on me disait que l’usine allait m’apporter la prospérité. Mais hormis la rue principale et le marché couvert, je n’ai pas eu l’impression que Saint-Eloy-les-Mines était une ville riche. Je ne suis pas en train de dire que c’est Rockwool qui a amené la misère mais l’usine n’a pas amené la prospérité ! »

L’élu, qui ne connaissait pas l’Auvergne et ses villes qui se désertifient, a été choqué. « Je n’étais pas tout seul. Nous étions 6 du conseil municipal et le ressenti a été le même chez chacun. »

Depuis Saint-Eloy-les-Mines, Anthony Palermo, contre-attaque. «  Nous sommes un territoire, certes, qui a subi, comme beaucoup de terres minières, la fermeture et la désindustrialisation et le cortège de difficultés qui va avec. Mais aujourd’hui, nous entrons dans une phase de transition forte, notamment sur les sujets de dynamisme économique que sont les énergies renouvelables. » L’installation d’une entreprise travaillant dans le secteur de l’hydrogène est prévue dans les années qui viennent. Et il y a aussi ce grand projet de mine de lithium à 5km de la ville.

« C’est insupportable qu’un élu de la République qui n’est pas de ce territoire dénigre aux heures de grandes écoutes en quelques phrases tout le travail effectué ici. » Anthony Palermo liste ses arguments : « Les vérités d’hier ne sont pas celles de demain. Comme je le dis aux habitants de Soissons : venez voir comment cela se passe aujourd’hui. Nous avons eu des périodes pas faciles. Cependant aujourd’hui, nous sommes à 30 km des grands centres urbains, nous avons des infrastructures dignes d’une commune de 10 000 habitants, des animations tous les week-ends. Les logements tendent à se bonifier, le territoire est fibré à 98 %. En fait, nous avons tout ce qu’une jeune famille pourrait avoir envie de trouver en s’installant en milieu rural. »

Saint-Eloy-les-Mines demande donc que son honneur soit lavé devant les tribunaux.

Tribune supplémentaire

A 400 km de là, plus au nord de la France, Arnaud Svreck digère la nouvelle. D’un combat judiciaire supplémentaire qui se profile. « Cela va me prendre du temps que je pourrais consacrer à autre choses. Et je pense que, eux aussi, ont autre chose à faire mais cela ne m’empêche pas de dormir. » Se battre contre Rockwool et son projet d’usine à Courmelles, pour lui, c’est tout ce qui compte : «  C’est une tempête dans un verre d’eau car le fond du problème est ailleurs : l’arrivée d’un projet polluant qui va émettre des perturbateurs endocriniens alors que le département de l’Aisne veut zéro perturbateur endocrinien. »

L’agriculteur de 55 ans, au caractère bien trempé, en a vu d’autres : «  A quelque chose, malheur est bon. Le retentissement que va avoir cette affaire de diffamation me permettra d’obtenir une tribune supplémentaire pour exprimer mon opposition au projet Rockwool. »

Un élu porté par le succès de son livre, sorti en novembre 2022 et déjà en réimpression. Une séance de dédicace est prévue à l’Assemblée nationale et il est retenu pour concourir au livre politique de l’année.

De quoi faire grincer un peu plus des dents à Saint-Eloy-les-Mines.

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