Les centrales nucléaires, nombreuses en Auvergne-Rhône-Alpes, ne signalent aucune difficulté liée à la canicule survenue en juin. Mais en cas de nouveaux épisodes de fortes chaleurs, la production sera perturbée. Et l'été ne fait que commencer.
Les centrales nucléaires de la région Auvergne-Rhône-Alpes fonctionnent "normalement", assurent les services d'EDF, ce lundi 1er juillet, à l'issu d'un épisode de canicule d'une semaine. Mais ce n'est que le début de l'été, et des seuils critiques se rapprochent, qui pourraient limiter, voire nécessiter l'arrêt de l'activité de certains réacteurs.
"Nous n'avons pas de problème particulier"
Tous les services d'EDF que nous avons contactés se veulent rassurant : "nous tournons à plein régime, et nous n'avons pas de problème particulier," expliquent les agents. Dans les centrales, pour l'heure, les températures des équipements sont conformes à la normale, et les rejets d'eau chaude dans les cours d'eau sont encore loin de leurs seuils d'alerte. Car le principal problème que peut poser la chaleur concerne les cours d'eau dans lesquels les centrales pompent, puis rejettent de l'eau prélevée pour refroidir son système.Sur le site du Tricastin par exemple, dans la Drôme, "la température en amont est de 23,01°C, et elle est de 23,37°C à la sortie", explique Véronique Ferdinand, Responsable de la communication. Loin de la limite de rejet d'eau chaude prévue par la loi, située à 28°C. Au-delà, la température de l'eau impacterait la faune et la flore locale. Quant au débit d'eau du canal, il reste relativement élevé, presque 2 fois supérieur au seuil critique. A la centrale de Cruas, en Ardèche, ou de Bugey, dans l'Ain, on est également sous les niveaux d'alerte.
Les seuils critiques se rapprochent
Les données semblent rassurantes... Mais nous ne sommes qu'au début de l'été. Or il est probable que d'autres épisodes de fortes chaleurs se reproduisent durant les 2 prochains mois. Si la température des cours d'eau s'approche des seuils critiques déterminés par les autorités, les centrales devront réduire leur production, voire stopper des réacteurs. L'an dernier en France, 4 réacteurs avaient dû être arrêtés durant l'été caniculaire, dont l'un de ceux de la centrale du Bugey (01).Or, au Bugey, la température de l'eau est déjà élevée. Prélevée à 24,30°C, elle est rejetée à 24,7°C par la centrale, selon EDF, alors que le seuil à ne pas dépasser est situé à... 26°C. Plus qu'un petit degré en plus, et la centrale devra diminuer sa production. A Cruas, en Ardèche, le Rhône était puisé à 22°C la semaine dernière, alors qu'il se situe normalement à 19°C, en moyenne, à cette époque de l'année. La température de l'eau est donc déjà plus élevée que d'habitude, et elle risque fort d'augmenter encore durant l'été.
"On peut s'inquiéter pour la suite de l'été"
Les centrales pourront-elles maintenir leur production, si le thermomètre s'emballe encore ? Selon les besoins exprimés par RTE (Réseau de Transport d'Electricité), des dérogations peuvent être accordées par l'ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) ponctuellement pour augmenter les seuils de températures ou de débit d'eau rejetées dans les cours, comme ce fût le cas en 2003 et en 2006. Au risque de nuire d'autant plus à l'environnement local."Les centrales rejettent de l'eau chaude et des substances radioactives et chimiques dans les cours d'eau. Si le cours d'eau à un plus faible débit, bien-sûr, la dilution est moindre, et l'impact sur la faune et la flore est accru", explique Charlotte Mijeon, membre du réseau "Sortir du nucléaire". Au-delà de certains seuils, EDF n'aura plus le droit de rejeter ses eaux dans les cours d'eau. Comment l'entreprise va-t-elle produire ? "Après cet épisode précoce, on peut s'inquiéter pour la suite de l'été, et à plus long terme, car les étés seront de plus en plus chauds", déplore-t-elle.
Les centrales mal préparées au réchauffement ?
"On surveille la température et le débit quotidiennement, ainsi que la faune et la flore", répondent les agents de la centrale du Bugey. En cas de besoin, on peut baisser ou arrêter des parties. On verra". Si le problème de la production d'électricité pendant l'été ne semble pas inquiéter chez EDF, elle interroge ailleurs.Ainsi, l'IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) s'interroge sur le long terme. Dans une étude publiée le 27 juin dernier, l'institut évoque "de faibles marges de manœuvre" pour maintenir les équipements à des "températures maximales admissibles"
Par ailleurs, l'étude rapporte qu' "une canicule prolongée associée à une sécheresse peut entraîner des contraintes (...) de sûreté, l’eau de la source froide étant utilisée pour le refroidissement des systèmes importants pour la sûreté."