En marge du troisième samedi de manifestation contre l'instauration du pass-sanitaire, nous sommes allés à la rencontre de trois "anti-pass" qui nous ont expliqué pourquoi ils sont contre cette décision du gouvernement.
Anti-vaccin, pro-liberté, anti-gouvernement ou complotiste, les discours et les positions sont multiples au sein des manifestations anti-pass sanitaire qui déferlent sur la France pour le troisième samedi consécutif. En marge du rassemblement lyonnais qui a réuni près de 2000 personnes le 31 juillet 2021, nous sommes allés à la rencontre de 3 personnes qui expliquent pourquoi elles manifestent contre cette décision gouvernementale
Anti-stigmatisation des soignants
Chaïbia Janssen est secrétaire Sud Santé Sociaux de la section de l'Hôpital Edouard Henriot à Lyon. Elle manifeste contre le pass-sanitaire, notamment en faisant grève suite à un préavis illimité déposé par son syndicat, en raison de la stigmatisation dont souffrent, selon elle, les personnels soignants suite à cette décision gouvernementale.
"La grève a été mis en place pour défendre les intérêts matériels et moraux des salariés. Depuis le 12 juillet, des hospitaliers qui ont fait plus que le travail, sont menacés d’être suspendus, ce qui est pire que le licenciement, s’ils ne sont pas vaccinés", dénonce-t-elle. "On venait travailler la boule au ventre, sans savoir contre quoi on luttait. On travaillait également sans reconnaissance du covid comme une maladie professionnelle puisqu'on nous demandait de travailler même malade." rappelle-t-elle. Selon elle, la méthode est "brutale, non pédagogique" et peut-être même "illégale", suivant ce que dira le Conseil Constitutionnel.
La syndicaliste ne s'arrête pas là. Elle se dit également "indignée." Pour elle, le pass-sanitaire pour accéder à l'hôpital est "un refus de soin. [L’hôpital] a été créé au moyen-âge pour accueillir tout le monde ! On disait qu’on accueillait les indigents, les vieillards, les précaires, les plus vulnérables. Que va-t-il leur arriver ? Ils vont mourir dans leur coin ? En plus cela veut dire quoi ? Que les pathologies vont être disséminées dans la ville. C’est anti-service public", explique-t-elle.
Un débat éthique de société
Professeur en bioéthique, Madeleine -qui ne souhaite pas donner son nom de famille pour préserver son anonymat-, manifeste car pour elle, c'est une décision qui concerne l'éthique, et dont tout le monde devrait pouvoir se saisir. "Ce serait juste un débat de techniciens entre médecins, il faudrait le laisser faire à la télé. Mais là c’est éthique, c’est moi, c’est vous, c’est toutes les personnes qui composent la société", explique-t-elle.
D'autant plus que, selon elle, les médecins ont perdu leur légitimité à trancher les questions d'éthiques de santé, ayant, toujours selon elle, renoncé pour beaucoup à leur serment d'Hippocrate. Elle se dit choquée du fait que les médecins ne se lèvent pas d'un bloc contre le texte de loi qui stipule que pour accéder à l'hôpital public, hors urgence, il faudra être muni d'un pass-sanitaire.
Celle qui fut un temps infirmière dit se rappeler de ses cours d'éthique. "Déontologiquement, on n'a pas à faire de séparation puisque nous sommes dans le soin de la personne humaine. Le gouvernement peut prendre des mauvaises décisions, mais si les médecins disent «non ce n’est pas possible», la décision s’écroule d'elle-même. C’est comme le racisme, ce n’est pas quelque chose de discutable."
Pro-bon sens
Hervé Deschamps est directeur de l'Acte 2 Théâtre à Lyon. Il manifeste contre le pass car il croit plus "au bon sens" qu'à cette solution qui n'est qu'une "obligation vaccinale déguisée". Selon lui donc, ce n'est pas une bonne chose car cela serait "imposé" alors qu'il existe "d'autres solutions." Il prend l'exemple de son théâtre : "On croit au collectif et au bon sens de chacun. On a eu des périodes avec 300 personnes, des masques, du gel et il n’y a jamais eu de problème." De plus, il est "sûr que chez les gens vaccinés, il y a des personnes qui vont faire moins attention que d’autres", rendant la méthode contre-productive.
Hervé Deschamps cherche surtout à prendre de la hauteur : "Je pense qu’il y a trop de grands mots dans le débat, d’un côté comme de l’autre. Ne parlons pas de «liberté», parlons simplement. Je trouve que les grands mots, ou c’est le signe d’un affectif qui intervient trop dans la réflexion, ou c’est de la manipulation. Restant simple, portons le masque, faisons attention et tout ira bien."