Gaz, électricité : des industries contraintes de s'adapter pour faire des économies, " Cela ne va pas se faire en claquant des doigts "

Gaz, électricité ... ils ne peuvent pas s'en passer pour faire fonctionner leurs entreprises. Des patrons réagissent à la "sobriété énergétique" prônée par Elisabeth Borne en début de semaine. Toutes les entreprises vont devoir rapidement établir un plan de sobriété. Quelles stratégies sont mises en place dans certaines PME énergivores pour faire 10% d'économies d'énergie ?

"Si on me coupe l'électricité, je ne peux pas cuire mes céramiques. Je ne sais pas comment faire. Et si la cuisson est en cours et que le four s'arrête, la marchandise est foutue", explique Jean-Philippe Dubet, patron des Céramiques du Beaujolais, entreprise installée dans le Rhône. 

En pleine crise de l'énergie et alors que des pénuries pourraient arriver, le gouvernement demande aux entreprises de faire des économies. Ce vendredi matin, 2 septembre 2022, Emmanuel Macron a réuni un Conseil de défense inédit pour faire le point sur l'approvisionnement en gaz et en électricité et examiner les scénarios afin d'éviter les pénuries. Dans ce contexte de crise de l'énergie, est-ce que les industries se sentent prêtes et capables de faire des économies ? 

Si on me coupe l'électricité, je ne peux pas cuire mes céramiques. Je ne sais pas comment faire. Et si la cuisson est en cours et que le four s'arrête, la marchandise est foutue

Jean-Philippe Dubet, patron des Céramiques du Beaujolais

La barre fixée à 10% d'économies d'énergie : une impossible demande du gouvernement ?

Les Céramiques du Beaujolais est une PME labélisée "Entreprise du Patrimoine Vivant" depuis 2011. Elle réalise notamment des tomettes, des faïences, du carrelage ou encore des céramiques architecturales. Une fabrication gourmande en énergie, tout le processus industriel en dépend.

A Villefranche-sur-Saône, l'activité a repris en début de semaine après les congés. Au même moment,  Elisabeth Borne a exhorté les entreprises à établir en septembre des "plans de sobriété" pour réduire les consommations énergétiques de 10% sur deux ans. L'objectif : éviter que le gouvernement n'impose des "baisses". Il s'agit aussi, selon le chef de l'exécutif, de "surmonter le risque de pénurie de gaz cet hiver" et d'"atténuer le dérèglement climatique".

Les équipements de cette entreprise de céramiques, notamment les fours, fonctionnent pour 70% au gaz et 30% à l'électricité.  L'entreprise débourse aujourd'hui 50 000 euros par an pour sa fourniture de gaz et 30 000 euros pour l'électricité. Jean-Philippe Dubet n'est pas inquiet dans l'immédiat pour ses factures, ses contrats sont bloqués pour les six ou neuf prochains mois. Le coût de l'énergie est encore relativement bon marché pour cet entrepreneur :  "pour l'heure, pour nous, pas d'urgence financière, nous avons encore des prix bas mais 2023 s'annonce difficile pour l'électricité". Même s'il ne redoute pas des coupures d'électricité ou de gaz, Jean-Philippe Dubet balance entre fatalisme et pragmatisme. Il voit plutôt d'un bon œil ces annonces, même s'il dénonce un manque de "clarté" dans les déclarations. 

On n'a pas attendu ces annonces gouvernementales et ces craintes de pénuries d'énergie pour mettre en place des actions visant à réduire la consommation d'énergie.

Andy Louison

PDG Louison Industries - Saint-Chamond

Réduire de 10 % la consommation d'énergie, certains n'ont pas attendu l'objectif fixé aux entreprises, par la première ministre Elisabeth Borne pour faire des efforts. C'est notamment le cas chez Louison Industries. Dans le secteur de la métallurgie, particulièrement énergivore, on se creuse la tête depuis longtemps et l'équation paraît compliquée à résoudre pour certains patrons. " Tout dépendra de l'activité. Si on a une activité qui est continue et importante, ça sera difficile de gagner 10% ", explique Andy Louison, PDG de Louison Industries à Saint-Chamond. L'entreprise de tissage s'est lancée dans la plasturgie depuis 25 ans.

Eclairage, récupération de chaleur ... stratégies payantes ou économies de bouts de chandelles?

Chez Louison Industries, on fait concrètement des efforts depuis plusieurs années déjà. Le premier coup de collier a été mis sur l'éclairage. " On a 12 500 mètres carrés de bâtiment, on est passé en 100% LED. Ce qui a forcément entraîné une économie d'énergie ", détaille Andy Louison. Le renouvellement du parc de machines a également permis d'acquérir des équipements plus performants, "souvent moins énergivores ou qui ont une meilleure productivité". Astucieux : la chaleur du compresseur est aujourd'hui utilisée pour chauffer l'atelier en période hivernale. Mais le jeune patron ligérien en a bien conscience : il ne pourra pas non plus faire l'impasse sur une isolation du vaste bâtiment des années 70, véritable passoire thermique. Un investissement trop lourd pour la PME.

On a 12 500 mètres carrés de bâtiment, on est passé en 100% LED. Ce qui a forcément entraîné une économie d'énergie

Andy Louison, directeur Louison Industries

Dans le Beaujolais, en chef d'entreprise avisé, Jean-Philippe Dubet a également devancé l'appel du gouvernement voilà déjà plusieurs semaines. En prévision de factures d'énergie plus salées, le chef d'entreprise rhodanien a réfléchi à des solutions lui permettant de faire des économies de gaz et il pense être sur la bonne voie : " avant l'été, on a réfléchi afin d'optimiser notre consommation de gaz, nous avons travaillé à raccourcir la cuisson sans dommages pour la qualité de nos produits. Avant on avait une plage de cuisson confortable. Aujourd'hui on a récupéré environ 10% de temps ", explique-t-il en évoquant les fours. Conforme aux demandes de sobriété énergétique du gouvernement. Le chef d'entreprise ajoute qu'une solution de séchage à l'extérieur est également à l'étude pour faire baisser la consommation d'électricité et "éviter de faire tourner les ventilateurs".

Même problématique dans la Drôme, chez Revol, où les fours qui servent à la cuisson de la porcelaine ne s'arrêtent jamais. L'entreprise familiale drômoise fabrique de la vaisselle de porcelaine depuis plus de 250 ans. Ses équipements fonctionnent aussi essentiellement au gaz naturel. Et ces fours tournent à plein régime car le carnet de commandes est plein. 

Dans la PME drômoise, on a surtout fait évoluer l'outil industriel et penser des solutions moins gourmandes. "On a beaucoup investi sur les fours ces dernières années, notamment en rénovant notre four historique, c'était un gros investissement. On a repris toute la structure du four pour mieux isoler, et surtout récupérer l'air chaud des brûleurs pour la réintroduire dans les brûleurs. " explique Olivier Passot, le PDG de Revol.

On a une récupération de chaleur qui nous permet d'économiser sur la facture de gaz en amont.

Olivier Passot

PDG Revol

Plus globalement, dans tous les process industriels, 90% de la consommation est lié à l'utilisation des machines, le reste est lié à l'éclairage ou au chauffage des bâtiments. Les gestes du quotidien vont-ils suffire ? Andy Louison est sceptique : " une industrie a besoin d'énergie, en gaz et en électricité. ça passera par une amélioration du process. Les petits gestes du quotidien aideront mais ne permettront pas d'atteindre l'objectif de 10% ".

Même écho pour  Philippe Rascle, Président de l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie. " L'économie que l'on nous demande de faire sur les process industriels n'est pas simple, ce sont des process complexes. Cela ne va pas se faire en claquant des doigts", explique ce dernier. Mais il l'assure : " les entreprises vont jouer le jeu ".

Entre craintes pour l'outil industriel et menaces de chômage partiel  

Chez Revol, l'énergie est le deuxième poste de dépenses le plus important. En quelques mois, la facture d'énergie a doublé. Les répercussions de la hausse des coûts de production sont incontournables. Mais ce n'est pas la hausse des prix qui inquiète dans cette PME. Plus que des tarifs élevés de l'énergie, ce sont les risques de coupures d'approvisionnement en gaz et électricité cet hiver qui inquiètent chez Revol. Le chef d'entreprise craint pour son outil industriel et il explique : " Si jamais on arrivait à des coupures de gaz subites, cela pourrait endommager durablement ces fours et ce serait très grave."

Au-delà de la préservation de l'outil industriel, la crainte porte également sur la survie des activités. Car les premiers effets de la crise se font aujourd'hui sentir : certaines entreprises, plombées par la hausse des prix de l'énergie, commencent à prendre des mesures notamment dans le secteur verrier. C'est le cas de la verrerie Duralex, dans le Loiret, qui va mettre son four en veille durant minimum quatre mois à partir de novembre et placer l'ensemble de ses salariés en chômage partiel pour économiser de l'énergie et préserver ses finances.

Une option que redoute Olivier Passot. Ce dernier ne voudrait pas en arriver à une fermeture d'usine faute d'énergie pour assurer la production.

"On sait que faire tourner une usine, ce n'est pas simple, notamment avoir du personnel présent aussi. Si on arrête l'usine, ça veut dire chômage partiel, ça veut dire des gens qui ne sont plus au poste."

Quant à Andy Louison, il ne cache pas son pessimisme même si l'objectif des 10% d'économie d'énergie reste selon lui "atteignable" malgré tout. "Dans un contexte international de crise, l'objectif des 10% d'économie d'énergie serait atteint grâce à la baisse d'activité". Une baisse "mathématique" de la consommation qui serait synonyme de mauvaise nouvelle pour les entreprises. 

Toutes les entreprises vont devoir rapidement établir un plan de sobriété,  En cas de rationnement de l'énergie, elles seraient les premières touchées.

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