Intoxication au morbier contaminé : le producteur avait détecté de l’E. Coli sur ses produits, une enquête a été ouverte

Dans le Rhône, deux fillettes ont été intoxiquées fin 2023 en mangeant le fromage jurassien. Les parents avaient porté plainte. Une enquête du média indépendant l’Informé révèle que le producteur de fromage, Route des terroirs, avait connaissance des défaillances sur ces produits.

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Elise, 7 ans, a perdu 80% de ses fonctions rénales pour avoir mangé un bout de morbier. En février dernier, son père, Yohan, acceptait de témoigner sur France 3 Rhône-Alpes, après plusieurs semaines d’hospitalisation pour sa fille, et dénonçait des “failles” dans le contrôle des aliments. Avec les parents d’une autre petite fille de 18 mois intoxiquée par le même fromage, il avait décidé de porter plainte. L’épisode d’intoxication alimentaire avait fait les gros titres. À Toulouse, six enfants d’une crèche avaient été touchés. 

Aujourd’hui, une enquête de l’Informé révèle que les autorités avaient constaté des défaillances chez le producteur, Route des terroirs (coopérative Sodiaal), qui fabrique du morbier et d’autres fromages au lait cru à pâte pressée (tomme, raclette), plusieurs semaines avant le retrait des produits. Selon le média indépendant, une enquête a été ouverte par le pôle santé publique du parquet de Paris pour “blessures involontaires”, “mise en danger” et “tromperie aggravée”.

Un auto-contrôle défavorable

Le 15 décembre dernier, après le rappel massif de plusieurs lots de morbier, la préfecture avait suspendu l’agrément de la société Route des Terroirs de Vevy, filiale de Monts et Terroirs, dans le giron de la grande coopérative laitière Sodiaal. Le fromage était contaminé par un type de bactéries E. coli particulièrement dangereux pour les jeunes enfants, les mêmes que celles à l’origine du scandale des pizzas Buitoni au printemps 2022, occasionnant le décès de deux enfants.

L’Informé s’est procuré l’intégralité de l’arrêté de la préfecture du Jura, qui n’a jamais été rendu public. Le document détaille les constats alarmants des inspecteurs de l’administration : dès le 5 décembre, les analyses de six lots de morbier commercialisés « ont révélé la présence d’E. Coli STEC hautement pathogènes ». La société aurait même disposé de plusieurs « résultats d’autocontrôles défavorables », mais ne les aurait pas déclarés aux autorités, malgré l’obligation légale.

Lorsqu’une entreprise détecte un produit dangereux, comme c’est le cas pour ce lot de morbier, “la première chose à faire, c’est de prendre les mesures correctives”, explique Nathalie Goutaland, l’avocate des deux familles du Rhône, et d'une autre dans le sud de la France, dont la plainte est à l’origine de l’ouverture de l’enquête judiciaire. “Or, il semblerait que l’entreprise ne l’ait pas fait, puisque l’arrêté mentionne que malgré l’autocontrôle défavorable, elle n’a pas engagé les mesures de gestion suffisantes et mis sur le marché ces denrées considérées comme dangereuses pour la santé publique”.

Une défaillance des autorités sanitaires ?

Mais l’avocate, spécialisée dans le droit de la sécurité sanitaire, s’interroge également sur la responsabilité des autorités sanitaires. “En cas de défaillance grave, c’est l’administration qui est censée prendre la main”, ajoute Nathalie Goutaland. Mais alors que l’administration débute ses contrôles chez le producteur dès le 5 décembre, les rappels des différents fromages susceptibles d’être contaminés ont été publiés sur le site officiel Rappel Conso entre le 8 et le 18 décembre. “Et on a ajouté des lots au fil des jours, c’est le signe que l’impact de la non-conformité a été mal évalué par l’entreprise, on devrait retirer les lots en une fois. Pourquoi l’administration n’a-t-elle pas pris la main ?

Les affaires d’intoxications alimentaires sont souvent complexes, car pour établir la chaîne de responsabilité, il faut remonter tout le circuit de production et de distribution. Qui, du producteur de lait au fabricant de fromage, a-t-il mal géré le risque ?

Plusieurs autres familles pourraient s'associer à la plainte déposée par les parents d’Elise. Contactée par téléphone, la société n’a pas pu répondre à nos questions dans les délais imposés par la publication de cet article. Route des terroirs a repris provisoirement sa production sous le contrôle de l’administration, a indiqué la préfecture du Jura à l’Informé.

 

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