France 3 réunit sur son plateau cinq candidats aux élections législatives de la 6e circonscription du Rhône, la seule de la région à correspondre à une ville : Villeurbanne. Ton acéré et cacophonie rythment le débat
A Villeurbanne, la 6e circonscription du Rhône, bastion socialiste passée LREM en 2017 pourrait repasser à gauche. Mais les fractures sont nombreuses.
Le député sortant, Bruno Bonnell (LREM), ne se représente pas. 15 candidats, 8 femmes et 7 hommes, candidatent avec des divisions au sein de toutes les familles politiques.
Bien connue pour son Théâtre, le TNP, cette commune de plus de 150 000 habitants, propose un spectacle électoral riche en dramaturgie et en rebondissements.
Les personnages à gauche, au centre et à droite de la scène se disputent les premiers rôles, même si certains tentent d'atténuer les divisions, le maquillage ne suffit pas à masquer les déceptions.
Décryptage :
- Bastion socialiste, Villeurbanne a été conquis par LREM en 2017 après la défaite de la socialiste Najat Vaullaud-Belkacem face au candidat macroniste, Bruno Bonnell.
2022 aurait pu être une occasion de reconquête de cette circonscription pour un PS quasiment en voie de disparition dans les suffrages exprimés. Mais la candidate PS, Cristina Martineau, s’est retirée dans la douleur au profit de Gabriel Amard, compagnon de la première heure de Mélenchon, conseiller régional AURA, et précédemment maire de Viry-Châtillon dans l'Essone. Pourquoi Villeurbanne ? "Je souhaitais rentrer au bercail" affirme-t-il rappelant que ses grands-parents y vivaient.
"Nous avons un programme partagé" se justifie-t-il. "1 700 candidats ont dû se retirer"
Dès les premières minutes du débat, le candidat UDI résume le tableau qu'il espère voir jouer en sa faveur: "La gauche à Villeurbanne est fracturée, irréconciliable !" .
L'accord de la NUPES a en effet du mal à passer et certaines voix dénoncent un parachutage d'un candidat également gendre de Jean-Luc Mélenchon. L'ancien maire, Jean-Paul Bret (PS), a notamment choisi de soutenir l'autre candidate de gauche, Katia Buisson, conseillère municipale et candidate du Parti Radical de Gauche. "Je ne me reconnais pas dans une gauche du buzz et de la surenchère" a commenté la conseillère municipale en visant son adversaire de la NUPES.
- Au centre, divisions également. Emmanuelle Haziza, candidate UMP puis Les Républicains en 2012 et 2017 a cette fois l’étiquette Horizons, le parti d’Edouard Philippe. Investie par le parti macroniste, Renaissance ! qui inclut les partisans d'Horizons, Emmanuelle Haziza ne fait pas l'unanimité chez les marcheurs villeurbannais qui espéraient un candidat LREM pour tenter de prendre la suite du député sortant.
Emmanuelle Haziza n'aura donc pas tout le soutien des militants LREM et devra composer avec un autre centriste, UDI, Clément Charlieu, qui s’était déjà présenté lors des élections municipales de 2020. Soutenu par LR, il avait réuni 4,66 % des voix.
- A droite Aucun candidat LR ne se présente à Villeurbanne. A l'extrême droite Le Rassemblement National et Reconquête présentent chacun un candidat.
Pour le RN, Michèle Morel, représentante du parti de Marine Le Pen dans le Rhône et ancienne candidate aux municipales de 2020. Conseillère régionale depuis 2021, elle devra composer avec la candidature de Pierre Porta président de Reconquête à Villeurbanne.
Dépénalisation du Cannabis
Villeurbanne, selon ses quartiers est une ville aux réalités riches, diverses et parfois complexes. En effet, certaines zones très précises sont bien connues des services de police comme des lieux quotidiens de revente de drogue. Des points de deal que les habitants des quartiers concernés dénoncent régulièrement.
La commune compterait entre 50 et 70 points de deal selon l’adjoint à la sécurité. Concernant l'usage du cannabis, le candidat de la NUPES affiche une position très claire. "Nous souhaitons un monopole d’Etat en la matière. Nous sommes pour la dépénalisation" affirme Gabriel Amard, même s'il reconnaît que "cela ne suffit pas pour rétablir la sécurité."
Il y a les questions d’infiltration dans les réseaux, il faut des moyens, et on a tellement serré le kiki à tout le monde…
Gabriel Amard, candidat NUPES aux législatives 2022 dans la 6e circonscription du Rhône
La position de la candidate de la majorité présidentielle est radicalement opposée : "Je suis contre. Je suis avocate et j’aide beaucoup de familles de mineurs qui sont tombés dans le cannabis", explique Emmanuelle Haziza.
A Charpennes, un des carrefours urbains les plus fréquentés de la métropole lyonnaise, une dizaine de résidents a décidé d'attaquer le préfet du Rhône en justice. Une action en responsabilité a été intentée devant le tribunal administratif de Lyon. La sécurité s'impose donc également comme un thème de campagne incontournable. Avec en toile de fond, un défi d'accompagnement des mutations de ces territoires où les écarts entre les réalités socio-économiques des habitants ont tendance à se creuser.
"Ma gauche c’est que la sécurité est liée à des problèmes de précarité. La sécurité doit être au service de l’exercice de nos libertés" a déclaré Katia Buisson du PRG, avant que de vifs échanges cacophoniques s'engagent, jusqu'à l'intervention de la doyenne du débat, Michèle Morel, 75 ans, du RN : "Tout le monde s’ennuie, il y en a assez ! Vous avez tous été au gouvernement et responsables de cet état de fait".
Culture : Des propositions concrètes
Villeurbanne, nommée capitale européenne de la culture 2022, vibre cette année au rythme des évènements et spectacles. Un souffle dynamisant sur de nombreux aspects, sociaux ou économiques pour la circonscription.
Mais en quoi la culture sur les territoires peut-elle porter un projet politique ? Comment bien répartir les aides et développer des offres culturelles accessibles à tous ? Un enjeu qui questionnera sans doute jusqu'à l'Assemblée nationale puisque Laurent Wauquiez le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé une baisse drastique de l'aide aux institutions culturelles lyonnaises au nom d' "un rééquilibrage du budget de la culture qui ne va pas bouger et restera de 60 millions d'euros mais qui bénéficie essentiellement aux Métropoles."
- Un pass lecture
Clément Charlieu veut créer un pass lecture pour les enfants de 5 à 7 ans. Il dit regretter "qu’en 2022 rien n’a été pensé pour célébrer le 400e anniversaire de la naissance de Molière" Selon lui, la littérature est absente. Il est important d’avoir une approche multi-facettes."
- Une sécurité juridique
Emmanuelle Haziza veut proposer une loi pour clarifier les choix de subventions, instaurer une sécurité juridique pour qu’il y ait un délai avant qu'une structure ne perde ses subventions. "Villeurbanne est une ville des cultures et des arts , et je n’oppose pas la culture populaire à la culture urbaine".
- Simplifier les démarches
Gabriel Amard juge, quant à lui, que la créativité des artistes et directeurs de structure est entravée par les lourdeurs administratives. "II faut sans cesse remplir des dossiers pour essayer de survivre année après année. Les compagnies en résidence, comment vont-elles faire si on les met sans cesse en compétition ?" interroge-t-il.
- Faire des spectacles payants
"Pourquoi parler toujours de subventions ?", demande Michèle Morel du Rassemblement national, faisant référence au festival Les Invits qu'elle décrit comme des "amusements de rue", devant les regards désapprobateurs de ses adversaires. "Si on veut des manifestations d’un autre niveau peut-être faut-il des spectacles payants ?"
Le Burkini : "Les électeurs en ont assez qu’on leur en parle"
Le sujet du burkini a été abordé par les candidats car la Ville de Villeurbanne a reporté le vote d'une subvention pour l'association iséroise Alliance citoyenne qui s'est distinguée à Grenoble sur la question du burkini.
Mais à Villeurbanne la demande de l'association n'a rien à voir avec le burkini puisqu'il s'agit de développer des "projets d'accès aux droits".
Compte-tenu du contexte politique, la décision a tout de même été reportée et le thème s'invite dans la campagne même si "les électeurs en ont assez" selon le candidat centriste Clément Charlieu.
"Le burkini à Villeurbanne c’est non !" la candidate Horizon Emmanuelle Haziza estime que "c’est le symbole de trois ou quatre personnes qui font en sorte qu'une partie de la population soit montrée du doigt."
"Ne comptez pas sur moi pour aller faire la police du vêtement. Je suis contre le fait de pointer toujours les mêmes, fichez la paix aux musulmans de France !"
Sans surprise la candidate du Rassemblement national s'oppose aux tenues couvrantes dans les piscines et va plus loin : "Je veux simplement servir mon pays, permettre à cette ville de retrouver une faciliter de vie. L’objectif sera de voter contre les lois Macron qui cassent notre système et bloquer les lois islamo gauchistes du clan Mélenchon".
A Villeurbanne, les candidats aux législatives ont de l'expérience en politique et manient la rhétorique avec stratégie. De petits commentaires en affrontements idéologiques ce débat est un bon reflet d'un paysage politique français fractionné dont certaines familles se divisent pour mieux gouverner.
Les invités reçus par Paul Satis sur France 3 Rhône-Alpes en partenariat avec Laurence Loison du Progrès :
Gabriel Amard, LFI- NUPES
Katia Buisson- PRG
Emmanuelle Haziza- Horizons- Renaissance
Clément Charlieu- UDI- union de la droite
Michèle Morel- RN
Le débat de 52 minutes sera diffusé sur France 3 Rhône-Alpes à 23h20 le 1er juin 2022
Liste des candidats au premier tour de l'élection législative 2022
Source Ministère de l'Intérieur
Mme Katia BUISSON | RDG |
2 - M. Jean-Eric SENDE | DVC |
3 - M. Paul RYCKAERT | DIV |
4 - Mme Laura WINKELMULLER | REG |
5 - M. Clément CHARLIEU | UDI |
6 - M. Grégoire PRIVOLT | DXG |
7 - Mme Nadia BOUHAMI | DXG |
8 - Mme Maude BOUTAYEB | DIV |
9 - Mme Ingrid ROCHE | ECO |
10 - Mme Michèle MOREL | RN |
11 - M. Pierre PORTA | REC |
12 - M. Zaïr MEZIANI | ECO |
13 - Mme Emmanuelle HAZIZA | ENS |
14 - M. Gabriel AMARD | FI |
15 - M. Philippe VIEIRA | DIV |