Alors qu’un rapport de la Chambre régionale des Comptes pointe les irrégularités dans la gestion de la monnaie locale lyonnaise, la Métropole de Lyon est à nouveau attaquée pour ses liens avec l’association et la droite demande l'arrêt des subventions à l'association.
La Gonette n’a jamais autant fait parler d’elle. Révélation sur révélation. Polémique sur polémique. La monnaie "locale et citoyenne" lyonnaise, lancée en 2015, vacille, alors que l’affaire prend une tournure politique et que la droite lyonnaise a exigé en conseil métropolitain, lundi 24 janvier, l’arrêt des subventions publiques à l’association.
Mauvaise gestion et irrégularités
La saga commence début juin, lorsqu’un rapport de la Cour régionale des Compte (CRC), dévoilé par le journal Le Progrès, épingle l’association chargée de la gestion de la monnaie locale : irrégularités financières, entorses au droit du travail, entre autres “défauts de gouvernance” et baisse “du nombre d’adhérents”.
Le document pointe particulièrement l’absence de trésorier qui aurait conduit à des insuffisances de gestion et qui pourrait expliquer “en grande partie le déficit de l'association six exercices sur neuf depuis 2015, malgré la hausse des recettes et un important financement public". Par ailleurs, les magistrats constatent un “décalage de 18 700 gonettes fin 2023 entre le nombre de gonettes imprimées et le total actuellement connu”.
Côté ressources humaines, la convention collective n’a pas été respectée ce qui "n’est pas acceptable pour une association se réclamant d’une démarche éthique”, critique encore la chambre. En dernier recours, la CRC “invite l'association à se placer sous la protection du tribunal judiciaire dans le cadre d'une procédure de sauvegarde”.
“Nous travaillons dessus depuis in 2022”, réagit aujourd'hui Mélanie Déjardin, coprésidente de l’association qui s’exprime pour la première fois depuis les révélations du Progrès. “Beaucoup de choses sont en cours de restructuration et de reprise en main”, ajoute-t-elle, reconnaissant qu’il s'agissait “d’une association fondée avec beaucoup de militantisme et donc d’amateurisme”, mais que la décision avait été prise, sans attendre le rapport de la CRC, de “professionnaliser” la structure, ce qui pouvait “prendre du temps”.
Prise illégale d’intérêt ?
Dans la foulée, le quotidien régional révèle une deuxième affaire : le parti EELV et certains de ses élus possèdent des parts dans la société civile immobilière (SCI) qui loue des locaux dans les pentes de la Croix-Rousse à l’association qui gère la Gonette.
Si aucune loi n’empêche la collectivité de soutenir idéologiquement ou financièrement l’association, ses élus membres de la SCI ne sont pas censés voter les aides financières accordées à la structure. On pourrait parler de conflit d’intérêts. Or en 2019, une élue, Evelyne Beaume, alors qu’elle possédait encore des parts dans la SCI, a voté en 2019, sous la présidence David Kimelfeld (LREM), en faveur d’une subvention métropolitaine de 15 000 euros à l’association lyonnaise.
“On est éminemment politiques, mais on est clairement apartisans”, réagit de son côté la coprésidente de l’association. Assurant n’avoir jamais été en contact avec les élus propriétaires des murs, elle ajoute “on a d’ailleurs le projet de se rapprocher de l’ensemble des partis pour pérenniser le projet”.
La politisation de l’affaire
L’opposition, elle, s’engouffre dans la brèche et demande un moratoire sur les subventions accordées par les écologistes de la Ville et de la Métropole à l’association. Cela représente 30 000 euros par an. "Stoppons immédiatement le soutien de la Métropole à la gonette", a martelé Yves Cochet, chef de l’opposition de droite en conseil métropolitain ce lundi 24 juin.
Dénonçant “une situation financière catastrophique, des fonds propres en négatif et une mauvaise gouvernance de l’association avec un modèle de cogestion cher à la gauche”, l'élu a également dénoncé au procureur de la République, sur le fondement de l'article 40, "une location immobilière [pouvant] relever d’infractions pénales".
Un autre élu, Farid Ben Moussa, conseiller municipal d'opposition de Vénissieux et par ailleurs auteur de nombreuses plaintes contre la maire PCF et vice-présidente de la Métropole, Michèle Picard, avait déjà affirmé avoir signalé “les liens entre l'association derrière la Gonette” et le Président de la Métropole à la justice en janvier dernier.
Le soutien des écologistes
En conseil métropolitain, c’est Nathalie Perrin-Gilbert qui a pris la défense de l’association. Soutien de la première heure à l’association dont elle partage l’idéologie, l'ancienne maire du premier arrondissement de Lyon assure qu’elle "ne regrette ni ne renie cette adhésion car il était important de s’engager aux côtés de cette association".
Si elle reconnaît que “le rapport pointe des dysfonctionnements importants, auxquels il faut mettre fin”, elle appelle la majorité à “avoir un positionnement clair, franc, assumé” sur son soutien à l’association. La Ville de Lyon, également invitée à “appliquer le principe de précaution” et à revoir ses soutiens à l’association lyonnaise par un groupe d’opposition, a assuré que “la Gonette avait présenté un plan rassurant” et vouloir continuer “à soutenir la 2e monnaie locale à l'échelle nationale”.
Bruno Bernard a de son côté a assuré que des “réflexions” allaient avoir lieu “sur la poursuite de ce soutien et (ses) conditions”, mais dénoncé la "petite musique que certains voudraient laisser s'installer" sur les liens entre l'exécutif de la Métrpole et l'association lyonnaise là où il n'y avait "dans les faits" aucun problème.