La chambre de l'instruction examine mardi le recours introduit par le procureur de la République et la partie civile sur les suites à donner à l'accident mortel du cours Vitton. Le juge d'instruction a mis en examen le seul chauffard pour "homicide involontaire" contre l'avis du procureur.
C'est un accident emblématique, qui révéle toute la brutalité des comportements routiers. Il avait connu un retentissement bien au delà du sixième arrondissement de Lyon où il a endeuillé une famille du quartier une sombre nuit d'octobre 2016. Une marche blanche avait parcouru la ville, partageant une même émotion .
Le samedi 22 octobre 2016 à 1 h du matin , deux jeunes femmes qui rentrent de soirée sont fauchées par une voiture sur un trottoir à l'angle du cours Vitton et de la rue Garibaldi. Anne-Laure Moreno, 28 ans, est tuée sur le coup et son amie Julie, grièvement blessée. Le conducteur de la Clio responsable de la collision en chaîne, s'enfuit aussitôt en courant, accompagné d'un des passagers. Il roule sans permis. Il conduit sous l'emprise de l'alcool et il vient de griller quatre feux rouges. A bord du véhicule accidenté, deux autres occupants commotionnés, qui ne feront rien pour donner l'alerte, ni pour porter assistance aux deux jeunes femmes.
Après sept mois d'une longue enquête, la police finit par identifier les fuyards, dont le conducteur de la Clio bleue. Mr Kalanda K.,27 ans, d'origine angolaise, est arrêté le 24 mai 2017. Il est placé en détention préventive. Le dossier d'enquête est accablant. Le chauffard a déjà neuf condamnations à son actif. On saisit de la drogue dans le véhicule. Ce soir là, il emprunte la voiture de sa concubine. Elle fournira plus tard aux policiers un faux alibi pour le protéger. Pourtant ce soir là, son compagnon franchit le carrefour à trés vive allure après avoir ignoré un nouveau feu rouge. Les experts estiment qu'il roule en ville à plus de 100 km/h, le double de la vitesse autorisée.
Un sérieux différend sur l'instruction judiciaire
Au terme de l'instruction, le 17 novembre 2017, le juge délivre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. Elle établit la seule responsabilité du conducteur. Mr Kalanda K., lui seul, est poursuivi pour "homicide involontaire" et "blessures involontaires", des charges assorties toutes deux de circonstances aggravantes : défaut de permis de conduire et délit de fuite. Des poursuites qui peuvent valoir à son auteur dix ans d'emprisonnement.
Mais entretemps, le procureur de la République a reçu et entendu les parties civiles. Il introduit un réquisitoire supplétif qui étendrait le spectre de l'instruction et l'élargirait aux autres protagonistes de l'accident. Une logique que ne retient pas le juge d'instruction, qui estime la requête trop tardive, en contradiction manifeste avec le réquisitoire initial. Le procureur de la République et Me Alain Bohé, l'avocat des parties civiles, contestent cette analyse. Ils font donc maintenant appel de la décision devant la chambre de l'instruction, qui devra trancher ce litige .
Marc Cimamonti, le procureur de la République de Lyon, confirme par téléphone qu'on a là "une ordonnance de renvoi qui ne correspond pas à ce que l'on a requis" mais se refuse à polémiquer davantage sur ce différend . Il estime que le débat ne doit pas être tranché sur la place publique mais "par la chambre de l'instruction et par les canaux procéduraux"
Eric Moreno, le père de la jeune femme tuée dans l'accident, ne comprend pas pourquoi "l'assassin de sa fille" est le seul à devoir rendre des comptes. Le dossier renferme selon lui des éléments accablants sur l'entourage du chauffard. Il demande que soient poursuivis à leur tour ceux qui ont rendu possible l'accident mortel ou ne l'ont pas empêché. Il mène par ailleurs un combat plus politique. Il voudrait voir reconnue par la loi l'intention de tuer, l 'homicide volontaire, dès lors qu'il y a mort d'homme sur la route avec une conduite dangereuse, assortie de circonstances aggravantes.