Morad Aggoun, ex conseiller métropolitain et ex 2ème adjoint en charge du personnel municipal et du logement à la mairie de Vaulx-en-Velin, est accusé de "viol, agressions sexuelles et harcèlement sexuel, commis par une personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction.” Il sera jugé aux assises, à Lyon, en septembre 2023.
Plus de sept ans après les faits, pour les trois victimes présumées, c’est enfin bientôt l’heure du procès. Sept ans qu’elles attendent cette étape pour tenter de se reconstruire. Pourquoi une telle lenteur ?
Dans cette affaire, plusieurs juges d’instruction se sont succédés. Morad Aggoun avait aussi fait appel de son renvoi devant les assises, mais sa demande avait été rejetée par la chambre de l’instruction. Il s’était alors pourvu en cassation avant de se désister. Il sera donc bien jugé en septembre 2023 pour viol, agressions sexuelles et harcèlement sexuel.
Première plainte déposée en janvier 2016
La victime présumée est une des anciennes secrétaires de Morad Aggoun. Son statut était précaire, elle enchainait des contrats courts.
Après des mois “d’attitudes équivoques, de pressions et d’allusions déplacées”, elle dit s'être retrouvée seule avec Morad Aggoun dans le bureau de ce dernier. L’élu a fermé la porte à clé avant de la plaquer contre un mur pour lui imposer un rapport sexuel.
Elle en informe plusieurs jours après la maire de Vaulx-en-Velin. Hélène Geoffroy avait conseillé à l’ex-secrétaire de porter plainte et avait suspendu Morad Aggoun de ses fonctions.
Deux nouvelles plaintes
Dans la foulée, la parole se libère. Deux autres anciennes secrétaires déposent plainte à leur tour pour agressions sexuelles et harcèlement sexuel. L’une se plaint d'avoir été embrassée de force sur la bouche. L'autre dénonce des attouchements poussés, des mains baladeuses, des baisers, des réflexions sur son physique, une emprise... Les faits remontent à 2014. Là encore, la plaignante n’était pas titulaire de son poste.
Elle avait peur de lui. A l’époque, elle n’avait pas eu “la force” de saisir la justice. L'ancienne secrétaire, victime présumée, avait simplement fait part à la maire, Hélène Geoffroy, d'une souffrance au travail. Et elle avait ensuite été mutée dans un autre service.
C’était un climat de violence au travail, avec des atteintes à l’intimité qui dérangent, qui mettent en état d’infériorité avec des cris, des réflexions désobligeantes, de l’autoritarisme avec l’impossibilité de répondre à quoi que ce soit, avec l’isolement de ses victimes.
Maître Bertrand Sayn, avocat de deux victimes présumées
Circonstances aggravantes
Morad Aggoun, alors élu à la ville de Vaulx-en-Velin, est accusé de faits commis "par une personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction." En tant qu’adjoint en charge du personnel municipal, c’est lui qui détenait la signature d’une mutation ou d’une titularisation.
Deux des trois ex secrétaires avaient des statuts précaires à l'époque des faits. Elles n'étaient pas titulaires de leur poste. Et pour l'une d'elles, c'est la maire de Vaulx-en-Velin qui avait signé sa mutation et sa titularisation, Morad Aggoun tardant à le faire.
De toute évidence, il y avait un climat de supériorité, de dominant dominé.
Maître David Letievant, avocat d’une des victimes présumées
"Il tenait ses inférieures hiérarchiques par ces contrats de travail qu’il pouvait cesser à tout moment. Si vous voulez du travail, si vous voulez un contrat il faut faire ci, il faut faire ça, c’était vraiment par personne ayant autorité comme le dit la loi, explique Me Letievant. Il avait autorité et en jouait.”
Qui est Morad Aggoun ?
Agé de 51 ans, l’homme s’est engagé en politique dès sa jeunesse à Vaulx-en-Velin. Il faisait partie des émeutiers lors des évènements de 1990 qui avaient pendant trois jours embrasés la ville. Très actif dans le milieu associatif et socio-éducatif, il est élu en 2008 conseiller municipal d’opposition sous la mandature communiste de Maurice Charrier.
En 2014, Hélène Geoffroy remporte la mairie vaudaise. Morad Aggoun, affilié au PRG, devient son 2ème adjoint en charge du personnel municipal et du logement.
Issu d’un milieu populaire l’homme est connu pour avoir le verbe haut, ne pas mâcher ses mots. Certains, qui l’ont côtoyé professionnellement, évoquent un “homme toujours dans la séduction”, “fier d’être élu”. D’autres décrivent un élu coutumier "de blagues grivoises, graveleuses", "de dragues poussées" envers ses collaboratrices féminines.
Procès aux assises en septembre 2023
L’ancien élu a toujours nié les faits qui lui sont reprochés et évoque des relations consenties. Il admet qu’il lui arrivait de faire des compliments, admettait quelques plaisanteries mais pas de propos déplacés.
Placé en détention provisoire le 23 janvier 2016, il est depuis le 19 mai de cette même année placé sous contrôle judiciaire et comparaîtra donc libre à son procès devant les assises du Rhône du 25 au 29 septembre prochain.
Sollicitée, la mère de Vaulx en Velin n’a pas souhaité répondre à nos questions. L'avocate de Morad Aggoun, elle, n’a pas donné suite à nos demandes réitérées d’interview.