Les six protagonistes du volet financier de l'affaire Karachi, qui porte sur le financement de la campagne Balladur en 1995, ont été renvoyés en correctionnelle, vendredi, par la cour d'appel de Lyon qui a parallèlement débouté les familles des victimes de l'attentat.
Ce dossier, d'abord examiné à Paris puis renvoyé à Lyon après cassation, est un des volets de l'affaire de l'attentat de Karachi qui avait fait 15 morts, dont 11 ouvriers français de la Direction des constructions navales (DCN), le 8 mai 2002. Il porte sur un financement occulte de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, via de possibles rétrocommissions sur des contrats d'armement avec le Pakistan et l'Arabie Saoudite.
Selon plusieurs avocats du dossier interrogés par l'AFP, la chambre de l'instruction, qui avait réexaminé le dossier à huis clos en novembre, a assorti son arrêt de prescriptions et de non-lieux partiels dont ils n'avaient pas encore le détail.
"C'est une décision très peu courageuse, dans la droite ligne de ce qui a été fait précédemment", a commenté Me Bérenger Tourné, l'avocat de l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine, l'un des protagonistes de cette affaire.
Les six personnes poursuivies, pour abus de biens sociaux et recel, sont Nicolas Bazire, ex-directeur de campagne d'Édouard Balladur et aujourd'hui dirigeant du groupe de luxe LVMH; Renaud Donnedieu de Vabres, ex-conseiller du ministre de la Défense François Léotard; Thierry Gaubert, alors membre du cabinet du ministre du Budget Nicolas Sarkozy; Dominique Castellan, ancien patron de la branche internationale de la DCN; l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine et l'intermédiaire Abdul Rahman Al Assir.
Les cas d'Edouard Balladur et de François Léotard, qui relèvent de la Cour de justice de la République, ont été disjoints de la procédure. L'affaire comporte aussi un volet terroriste touchant aux éventuels liens, non confirmés, entre l'attentat de 2002 et l'arrêt du versement des commissions à des responsables pakistanais après l'élection de Jacques Chirac en 1995.
Les familles ont toute leur place
"Les parties civiles que je représente constatent avec dépit et colère que les manoeuvres dilatoires de la défense ont fini par porter leurs fruits. Les mis en examen ont toujours eu peur de la présence dans cette procédure des victimes de l'attentat de Karachi, et ont tout fait, depuis plus de six ans désormais, pour nous écarter", a dénoncé Me Marie Dosé, qui va se pourvoir en cassation.
Selon elle, "le système de corruption" démontré par l'instruction "demeure l'explication la plus logique à la perpétration de l'attentat de Karachi, et les victimes de cet attentat ont toute leur place dans ce procès". Me Olivier Morice, autre avocat des familles, envisage également un pourvoi.
En juin 2014, les juges parisiens Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire avaient déjà renvoyé les six hommes en correctionnelle. Après trois ans d'enquête internationale, les magistrats avaient acquis la conviction que 327 millions d'euros de commissions indues avaient été versés en marge des contrats à un réseau d'intermédiaires, parmi lesquels Ziad Takieddine.
Ce dernier avait en effet fini par reconnaître en 2013, que, sollicité par M. Gaubert à la demande de M. Bazire, il avait financé la campagne Balladur pour 6,2 millions de francs (moins d'un million d'euros). Ce réseau aurait été imposé, en fin de processus, pour enrichir ses membres et financer, via des rétrocommissions, la campagne Balladur.
Mais Nicolas Bazire et Dominique Castellan avaient contesté leur renvoi devant le tribunal. Leur recours avait été rejeté en juin 2015 par la cour d'appel de Paris. Mais le 10 février 2016, la Cour de cassation leur avait donné gain de cause, estimant qu'un point de procédure n'avait pas été tranché. Elle avait alors renvoyé le dossier à Lyon pour un réexamen complet.