Abrogation du délit d'apologie du terrorisme : pourquoi la proposition d'Ugo Bernalicis, député LFI du Nord, crée la polémique ?

Le 19 novembre 2024, Ugo Bernalicis (LFI) a déposé une proposition de loi à l'Assemblée visant à abroger le délit d'apologie du terrorisme. Le texte du député du Nord suscite, depuis son dépôt, la polémique sur tout l'échiquier politique. On vous explique.

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"Quelle démocratie peut encore conserver son nom, lorsque les méthodes de l'antiterrorisme sont utilisées pour réprimer des militants politiques, des militants associatifs, des journalistes ou encore des syndicalistes ?" C'est par cette interrogation qu'Ugo Bernalicis, député LFI de la 2ᵉ circonscription du Nord a introduit sa proposition de loi visant à abroger le délit d'apologie du terrorisme.

Déposé le 19 novembre à l'Assemblée nationale, ce texte a été cosigné par 70 députés LFI. Selon le groupe, ce délit accentuerait "l'instrumentalisation de la lutte antiterroriste".

Depuis ce dépôt, la proposition de loi d'Ugo Bernalicis fait grincer les dents de la droite et du camp présidentiel, mais pourquoi ?

LFI s'oppose au délit créé par la loi du 13 novembre 2014

La loi dite "antiterroriste" du 13 novembre 2014 a été promulguée dans le but de renforcer la lutte contre le terrorisme en érigeant l'apologie du terrorisme au rang de délit. Mais avant, c'est la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui faisait foi. Elle prévoyait que seraient punis ceux qui auraient "provoqué directement aux actes de terrorisme (...) ou qui en [auraient] fait l'apologie."

Cette proposition de loi s'inscrit dans une volonté de préserver la liberté d'expression.

Ugo Bernalicis

Député LFI

Pour les Insoumis, la loi sur la liberté de la presse est suffisante. Ugo Bernalicis souhaite ainsi revenir à la législation antérieure à 2014, dans la mesure où les moyens actuels "de la lutte antiterroriste en France ont régulièrement été détournés de leur objet par les gouvernements en place pour réprimer la liberté d'expression". Ainsi, exit le délit d'apologie du terrorisme, et retour aux délits d'apologie de crime, d'apologie de crime de guerre et d'apologie de crime contre l'humanité prévus dans la loi du 29 juillet 1881.

À ce sujet, il cite plusieurs exemples : la journaliste Ariane Lavrilleux, interpellée à son domicile par la police du renseignement intérieur français pour avoir révélé des secrets d'État ; les arrêtés "anti-casseroles" qui empêchaient les manifestants de venir avec des dispositifs sonores portatifs ; la procédure contre Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de la CGT du Nord, poursuivi et condamné à de la prison avec sursis pour apologie du terrorisme en raison de propos tenus dans un tract de soutien à la Palestine.

Mais son dernier exemple concerne ses consœurs de LFI, Rima Hassan et Mathilde Panot, entendues en avril par la police judiciaire dans le cadre d'une enquête pour "apologie du terrorisme" après des propos concernant l'attaque du 7 octobre.

C'est au regard de tous ces exemples qu'Ugo Bernalicis justifie sa proposition de loi. Il conclut son texte déposé à l'Assemblée de la façon suivante : "Cette proposition de loi s'inscrit dans une volonté de préserver la liberté d'expression et singulièrement le débat politique de toute intrusion des institutions répressives, qui ne peuvent en la matière se confondre avec la nécessaire lutte contre les actes de terrorisme."

Une proposition de loi "gravissime" pour le camp présidentiel

Vendredi 23 novembre, Gabriel Attal, a adressé une lettre aux groupes écologistes et de gauche de l'Assemblée en réaction a la proposition de l'Insoumis.

"Cette proposition de loi est gravissime. Une limite fondamentale a été franchie : celle du respect que nous devons à toutes les victimes du terrorisme, s'indigne-t-il dans son courrier. Car les dispositions qui sont visées sont précisément celles qui nous permettent aujourd'hui de réprimer les prêcheurs de haine qui menacent notre pays et les valeurs de la République."

Par cette missive, l'ancien Premier ministre demande donc aux autres membres du Nouveau Front Populaire de se désolidariser de cette proposition de loi de LFI.

"Difficile de faire plus ignoble" pour la droite

En réaction au texte des Insoumis, le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand a décidé de solliciter directement Jean-Luc Mélenchon sur son profil X. "6 jours après les commémorations des terribles attentats islamistes du 13 novembre qui ont couté la vie à 130 Français (...) Jean-Luc Mélenchon : jusqu'où iront vos élus dans l'abject ?"

L'actuel ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau (LR), a également fait le choix de réagir en ligne. "LFI dépose une PPL pour abroger le délit d’apologie de terrorisme. C’est difficile de faire plus ignoble", a-t-il écrit sur X.

"Plutôt que de se faire des films, lire le texte de la proposition de loi

Face au tollé médiatique engendré par la proposition de loi d'Ugo Bernalicis, les cadres de LFI sont montés au créneau pour défendre ce projet législatif et leur député. 

Jean-Luc Mélenchon souligne "une nouvelle agression contre LFI venue de l'extrême droite et servilement reprise par l'officialité médiaticopolitique. Plutôt que de se faire des films, lire le texte de la proposition de loi". 

Prochaine étape pour cette proposition de loi, son examen par les parlementaires. Le texte intégral est disponible ici.

Avec AFP

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