"Une étape vers la réparation": c'est ainsi qu'Annick Moulin aurait aimé vivre le décrochage des tableaux du père Ribes, un prêtre décédé en 1994 longtemps connu pour ses talents artistiques, désormais dénoncé comme un pédocriminel.

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Comme d'autres victimes, cette quinquagénaire espère une enquête judiciaire, alors que le diocèse de Lyon a indiqué avoir fait vendredi 28 janvier, un signalement au procureur de la République.

Des rencontres d'écoute ont été organisées, les témoignages continuent d'affluer, des dizaines évoquant des agressions commises dans les années 1970-1980 dans les diocèses de Lyon, Grenoble-Vienne et Saint-Etienne.

Le but d'Annick Moulin: "que les victimes reçoivent une réparation, financière pour les unes, psychologique pour d'autres".

Son regret est ne pas avoir assisté au décrochage d'un tableau ornant l'église de Pomeys (Rhône), son village natal où elle a été abusée par ce prêtre qui la faisait poser nue quand elle était enfant. "J'étais connue du diocèse, ils ne m'ont pas avertie. (...), ça donne une impression de dissimulation".

Le diocèse de Lyon assume cette discrétion: "Le but est de faire disparaître ces œuvres, nous ne voulons pas en faire la promotion", affirme Christophe Ravinet, responsable de la communication.

 Le "Picasso des églises"

Depuis la révélation de l'affaire, mi-janvier, une quinzaine de tableaux ont été décrochés dans une dizaine de sites. Une dernière église abriterait encore une œuvre mais le diocèse se refuse à toute précision: "pas d'image, pas de promotion", explique Christophe Ravinet.

L'affaire Ribes est venue s'ajouter à la longue liste des abus sexuels recensés dans la communauté catholique française, au cœur des débats depuis la publication en octobre du rapport de la commission sur la pédocriminalité dans l'Eglise (Ciase).

Surnommé le "Picasso des églises" par la presse locale, Louis Ribes était connu pour ses fresques et vitraux d'inspiration cubiste décorant plusieurs églises, des Alpes au massif central en passant par Lyon.

"Ce qui me dérange le plus, c'est qu'on l'encense encore aujourd'hui", s'insurge Annick Moulin, en citant un catalogue paru en 2020 qui lui était consacré. Le diocèse de Lyon a indiqué avoir retiré ce livre. Pour les victimes, "voir ses œuvres en rentrant dans l'église, pour un enterrement par exemple, était insupportable", raconte Luc Gemet, 58 ans, qui dit avoir été agressé par le prêtre dès l'âge de 8 ans.

"Quand je vois un de ses tableaux, je revis des moments difficiles", confie-t-il.

La loi interdisant la destruction d'œuvres d'art, "les tableaux seront donc remisés", selon le diocèse de Lyon. 

Collection de nus

Le prêtre a aussi dessiné les vitraux de plusieurs églises de la région, sertis dans la pierre, donc plus difficiles à enlever.

A Givors (Rhône), l'église Saint-Martin-de-Cornas en compte trois. Désacralisé dans les années 1980, le bâtiment est aujourd'hui géré par une association qui a, depuis, restauré les vitraux grâce à une souscription des habitants.

L'église ayant été construite avant 1905 -avant la loi de séparation des Eglises et de l'Etat-, la commune en est propriétaire et la décision de remplacer les vitraux lui revient.

La municipalité reconnaît que "la situation des victimes est dramatique", mais "souhaite entendre l'avis de l'association, des souscripteurs et de ceux qui ont passé du temps à la restauration" avant d'engager un remplacement qui "coûterait plusieurs dizaines de milliers d'euros", précise Raphael Horrein, le directeur de cabinet du maire.

En attendant, "les vitraux pourraient simplement être cachés ou voilés", suggère Luc Gemet.

Le père Ribes disposait aussi d'une vaste collection de photographies et de croquis. "Des nus sur lesquels il écrivait les initiales, voire les noms des enfants", affirme son accusateur.

Après ses premières prises de parole publiques, Luc Gemet a reçu deux albums photo par la poste: "c'est difficile à revoir, mais j'ai la chance d'avoir des preuves".

Il espère que d'autres pièces seront retrouvées, notamment un portrait de lui nu, "un fusain de 40 centimètres par 60 qui se trouvait dans le bureau de Ribes".

Des œuvres appartenant à des collectionneurs privés "se baladent encore dans la nature", selon Annick Moulin. Ainsi, ses parents "en avaient une qu'ils ont décrochée" depuis ses accusations.

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