L’ancien évêque de Grenoble, Guy de Kerimel, avait été alerté par une victime du père Ribes en 2016. Mais aucune enquête interne sérieuse n’avait été menée.
C’est en 2016 qu’une victime de l’abbé Louis Ribes se manifeste auprès du diocèse de Grenoble. L’homme est reçu par le vicaire général, Joseph Antin, aujourd’hui décédé. L’évêque est informé du signalement. «Cette personne voulait récupérer des photos que le père Ribes avait prises de lui, pour les détruire» se souvient Guy de Kerimel.
A la question, «comprenez-vous que le plaignant parle d’agressions sexuelles ?», Guy de Kerimel dit ne plus trop se souvenir. Mais au fil de notre conversation, l’histoire lui revient en mémoire. Et il me confirme que «le Monsieur m’a dit qu’il y avait d’autres enfants».
Rien dans les archives, affaire classée
Le diocèse de Grenoble ne trouve rien dans ses archives. Il sollicite le diocèse de Lyon. Rien. Nous sommes en 2016, c’est le début de l’affaire Bernard Preynat. L’archevêque de Lyon, Philippe Barbarin est empêtré dans cette affaire de pédophilie qui va aussi l’amener à s’expliquer devant des tribunaux.
Je pose alors la question à Guy de Kerimel «Pourquoi l’église n’ouvre-t-elle pas une enquête interne puisqu’elle dispose d’une justice ecclésiale et des moyens d’instruire ?».
La réponse est déroutante, «Vous n’avez rien d’autre à faire que de fouiller dans ces choses-là.» Ma question irrite Guy de Kerimel qui explique qu’une fois les archives vérifiées, il ne voit pas bien ce qu’il y a de plus à faire. Toutefois, il ajoute qu’il a mis en place, cette année-là, une cellule d’écoute des victimes dans le diocèse et « qu’on ne peut forcer les gens à témoigner».
«Il n’y a peut-être pas eu la volonté de fournir de la chair fraîche, mais il (le supérieur du séminaire) s’est laissé embarquer dans des affaires plus que douteuses. »
Guy de Kerimel, ancien évêque de Grenoble, récemment nommé archevêque de Toulouse
L’ancien évêque de Grenoble, récemment nommé archevêque de Toulouse, se dit convaincu que le supérieur du séminaire des aînés de Vienne-Estressin, en Isère, où Louis Ribes officiait, était au courant. Et il a fermé les yeux. «C’est impossible que ça ne se soit pas su. Il y a eu volonté d’étouffer l’affaire. Mais vous savez, à cette époque le journal Libération faisait aussi la promotion de la pédophilie».
Je ne vois pas bien le rapprochement avec l’affaire et quid de l’autorité morale de l’Eglise ?
Ma dernière question irrite encore d’avantage l’ancien évêque de Grenoble : « Un religieux qui va chercher un enfant pour l’amener à un prêtre prédateur, cela porte un nom : c’est du proxénétisme ? . La réponse de l’évêque est cinglante : «Je n’aurais pas employé ce terme. Il n’y avait peut-être pas la volonté de fournir de la chair fraîche, mais les supérieurs se sont laissé entraîner dans des affaires plus que douteuses. Il est difficile de se mettre à leur place».
Des affaires plus que douteuses ? Sans doute le terme «criminel» serait plus approprié. La conversation s’achève.
Guy de Kerimel, aujourd’hui à Toulouse, ne pourra pas se rendre ce jeudi 27 janvier au soir à la réunion publique sur l’affaire du père Ribes organisée par le diocèse de Grenoble, car, "comme dans tous les diocèses de France, il y a aussi des affaires courantes à traiter à Toulouse."