Alain était séminariste en 1976-1977 à Vienne. Louis Ribes y était professeur. Quand Alain tombe sur des centaines de dessins pédopornographiques signés Ribes, il alerte sa hiérarchie… qui lui reproche de fouiller dans les affaires des autres.

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Alain a 18 ans lorsqu’il entre au séminaire d’aînés d’Estressin-Vienne. Cette maison ouverte par le diocèse de Grenoble accueille des jeunes de la France entière. Certains sont non bacheliers, d’autres ont déjà une expérience professionnelle et tous se sont découverts une vocation tardive pour la prêtrise.
Nous sommes en 1976. Cette année-là, la structure héberge une douzaine de jeunes séminaires encadrés par 3 prêtres dont Louis Ribes. Son domaine c’est l’écriture sainte, l’exégèse, l’éducation artistique.

Alain est le moins discipliné des séminaristes. «J’étais un bout-en-train, mal vu par Louis Ribes. Lui, c’était un artiste fier de ses tableaux. Il avait une certaine aura, de la prestance malgré ses aspects négligés».  

Ribes, un abbé atypique et dérangeant

Alain se souvient de sa salle de classe : une grande pièce pleine de livres, de disques et une stéréo coûteuse pour écouter de la musique. 

Un jour, il nous avait fait écouter un morceau des Aphrodite’s child. Pendant 5 bonnes minutes on entendait des cris de jouissance d’une femme qui avait un orgasme. Son comportement m’interpellait

raconte Alain.

Un jour, Louis Ribes sanctionne son élève passablement dissipé, l’expédie au fond de la pièce derrière la cloison, une sorte de réduit tapissé de livres avec des effets personnels de l’abbé. Alain s’ennuie et se met à regarder dans les 8 grands cartons à dessins posés à côté d’un transat.

«Il y avait des centaines de croquis, d’aquarelles, d’enfants nus dans des positions indécentes et des choses plus crues encore. De grosses quantités de pornographie. J’ai eu conscience de tomber sur son jardin secret».

Alain se confie à son directeur spirituel avec qui il entretient des relations confidentielles et de confiance. A sa grande surprise celui-ci le réprimande et l’accuse de «manquer de respect vis-à-vis de la communauté» mais pas un mot sur la nature des dessins.
Deux jours plus tard, Louis Ribes convoque le jeune séminariste, informé par le directeur spirituel. «Tu n’as pas à fouiller dans mes affaires. Tu ne viendras plus à mes cours» lui jette au visage un Ribes furieux.

Ce premier signalement d’Alain auprès des responsables religieux n’ira pas plus loin. Louis Ribes continue d’enseigner au séminaire des aînés de Vienne. Alain ne le sait pas encore mais il ne deviendra jamais prêtre.

«J’ai vu arriver un petit garçon au visage d’indien. Je l’avais vu sur les dessin de l’abbé Ribes» 

Alain reconnait tout de suite le petit garçon au visage d’indien et aux cheveux lisses, il l’a vu sur plusieurs croquis de Ribes, ceux entassés dans l’arrière salle. L’abbé n’ayant pas le permis de conduire, c’est le directeur spirituel d’Alain ou le supérieur du séminaire qui vont chercher l’enfant chez lui avec l’abbé Ribes pour l’amener au séminaire.
Alain est stupéfait. Il se souvient du long couloir de cet ancien hospice converti en séminaire qui menait aux chambres individuelles, exigües, avec un seul lit une place. «On a vu plusieurs fois l’enfant rentrer dans la chambre de l’abbé et y rester pour la nuit». Nous étions une douzaine de séminaristes et on en parlait entre nous. Certains s’interrogeaient, d’autres comme moi n’avions aucun doute.

Tout le monde voyait qu’il dormait avec des enfants

A la fin de l’année, on demande à Alain de "mûrir son projet". Officiellement, il n’avait pas le profil pour devenir prêtre. Lui pense plutôt à une sanction pour avoir dénoncé les «œuvres» de l’abbé Louis Ribes.  

On n’a rien trouvé dans les archives du diocèse sur Louis Ribes

Ancien évêque de Grenoble Guy de Kerimel

Suite à ce témoignage, nous avons interrogé l’évêque de Grenoble, Guy de Kerimel en poste jusqu’à décembre dernier et récemment nommé Archevêque de Toulouse.  Après la visite de Luc, une victime, Guye de Kerimel affirme avoir compulsé les archives du diocèse et n’avoir trouvé aucune trace des agissements de l’abbé Ribes. Concernant les centaines de dessins pédopornographiques signés Ribes, Guy de Kerimel dit ne pas savoir où ils sont et avance «Peut-être ont-ils été transférés à l’autre centre de séminaires des aînés à Orléans après fermeture du séminaire de Vienne».
On n’imagine mal que ces «œuvres» soient stockées dans un coffre appartenant à l’Eglise catholique ou aient été restituées à la famille au décès du religieux en 1994.

1994 - 2021. 27 ans de silence

En août dernier, des victimes ont adressé des emails aux différents diocèses de Lyon, Grenoble et St-Etienne pour demander une prise en compte rapide de cette affaire. En octobre, l’interpellation se fait plus pressante.
Le 8 novembre, les évêques se réunissent à Lourdes pour parler pédophilie mais ne communique pas sur l’affaire Louis Ribes.
Début janvier, l’actuel évêque de Grenoble dit à une victime «découvrir l’affaire». Il faut attendre les témoignages successifs des victimes, des articles de presse puis l’action d’un prêtre du diocèse lui-même abusé par un religieux, pour que le diocèse de St-Etienne organise une réunion publique.
L’archevêque de Lyon, Olivier de Germay  a, de son côté, communiqué sur ce dossier mercredi dernier, le 19 janvier.      

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