Le père L. a été professeur au séminaire des aînés de Vienne-Estressin au moment où l'abbé Louis Ribes, artiste, peignait des enfants nus, avant d'abuser d'eux.Témoignage exclusif.
Maintenant qu'il l'a retrouvé, Luc Gemet a besoin de rencontre le père L. d’aller lui parler, d’affronter son regard, ses souvenirs, de comprendre pourquoi ce religieux n’a pas signalé les abus sexuels dont Luc, enfant a été victime. Car le père L. était enseignant au séminaire des aînés de Vienne Estressin pendant 22 ans (1967/1986) à l’époque où l’abbé Louis Ribes sévissait. C’est dans un monastère d’Ardèche où vit désormais le religieux que la rencontre a lieu. 30 minutes à peine car à 89 ans le père L. célèbre encore des messes d’enterrement. Il est demandé et apprécié. Le vieil homme se souvient parfaitement de Louis Ribes et se demande"s’il n’a pas eu des ennuis avec tous ses dessins d’enfants".
A l’évidence, le prêtre ne suit pas les actualités. Luc est assis en face de lui. Il est ému mais pose ses questions méthodiquement, calmement.
"Je suis un artiste, c’est mon métier"
Le père L. raconte que Louis Ribes utilisait régulièrement cet argument pour justifier la présence d’enfants à ses côtés et le fait de les peindre nus. "Il disait qu’il travaillait comme cela. A partir de là, il n’y avait qu’à se taire."
A la question : "Le supérieur du séminaire était-il étonné de ces pratiques ?" la réponse est claire. "Comment vouliez-vous gérer cet homme là ?" dit le père L. en mimant son impuissance face à Louis Ribes qui, selon lui, jouissait d’une réputation de grand peintre de la région lyonnaise. Le prêtre se posait bien des questions sur la nécessité de faire poser nus tous ces enfants mais personne au séminaire ne s’opposait à l’abbé Ribes. Et il ajoute "Je n’étais pas le directeur pour prendre des décisions."
Pourtant en 1976, Alain un séminariste étudiant à Estressin avait alerté le père L. de l’existence de ces dessins, croquis, aquarelles pédopornographiques. Le père L. était alors son directeur spirituel. Il avait fortement réprimandé Alain pour avoir fouillé dans les affaires personnels de l’abbé Ribes. Aujourd’hui le père L. dit ne plus se souvenir de cet échange.
"Il devait bien y avoir des enfants qui dormaient avec lui" ajoute laconiquement le père L.
Luc se souvient que le père L. venait le chercher chez lui pour l’amener poser nu au séminaire. C’est là que Louis Ribes abusait du jeune garçon. Luc contient sa colère devant ce religieux qui raconte sans plus s’interroger que Louis Ribes travaillait de cette manière.
Luc lui demande s’il ne se doutait de rien. Il répond calmement « entre coucher dans la chambre de quelqu’un et avoir n’importe quel comportement, il y a une différence. »
A la question, "Cela vous choquait de voir tous ces enfants ? Saviez-vous que certains dormaient avec lui ?", là encore, la réponse est déstabilisante, "Ah oui des enfants dormaient avec lui. Je sais qu’il le faisait. Je n’étais pas choqué, il disait qu’il était artiste. Que fallait-il dire ?".
Mais quand vous entendez, "Il ne faisait pas que faire des portraits de nous. Il m’a agressé sexuellement ?" Vous ne vous êtes jamais posé de questions ?, lui demande Luc. Réponse : "Pas beaucoup de questions. On n’était pas sûr qu’il abusait des enfants. Il disait qu’ils étaient ses modèles. Je n’étais pas le responsable du séminaire."
Le père L. confirme que beaucoup d’enfants ont été les « modèles » de Louis Ribes tout en disant n’avoir jamais vu "sa documentation".
Quand Luc lui révèle le nombre de jeunes victimes passées entre les griffes du prédateur, le religieux pensif conclut : "Je suis étonné. J’ai du mal à le croire. Si c’est à ce point, cela relève du tribunal pour enfants."
Le temps s’est écoulé. La rencontre s’achève. Le père L. se lève et part célébrer la messe d’enterrement. Luc est désemparé. Le père L.
Tout comme les autres adultes du séminaire des aînés d’Estressin ont préféré ne pas savoir, ne pas trop se poser de questions. Abandonner des enfants comme Luc à leur triste sort.
Le diocèse de Lyon confirme ce samedi 29 janvier au matin que les dessins et productions pédopornographiques de Louis Ribes auraient été détruites par un prêtre et un laïque du séminaire De Vienne Estressin au décès du père Ribes en 1994, horrifiés par ce qu’ils venaient de trouver. Le diocèse de Lyon vient de faire un signalement au procureur de la République de Lyon.