Les juges ont condamné les deux pilotes de l'affaire Air Cocaïne, originaires du Rhône et de l'Isère, à 6 ans de prison ferme. Cinq autres accusés ont écopé de peine allant jusqu'à 18 ans de réclusion.
Retour en prison pour l'Isérois Bruno Odos et le Lyonnais Pascal Fauret. La cour d'assises spéciale d'Aix-en-Provence a condamné à six ans de prison les deux pilotes de l'affaire Air Cocaïne ce vendredi 5 avril. Originaires d'Auvergne-Rhône-Alpes, ils ont été arrêtés en mars 2013 en République dominicaine, alors qu'ils s'apprêtaient à prendre les commandes d'un Falcon 50 chargé de 700 kg de cocaïne. Condamnés à 20 ans de prison par la justice locale, ils effectueront 15 mois dans "l'enfer" carcéral de ce pays, avant de parvenir à fuir vers la France.
Cette condamnation est donc une nouvelle douche glacée pour leurs familles. Certains, qui avaient cru jusqu'au bout à l'acquittement, ont fondu en larmes à l'annonce du verdict, dans une salle où régnait une grande tension. D'autres se sont emportés : "C'est un scandale ! C'est politique ! Il n'y a pas de justice, saloperie !".
Cinq autres accusés ont écopé de peine allant jusqu'à 18 ans de réclusion. Seuls deux d'entre eux aux rôles présentés comme mineurs, Henri Bartolo et Michel Ristic, ont été acquittés au terme de sept semaines de procès. Bruno Odos et Pascal Fauret se sont laissés conduire vers la prison par l'escorte policière. Le matin, Pascal Fauret avait avoué avoir "peur". "Mais je compte sur vous pour enlever cette peur", avait-il lancé aux juges d'Aix-en-Provence. Le trafic de drogue, "c'est pas ma vie. Ma vie, elle était dans les montagnes, les avions, avec ma femme et mes enfants", avait affirmé une dernière fois l'Isérois, en jean et pull gris.
Cependant, après onze heures de délibéré, les cinq magistrats professionnels d'Aix-en-Provence ont suivi en grande partie l'accusation, et estimé que les sept condamnés avaient participé sciemment à un trafic de drogue transatlantique. Le ministère public avait requis sept ans de prison à l'encontre des deux pilotes qui ont toujours nié toute participation à un quelconque trafic.
"Pas des mercenaires"
Les centaines d'expertises, de témoignages et d'interrogatoires, sept ans après la première de trois rotations transatlantiques suspectes d'un Falcon 50, ont corroboré aux yeux des juges la thèse de l'accusation, dans le secret des délibérations. Pour l'avocat général Marc Gouton, il n'y avait pas "l'ombre de l'ombre d'un doute" sur l'existence du trafic. Tous les protagonistes avaient conscience de participer à un trafic de drogue, prenant des précautions pour brouiller les pistes en changeant constamment les plans de vols par exemple, avait-il souligné.
Les pilotes "savaient" que l'avion transportaient de la drogue, avait martelé le représentant du ministère public, convenant toutefois que ces anciens pilotes militaires, décorés, n'étaient "certainement pas (...) des mercenaires au service du crime organisé". Mais "ils ont été littéralement confits dans un système dont ils n'ont pas voulu sortir, ce postulat selon lequel le client est roi, qu'on ne peut rien savoir, qu'on ne doit rien savoir".
Les accusés eux, niaient tous, sauf un, Frank Colin, acteur-clé qui prétend être un "agent infiltré" et qui a été condamné à 12 ans de prison, conformément aux réquisitions. Les avocats de la défense avaient tenté en vain de semer suffisamment de doute chez les cinq magistrats professionnels en pilonnant l'enquête et ses faiblesses. Ils avaient accusé les magistrats français de faire confiance à leurs homologues de République dominicaine, dignes de "Tintin chez les Picaros", selon les mots de Me Philippe Screve.
Eric Dupond-Moretti, en défense des pilotes, avait dénoncé une "justice détestable qui fonctionne à vide". Ali Bouchareb, le seul accusé à comparaître détenu, a été reconnu comme le commanditaire des trois rotations suspectes entre Saint-Tropez, Punta Cana ou encore Quito. Déjà condamné dans d'autres trafics de drogue, le Stéphanois a écopé de 18 ans de réclusion. La cour d'assises spéciale a également fait preuve de sévérité à l'égard de François-Xavier Manchet, un douanier qui avait prêté main forte aux trafiquants. Il a été condamné à 5 ans de prison, là où seulement quatre ans avaient été requis. Il échappe par contre à une amende de 3 millions d'euros, que devront régler les autres condamnés.