Ce mercredi 19 janvier 2022, l'Assemblée nationale a donné un feu vert unanime en première lecture à une prolongation de la concession de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) chargée de l'aménagement du fleuve, jusqu'en 2041. Cette concession arrive à échéance fin 2023. Cette prolongation rime avec une mise à l'abri de la CNR de la concurrence.
La concession de la Compagnie Nationale du Rhône, chargée de l'aménagement du fleuve, arrive à échéance fin décembre 2023. Prolonger cette concession jusqu'en 2041, c'est la proposition de loi qui est aujourd'hui portée par le député de Savoie Patrick Mignola (MoDem), rapporteur de la commission des affaires économiques.
Rhône: un mode de gestion unique
"Le Rhône est constitutif de l'identité du pays, 3e fleuve par sa longueur, 2e par son débit, il est jalonné de 19 ouvrages hydroélectriques, de 14 écluses à grand gabarit et de 22 sites industriels et portuaires," a rappelé le député en préambule.
"Le Rhône se démarque par un modèle de gestion unique," a expliqué Patrick Mignola mercredi 19 janvier. C'est une loi de 1921, qui avait fixé les grandes lignes de l'aménagement du fleuve. Un loi portée à l'époque par des élus rhodaniens. Elle a abouti à la mise en place de cette concession au début des années 30.
"Le Rhône fait l'objet d'une concession accordée par l'Etat à la CNR en 1933. Elle a une triple mission : l'utilisation de la puissance hydraulique d'abord, la navigation et les usages agricoles du Rhône (dont l'irrigation et l'assainissement). La concession a été accordée pour 75 ans et a commencé à courir en 1948, à la date de mise en service du barrage de Génissiat."
Prolongation de la concession de la CNR : on vous explique pourquoi
La concession de la Compagnie Nationale du Rhône arrive à échéance l'an prochain, le 31 décembre 2023. "Le Droit européen de la Commande Publique aurait normalement imposé une remise en concurrence de la concession à l'échéance des 75 ans," a rappelé Patrick Mignola. "Mais l'histoire particulière de cette concession justifie d'une prolongation sans remise en concurrence," a argumenté le député pour appuyer la prolongation de la concession pour une durée de 18 ans.
Ainsi, au sortir de la seconde guerre, en raison des besoins en électricité, "il s'est avéré nécessaire de nationaliser la production d'électricité". Entre 1948 et 2006, ce n'est pas la CNR mais l'opérateur historique (EDF) qui a exploité les ouvrages sur le Rhône, "cela représente une période d'exception vis à vis du régime normal de la concession de quasiment 60 ans qui justifie la prolongation de la concession," a détaillé le député, évoquant ainsi des "circonstances imprévisibles".
Comment a été choisie cette date de 2041 ? "La nouvelle date d'échéance de la concession a été choisie de manière à ce que la durée moyenne d'exploitation de chacun des 19 ouvrages hydroélectriques sur le Rhône soit de 75 ans," a poursuivi Patrick Mignola.
Que dit Bruxelles ?
Quid de la validité juridique de cette prolongation ? Une concertation s'est engagée dès 2016 entre l'Etat et la Commission européenne pour s'assurer qu'une prolongation de cette concession ne contreviendrait pas au régime des aides d'État, ou à celui des commandes publiques.
A ce propos, l'exposé des motifs indique que les services bruxellois ont, en octobre 2020, confirmé que "le projet ne nécessitait pas de notification à la Commission européenne au titre des aides d'État".
"CNR : un joyau à préserver et un exemple à valoriser"
La CNR comprend des représentants de l'Etat et des collectivités territoriales (183 collectivités territoriales sont d'ailleurs actionnaires). Pour le député de Savoie, la Compagnie Nationale du Rhône dispose de l'expertise et de "l'expérience nécessaire à la poursuite de ses missions d'aménagement du Rhône" et de ses "missions d'intérêt général". "La CNR représente 1500 emplois directs et 15 000 emplois indirects," a précisé au passage Patrick Mignola, insistant sur le poids industriel du concessionnaire. Le député MoDem a également insisté sur sa "forte" dimension environnementale, la CNR étant le "seul producteur français d'énergie renouvelable à 100% (eau-air-soleil)" et "producteur d'un quart de l'hydroélectricité française".
Proposition de loi approuvée à l'unanimité
La proposition de loi portée est soutenue par le gouvernement et déjà approuvée à l'unanimité en commission, a été validée par l'ensemble des 65 votants. Elle doit maintenant être examinée au Sénat.
La secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique Bérangère Abba a salué "l'idée visionnaire" qui au début des années 30, a conduit à confier à la CNR l'aménagement du fleuve.
La mise à l'abri de la CNR de la concurrence au moins jusqu'en 2041, en particulier concernant ses installations d'hydroélectricité, a été saluée de toutes parts dans l'hémicycle du Palais Bourbon.