La pollution olfactive est un sujet de préoccupation en Auvergne-Rhône-Alpes. A Lyon, Atmo a lancé une application mobile pour faire du signalement localisé sur toute la région. En Haute-Savoie, le Syndicat de traitement des déchets de la vallée du Mont-Blanc recourt à un jury de "nez".
C'est le deuxième motif de plainte après le bruit ... Les mauvaises odeurs gâchent le paysage et empêchent les habitants de jouir de leur environnement. La pollution olfactive est d'autant plus insidieuse qu'on ne la voit pas. Elle se manifeste subitement, pour s'évanouir un peu plus tard et revenir plus forte encore à la faveur du vent dominant . Elle reste donc difficile à appréhender et à combattre. Mais cette réalité là, nauséabonde et insaisissable, est maintenant perçue comme une vraie nuisance. Elle est, à ce titre, devenue l'objet de toutes les attentions.
Traquer les mauvaises odeurs
En Haute Savoie, le Syndicat de traitement des déchets de la vallée du Mont-Blanc se préoccupe depuis 2016 des effluves de son usine d'incinération de Chedde -Passy. Un jury de "nez" a été mis en place dans un rayon de 2 kms autour de l'usine pour identifier la nature exacte de la nuisance et mesurer le plus précisément possible la gêne occasionnée au voisinage.
Au début de l'expérience, des volontaires, souvent incommodés et occupant le périmètre immédiat, se sont manifestés. Ils devaient traquer les odeurs, les identifier aussi précisément que possible et faire remonter leurs observations à la source. Mais l'énergie du début s'est étiolée.
"Il n'y avait pas énormément d'odeurs" estime Agnès Sinceretti , la directrice du Sitom. Et surtout les informations recueillies ont permis de réduire progressivement les protestations : "On a demandé aux camions qui transportaient des boues d'épuration de bâcher leur chargement. On leur a demandé d'emprunter des circuits éloignés des habitations. Et on a veillé à la fermeture rapide des portes de l'incinérateur". Des mesures qui ont contribué à limiter les relents nauséabonds en provenance du site.
Début 2018, le SITOM a voulu recruter de nouveaux bénévoles, remobiliser ses "nez" et leur offrir de nouveaux outils, plus adaptés à leurs missions. Un simple mail ou une alerte par SMS leur permettent aujourd'hui de donner l'alerte. Le résultat ne s'est pas fait attendre : 54 signalements entre le 14 juin et le 31 août 2018, dont 42 n'étaient pas imputables à l'usine d'incinération. Au delà de la bonne volonté, toute la difficulté réside dans l'identification des nuisances et leur localisation à un moment précis.
Des mallettes pédagogiques et des fioles odorantes
A Lyon, le recensement des nuisances olfactives a débuté beaucoup plus tôt, dès 2003 avec "RespiraLyon"et "Spiralair". Ici aussi, on a recruté des "nez". Le projet piloté par l'Etat avec le soutien des industriels et le milieu associatif a connu ici un certain engouement. Une trentaine de volontaires se sont inscrits. Pas forcément des militants écologistes, mais plutôt de simples citoyens, préoccupés par la préservation de leur cadre de vie.
Le dispositif à bien fonctionné les premières années. Des mallettes pédagogiques avaient été distribuées, renfermant des fioles odorantes correspondant chacune à une source de nuisance potentielle. "Les nez avaient été formés à reconnaître des odeurs caractéristiques d'industries polluantes", explique Sébastien Weitz, chef de projet à l'association Atmo Auvergne-Rhône-Alpes.
Mais le jeu de détective s'est très vite compliqué pour ces néophytes avec la présence de "zones multi-émettrices". Il y a sur le bassin industriel lyonnais toutes sortes d' industries polluantes sur un même secteur, susceptibles de générer de mauvaises odeurs, ensemble ou séparément. Difficile dans ces conditions d identifier une odeur spécifique, de désigner une industrie plutôt qu'une autre.
La loi sur la qualité de l'Air et le renforcement des directives européennes sont finalement venus à la rescoussse des "nez". Les mesures réglementaires ont contraint les industriels à revoir leurs rejets indésirables et à imaginer des alternatives zéro "émission". Au fil du temps, les signalements se sont donc espacés.
Veille citoyenne
Pour autant, la démarche citoyenne reste encore le modèle le plus vertueux pour amener les industriels à s'amender. Atmo Auvergne-Rhône-Alpes a lancé le 15 mai "Odo", sa nouvelle plateforme de signalement des odeurs. Elle permet cette fois à tout un chacun d'identifier une mauvaise odeur, de la caractériser et de placer une alerte géo-localisée sur son ordinateur ou sur son smartphone.
Regroupées, recoupées, ces multiples contributions doivent permettre de localiser très précisément la source d'une nuisance olfactive. Atmo Auvergne-Rhône-Alpes peut à partir de là mener sa propre enquête avec l'appui des services de l'Etat.
Le projet est appelé à évoluer encore avec une mise en réseau sur une zone délimitée, en faisant "rebondir" les indices auprès d'autres contributeurs, pour les confirmer ou pas. L'idée est de créer, avec l'appui des collectivités locales, une communauté responsable dans un périmètre donné, chargée de sensibiliser les industriels qui auraient la mauvaise idée de persévérer.
Pour « Atmo » Auvergne-Rhône-Alpes, cette veille olfactive n’a pas vocation à instruire des plaintes administratives contre les industries malodorantes. Elle servirait une plus noble cause: Faciliter la concertation entre communes, entreprises et riverains. A partir de là, l'atmosphère devrait être franchement plus respirable.