Portrait d'un jeune épicier qui sourit à la vie... écoresponsable. Youssef Ahror et sa petite famille ont choisi de vivre de leur passion. Il ont ouvert une boutique "formidable" et respectueuse des saisons à Saint-Priest, près de Lyon. Et ça marche...
Youssef Ahror est un épicier formidable. Il a installé sa « tribu des saveurs » en 2019 avec son épouse, originaire de Haute-Loire, et grâce au soutien indispensable de financements participatifs.
Ce passionné y propose des produits en vrac, à 90% bio, locaux, de saison et, surtout, à des prix abordables. Avant d’ouvrir sa boutique, ce destin n’était pas forcément tracé. Loin de là.C’est à Audes, une petite commune située au nord de Montluçon, dans l’Allier, que Youssef a passé une grande partie de son enfance, pendant les vacances scolaires, chez sa grand-mère auvergnate. « Chez mémé Paulette, j’ai découvert comment jardiner, aller aux escargots. Des choses simples de la vie, en fait. Mais qui reflètent une réalité qu’on a perdu, aujourd’hui » sourit-il.
Un goût pour la transmission
Fils d’une auvergnate et d’un marocain, Youssef a évolué en gardant le meilleur des deux cultures : « J’ai fait en sorte que tout le monde soit satisfait » plaisante Youssef, qui résume son héritage « Audes, c’est le côté auvergnat, qui me vient de ma maman, une blonde aux yeux bleus. Et de l’autre, mon papa, d’origine marocaine, décédé l’an dernier, était berbère. J’essaye de combiner les deux pour faire un savant mélange. »
Aujourd’hui, Youssef est aussi un jeune père heureux de trois filles « elles-aussi, moitié marocaines, moitié-françaises » s’amuse-t-il.
Avant de devenir épicier, Youssef a d’abord suivi des études de commerce, avant de devenir… ambulancier. « J’étais en quête de sens. Mes études en BTS m’apprenaient l’alternance, la vente par téléphone, puis j’ai été orienté vers la grande distribution. Cela ne me correspondait vraiment pas, en fait. Ce n’était pas le relationnel que je recherchais. »
Puis son destin change : « J’ai eu l’opportunité de passer un diplôme d’ambulancier à la Croix-Rouge française. Je ne connaissais rien du métier. J’y suis un peu allé au culot. Et j’y suis arrivé. » Youssef va même exercer cette profession durant dix ans.
Un projet de vie
A nouveau, le destin s’en mêle. « J’ai rencontré ma future épouse Edith, qui était infirmière. On s’est connus à l’hôpital et cela a été le coup de foudre. Puis nous avons eu Lina, notre première fille, puis Elsa. C’est à cette période qu’on a commencé à se remettre en question sur notre façon de consommer » se souvient-il.Youssef et Edith décident de trouver une activité avec du sens, autour du bio, du maraichage, de l’agriculture. « J’avais un faible pour la permaculture, mais Edith m’a vite permis de relativiser, notamment parce que je n’aime pas le froid. » En 2018, quelques épiceries « écoresponsables » commencent à émerger. Le concept les attire.
Apprendre à consommer autrement
Rapidement, toute la famille adopte de nouvelles habitudes de consommation. Direction Saint-Priest. Après un stage d’immersion dans une épicerie à Corbas, Youssef a décidé de se lancer. « J’ai découvert le contact avec le client. Celui qui aime échanger, se rapprocher des produits, des producteurs. Et puis ce stage m’a ouvert les yeux sur le fait que l’on peut consommer autrement. »
Comme par exemple, privilégier le « bien manger » sur le matériel… « Ce n’est pas un choix facile. Cela m’a pris du temps, avec l’aide d’Edith. Elle m’a influencé positivement. »
Le couple réussit désormais cette belle prouesse de vendre des produits bio de qualité, sans être situés dans un quartier « bobo ». Pour y parvenir, ils veillent à surveiller les prix. Mais pas seulement. « Il faut savoir parler de ses produits. On a travaillé dessus pendant plus d’un an, avant d’ouvrir notre commerce. On a fait ce « sourcing » auprès des producteurs locaux, ou français. C’est un travail énorme, que l’on poursuit chaque jour. Par exemple, on relance le principe de la consigne sur énormément de produits. Chaque produit a été testé par nos soins, avant d’être vendu. »
une clientèle de plus en plus responsable, qui tend à privilégier sa consommation alimentaire plutôt que purement matérielle
A la « tribu des saveurs », on veille aussi à respecter la saisonnalité des produits. Et Youssef prend un certain plaisir à transmettre ces valeurs. « Ce qui est malheureux, à notre époque, c’est que l’on peut trouver des fraises ou des tomates en janvier et février sur les marchés. Pas chez nous. Nos clients le comprennent. Ils sont heureux, aussi, de découvrir de nouveaux produits, ainsi que des produits anciens qui reviennent. Comme le topinambour, l’hélianthe, le crosne… Et surtout, cela les aide à faire découvrir des choses nouvelles à leurs enfants » témoigne-t-il.
Le commerce de la petite famille semble même accompagner une évolution de la population de Saint-Priest. « On y trouve une clientèle de plus en plus responsable, qui tend à privilégier sa consommation alimentaire plutôt que purement matérielle » confirme Youssef.
Le confinement est aussi passé par là. « Les lyonnais ont parfois quitté la ville pour venir habiter en périphérie, plus près de la campagne » constate notre jeune commerçant. Mais il ne cherche pas spécialement à attirer des clients plus aisés. « On n’a pas monté cette épicerie pour s’enrichir, mais simplement pour en vivre. Nous sommes cinq membres dans cette famille, et il fallait, aussi, avoir la possibilité de consommer nos propres produits. Donc on voulait que ce soit accessible au plus grand nombre. »
Un environnement cosmopolite
L’esprit de cet épicier reste fidèle aux quartiers qui l’entourent. « Beaucoup de nos clients viennent de Bel Air, un quartier populaire de Saint-Priest. Mais aussi de Vénissieux, de Bron, à l’Est de Lyon. C’est une épicerie assez cosmopolite » résume le jeune homme.
Aujourd’hui, cette épicerie « bon esprit » propose aussi des ateliers pour apprendre à limiter le gaspillage, ou fabriquer soi-même. Et l’effort de pédagogie ne s’arrête pas sur le palier du magasin. « J’ai beaucoup de projets en tête. A mon avis, le confinement a ouvert de nombreuses voies. Il faut entretenir le commerce de proximité » s’enflamme Youssef.
Avant d’évoquer, au passage, ses rêves personnels « Partir un jour à la campagne, élever des animaux... » sourit-il, en croisant les doigts.
REPLAY : voir ou revoir "Vous êtes formidables" avec Youssef Ahror