Une mère accusée d'avoir assassiné ses deux filles de trois et cinq ans, en 2018, a avoué, après des mois de dénégation, avoir été à l'origine de leur mort, ce jeudi 16 décembre au matin, devant la cour d'assises de Lyon.
"Je vais vous dire ce qui s'est passé ce jour-là. C'est moi qui ai provoqué cet accident", a déclaré Jamila El Rhoufi dès le début de son interrogatoire, ce jeudi 16 décembre au matin, alors qu'elle avait toujours nié les faits. Elle était en garde à vue comme devant le juge d'instruction jusqu'à son procès qui s'est ouvert mardi 14 décembre.
Cette femme de gendarme est jugée pour avoir donné la mort à ses deux enfants, en juin 2018, dans son appartement de la caserne de Limonest, près de Lyon, en l'absence de son mari qui participait à une épreuve sportive.
Que tout le monde sache que je ne l'ai pas fait par plaisir. Jamais une mère désire faire du mal à ses propres enfants", a déclaré l'accusée de 41 ans, affirmant que "ce jour du 10 juin 2018", sa vie "s'est arrêtée.
Selon un rapport d'autopsie, les deux fillettes ont été victimes d'une "asphyxie mécanique de type suffocation". Ce double infanticide avait à l'époque suscité une vive émotion dans la commune et dans les rangs de la gendarmerie.
Elle s'est ensuite lancée dans un long récit de son parcours, mettant notamment en cause l'indifférence de son mari. "Je me suis mise dans une carapace, il fallait que je me protège, que je protège la petite", a-t-elle tenté d'expliquer, évoquant son isolement et une relation fusionnelle avec ses filles.
Durant l'audience, elle affirme "le rôle de mère c'était le rôle de ma vie". Cette relation fusionnelle avec ses enfants interpelle. Le président lui posera même la question, "N'aviez-vous pas un amour pathologique envers vos filles ?"
L'éventualité d'une garde partagée, d'une séparation même temporaire avec ses enfants semble lui être insupportable.
L'accusée a du mal à raconter l'acte en lui-même, à le décrire dans les détails. Elle explique "Je ne voulais pas les faire souffrir, je voulais les faire partir paisiblement".
"Au plus profond de moi-même, je ne suis pas un monstre, même si j'ai avoué un acte inimaginable."
A la sortie de l'audience, Me Valérie Sanossian, avocate du père des deux fillettes explique : "Ce sont des aveux que nous attendions et c’est une réponse que le père de ces deux petites filles voulait entendre. C'était important que cela puisse avoir lieu. Ce qui s’est passé ce matin apporte quelques réponses."
L'avocate du père poursuit,"c’est quelque chose dont il avait besoin, il vit avec ce drame au quotidien. La seule chose qu’on puisse espérer aujourd’hui c’est qu’au moins certaines questions arrêtent de tourner en boucle dans sa tête. Ça n’effacera rien, ni la douleur, ni le manque mais ça peut permettre d’éviter certaines questions. Il aurait été bien de comprendre ce passage à l’acte, la réponse n’a pas été "complète", elle n’était peut-être pas en capacité d’apporter une réponse complète."
Pour Me Alexandre Plantevin, l'Avocat de Jamila, il n'est pas certain que les motivations profondes de son geste soient connues un jour. "Elle était arrivée au bout, il fallait qu’à un moment ça sorte, qu’elle le dise, c’est un soulagement pour tout le monde."
Il le reconnait, l'accusée se raconte en se "mettant en scène" : "Elle met sa vie en scène .. parce que sa vie est triste et qu’elle a simplement besoin de la mettre un peu plus en lumière, de l'enjoliver mais l’essentiel c’est ce qui s’est passé ce matin. Elle reconnaît avoir tué ses deux enfants et essaye d’expliquer son geste. Est-ce que la perspective d'une garde alternée lui était insupportable? je ne sais pas. C’est difficile de trouver des explications à un geste qui par définition est inexplicable."
Issue d'une famille de sept enfants du nord de la France, Jamila El Rhoufi a été placée en foyer à 16 ans en raison des violences de son père. Tentatives d'enlèvement, projet de mariage forcé, son parcours de jeunesse a été marqué par la brutalité.
Dans la recherche des causes de la mort des fillettes, retrouvées chacune dans leur lit, les expertises médico-légales ont établi que les faits se seraient produits en deux temps: durant la nuit pour la première victime et le lendemain après-midi pour la seconde. Au cours de ce week-end, le frère de l'accusée et sa belle-soeur n'avaient rien noté de particulier en lui rendant visite.
Jamila El Rhoufi encourt la réclusion à perpétuité, le verdict est attendu pour vendredi.